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SORBONNE


ment très judicieux composé par Robert de Sorbon, les traditions qu’il sut Immédiatement implanter dans sa maison en furent les principaux facteurs. Il y a un esprit spécial de la maison de Sorbonne qui eut la rare fortune de se transmettre sans s’altérer pendant près de six siècles, alors pourtant qu’aucun vœu ni aucune vie religieuse ne lia jamais entre eux tous ses membres ; et cette réussite est toute à la louange de son fondateur.

La Société de Sorbonne est une famille studieuse, simple, où régnent l'égalité la plus entière et une fraternité non affectée. Ceux qui la constituent essentiellement sont les socii, les associés, qu’ils soient payants, s’ils ont les ressources suffisantes pour cela, ou boursiers, profitant des fondations et des revenus sagement gérés, ou des dons qui sont toujours accueillis. Entre ces deux catégories, d’ailleurs, aucune différence n’existe, absolument. Le titre de socius est des plus enviés et ne s’accorde qu'à bon escient. Une enquête sur la moralité, la piété et le caractère du candidat, un examen doctrinal, avec soutenance de la « Robertine », comme on l’appela, plus tard même, un stage, étaient requis au préalable ; mais seul un vote, au scrutin secret et uninominal, à la pluralité des voix, décidait de l’admission. Quiconque avait été une fois écarté, l'était pour toujours. Mais aussi le titre, une fois acquis, était inaliénable ; on pouvait le porter toujours, même quand depuis longtemps on avait cessé d'être membre résident du collège. On faisait même serment au jour de son admission de ne point entrer dans une autre communauté ou congrégation séculière soumise à une autorité étrangère.

En revanche, la Société apportait à ses membres tous les avantages de son institution : gaudent… Sorborue nomine, mensa, scola, libris, utensilibus ; prælectiones, disputationes, collationes habent excipiunlque. Cl. Hemere, Miscellanées, bibl. Arsenal, n. 1228, fol. 333. Ces mêmes bénéfices se trouvent accordés aux hôtes qui devaient couvrir par avance les frais de leur entretien et qui, dans la mesure des places disponibles, étaient admis eux aussi dans la Maison de Sorbonne. Qu’ils fussent ou non résidents, ils partageaient les mêmes droits, étaient tenus aux mêmes exercices et vivaient de la même vie. Leur nombre, celui des hôtes comme celui des associés, fut toujours assez restreint ; jamais il ne dépassa le chiffre de 36, auquel il ne parvint d’ailleurs que progressivement. Et le renouvellement s’en trouvait assuré par le point du règlement qui exigeait qu’une fois la licence obtenue — normalement au terme de sept ans d'études, de dix au maximum — on cédât la place à d’autres.

Ce nombre limité, ce recrutement strict assuraient déjà à leur façon la cohésion et l’unité de la maison de Sorbonne. Pour la cimenter davantage encore, l’idée géniale de Robert de Sorbon fut d’intéresser tous les membres du collège à la bonne marche et à la prospérité de leur maison, en les associant étroitement à sa direction.

Si l’on excepte le proviseur, dont la charge élait à vie et dont l'élection était soumise à des lois plus compliquées, toutes les autres fonctions, des plus humbles aux plus hautes, ('(aient assurées par voie d'élection. Il nul ne pouvait se récuser. Comme leur durée était annuelle et comme la responsabilité de chacun était engagée, jusqu'à la bourse inclusivement, cette coutume obligeait les associés à suivre avec grand soin et avec une scrupuleuse exactitude la marche de leur maison. Seuls, d’ailleurs, les associés étaient électeurs et éligibles ; et en cela consistait leur unique, mais importante distinction d’avec les hôtes. Des conseils permanents, choisis eux aussi parmi les associés, des assemblées plus larges quand besoin en était, contrôlaient les charges, cillaient au maintien des traditions et à l’application concrète des coutumes.

Au sein de ces divers rouages, l'égalité la plus complète devait régner et de fait existait entre tous les membres, anciens ou jeunes, résidant ou non, de la Société de Sorbonne. Il en résultait, et l’histoire est là pour en témoigner, un esprit de famille à la fois très simple et très sérieux, une collaboration que les détails matériels les plus humbles et les menus articles du règlement aidaient à rendre toujours plus étroite et plus familière. Un esprit de pauvreté aussi, qui restait bien dans la ligne du fondateur des « pauvres clercs étudiant en théologie », également éloigné du luxe, mais aussi de la mendicité et des préoccupations matérielles préjudiciables au travail. Les livres de comptes des procureurs fournissent de cet effort constant des preuves édifiantes.

En plus du gîte et du couvert, la Sorbonne fournissait donc à ses membres, suivant la formule d’un ancien associé : colwrs grata, bonus ordo paxque beala, et son ambition pouvait se résumer en cette autre phrase, aux quatre adverbes suggestifs : Vivere socialiler, et collegialitcr, et moraliter, et scholaritcr. Liber Prior. Sorbonie, fol. 84, avril 1459. Le but dernier de la fondation demeure toujours l'étude et la préparation aux grades théologiques. L’atmosphère créée, les services communs, doivent y aider ; et le souci des études, de leur organisation, domine.

Il n’y a pas à ajouter aux statuts généraux de l’Université déterminant les conditions de scolarité, le programme des cours, les exercices scolaires ou les examens. La Sorbonne n’est qu’un collège, on l’a dit ; elle n’a qu'à se conformer aux règlements communs. Mais elle peut venir en aide à ses étudiants, dans le cadre général et sur le terrain même des études. Aussitôt que possible, et sans doute du vivant même de Robert de Sorbon, les cours se donnèrent sur place. Il suffisait pour cela que la nouvelle institution trouvât des maîtres en théologie, reconnus par l’Université, qui acceptassent d'établir là « leurs écoles », plutôt que dans des abris de fortune, loués parfois bien cher. Elle n’en dut pas manquer. Eux, à leur tour, accréditaient leurs bacheliers qui « lisaient » les Sentences et la Bible. Ainsi les étudiants de Sorbonne trouvaient leurs cours intra muros. Plus tard, le collège aura deux séries d'écoles : intérieures et extérieures, ses locaux étant devenus insuffisants et l’ayant obligé à acquérir d’autres maisons dans le voisinage pour y abriter de nouvelles chaires. Ce fut également entre ses murs que se firent les « disputes », imposées d’ailleurs comme exercice scolaire régulier par les statuts de la faculté de théologie. Mais, même pour cela, on avait à la Sorbonne l’avantage de la vie commune. Le prieur est particulièrement chargé de veiller à la régularité de ces séances ; un associé, élu pour l’année et prenant le titre de maître des étudiants, lui vient en aide. Dans une grande simplicité et collaboration, tous les étudiants, mais aussi tous les associés résidant, et les maîtres nantis de leurs diplômes y peuvent intervenir. C’est en commun que l’on s’exerce et que l’on se reprend, comme c’est en commun que se font les répétitions de cours, et comme c’est encore devant la communauté que se donnent les collations ou sermons imposés par les règlements universitaires. Toujours il y a l’aide mutuelle, appliquée cette fois aux études et venant considérablement augmenter l’effort indivl duel.

Mais, à ce compte-là, s'établissent peu à peu, dans le domaine, de la [ « 'usée théologique, des traditions, un

esprit de la mais qui marquera les générations di erses passant par la Sorbonne. Sans parler d’une école au sens strict, comme on peut le faire d’ccolc franciscaine ou thomiste, il y a tout un courant qui se crée et qui, à leur insu peut être, exerce son influence sur les futurs maîtres tic Sorbonne. Faut-il souligner