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SOTO (DOMINIQUE DE). VIE

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son plæet, nuis en le munissant d’additions aux endroits convenables. Dominique de Soto fut désigné par le souverain pour succéder à Pierre de Soto dans sa charge de confesseur impérial (15 août 1548). Dans l’accomplissement de ce ministère, il eut, lors des contestations diplomatiques entre Charles-Quint et Paul III, de vives luttes à soutenir avec les légats pontificaux, plus préoccupés, semble t-il, îles intérêts de la maison de Farnèse que du règlement des affaires religieuses. Hn particulier. Soto fut résolument hostile au légat Pierre Bertano, de son ordre, avec qui, à l'époque du concile, il avait déjà eu quelques différends. Soit ressentiment, soit incompatibilité de caractère, celui-ci traça de Soto, dans sa correspondance avec Rome le portrait le plus défavorable. Incapable de feindre, Soto s'éleva avec force contre ces agissements, prenant la défense des intérêts de l’empereur, attaquant toutes les ambitions qui allaient à rencontre de ceux-ci. Il finit par désarmer l’hostilité que Bertano avait excitée à Rome contre lui. Il jouissait aussi de la pleine confiance de l’empereur. Mais ni sa rectitude de conscience, ni sa répugnance pour l’intrigue ne lui permettaient de demeurer indéfiniment à la cour. A la fin de 15t9. il exprima le désir de rentrer dans son couvent de Salamanque. Charles-Quint voulait récompenser ses services en le présentant pour l'évèché de Ségovie ; Soto déclina cet honneur.

Toujours laborieux, il s'était mis, sitôt terminée l’impression du De natura et gratia, à la rédaction d’un commentaire sur l'épître aux Romains ; la première édition en parut à Anvers, peu après sa rentrée en Espagne. Bien des fautes s’y étaient glissées, au détriment de l’orthodoxie ; il fit donc paraître à Salamanque, en 1551, une autre édition, la seule qu’il ait reconnue comme authentique. Il espérait, dans sa retraite et étant donnée l’expérience acquise durant ses cinq années de séjour à l'étranger, travailler à mettre en ordre les matériaux théologiques qu’il avait rassemblés. Mais, fréquemment convoqué par les conseils de Castille et par l’Inquisition, il dut maintes fois se rendre à Valladolid, résidence de la cour, pour s’y occuper et des affaires de l'État et de celles du SaintOffice.

Peu de temps après son retour à Salamanque, à l'été de 1550, il fut, par ordre de l’empereur, mandé à Valladolid, pour y discuter des affaires des Indes occidentales et donner son avis sur les problèmes que venaient de soulever les écrits de J.-G. de Sepûlveda et du P. Barthélémy de Las Casas, partisans respectifs de deux systèmes opposés de colonisation. Soto fut chargé de faire le résumé de la conférence contradictoire où ils avaient exposé leurs arguments ; il le présenta par écrit, dans une deuxième série de conférences (printemps de 1551), et cet écrit fut publié à Séville, en 1552, avec les œuvres de B. de Las Casas.

A la fin de 1550, sur ordre de l’empereur, le conseil de l’Inquisition lui demanda d'étudier le procès du docteur Gilles, magistral de Séville, qui venait d'être présenté pour l'évèché de Tortosa, au moment même où l’on découvrait les manœuvres de propagande luthérienne auxquelles il se livrait dans la cité du Guadalquivir. En juillet 1552, sur mandat de l’inquisiteur général, Soto arriva dans cette capitale, pour essayer de faire rentrer le sectaire dans le bon chemin. Gilles se soumit d’une manière plus ou moins sincère et abjura diverses propositions hérétiques qu’on lui attribuait.

Par ordre du même tribunal, Soto s’occupa ensuite de l’examen des bibles luthériennes introduites en Kspagne. De ce travail, auquel furent associés Carranza et quelques maîtres de Salamanque, sortit la Censure générale contre les erreurs que les nouveaux hérétiques ont introduites dans l'Écriture ; elle fut publiée en 1554

et contient des remarques sur cent trois éditions de la Bible.

Entre temps, la « chaire de prime » de théologie était devenue vacante à Salamanque par la renonciation de Melchior Cano. La faculté l’ayant demandée à l’unanimité pour Soto. le couvent des dominicains se rallia sans opposition. Dès la rentrée d’octobre 1552, Soto prit possession de cette chaire. Durant les dix dernières années de son séjour à. Salamanque (1550-1560), il vit s’introduire dans l’université diverses réformes, en dépit de l’opposition du conseil de Castille. Elles se rapportaient principalement à la création du collège de grammaire dit des trois langues. Le titulaire de la « chaire de prime » y prit une part importante et, à plusieurs reprises, il fut chargé par l’université de plaider auprès du conseil de Castille pour amener celui-ci à restreindre ses interventions.

De même Soto intervint-il, dans les années 15551556, à la demande de la régente d’Espagne, dona Juana, dans le différend qui s'éleva entre le pape Paul IV et le roi Philippe IL Tout d’abord il eut mission de se rendre à Tolède pour y négocier avec le cardinal Siliceo la levée, en cette église, de la cessatio a dioinis, décrétée par le chapitre en représaille de l’embargo mis sur les revenus ecclésiastiques parce que le clergé se refusait à payer les subsides de la « quarte » concédée pour la guerre contre les infidèles. Il traita en même temps avec le cardinal de l’expédition destinée à reconquérir Bougie. Il s’efforça encore d’atténuer les frictions entre l’Espagne et Rome, modérant l’impétuosité de ceux qui proposaient la rupture complète. Quand, malgré tout, la guerre éclata, il se retira à Salamanque pour y reprendre ses travaux scientifiques, ayant au moins la satisfaction du devoir accompli.

Bientôt il fut obligé de suspendre une nouvelle fois son labeur pour se rendre à une autre convocation de la cour, mais dans des circonstances qui l’affectèrent profondément. Il s’agissait de l’affaire du Catéchisme de Carranza, lequel avait été son compagnon au concile et son collaborateur en diverses circonstances et venait d'être nommé archevêque de Tolède. L’affaire Carranza, cf. ci-dessus, t. x, col. 1859, est aujourd’hui suffisamment éclaircie. N’ayant pas à l'étudier ici en elle-même, nous nous bornerons à de brèves indications, renvoyant le lecteur aux divers articles que nous avons publiés à ce sujet dans La Ciencia tomista.

Carranza avait toujours été un religieux exemplaire, mais, dans son zèle pour la réforme de la vie chrétienne, il avait des sympathies pour le programme érasmien qui prenait en Espagne des proportions incroyables. Avec le temps, il entra en relation avec Jean de Valdès et ses disciples italiens, chez qui le réformisme érasmien se présentait comme un courant de spiritualité à tendances illuministes. Il était difficile, même pour des théologiens, de découvrir la dose de luthéranisme qui se dissimulait sous des apparences de ferveur religieuse. Carranza, esprit confiant, peut-être un peu irrélléchi, se donna, sans arrière-pensée, à la propagande de cette spiritualité illuministe, refusant d’ouvrir les yeux aux avertissements que lui donnait Cano. Le Catéchisme de Carranza est le reflet de cet illuminisine, pour autant que pouvait s’y rallier un esprit soucieux avant tout d’orthodoxie. En fait donc le Catéchisme avait des points vulnérables, ce fut pour l’inquisiteur général, lernand de Valdès, une occasion de satisfaire ses rancunes contre le nouvel archevêque de Tolède. En toute autre circonstance, l’affaire se serait réglée par une monition fraternelle. Mais Valdès voulait une condamnation. Au début il pensa confier à Cano la censure du Catéchisme. Celui-ci connaissait la difficulté du « as et la responsabilité qui lui incomberait, soit qu’il condamnât l’ouvrage, soit qu’il lui donnât