Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/444

Cette page n’a pas encore été corrigée
2389
2390
SORBONNE


jours reconnu, approuvé et aidé par l’Université de qui

il relève, comme tous les autres collèges, et de qui il doit accepter (fût-ce même en rechignant, comme en tel épisode de 1666) le droit d’inspection.

III. Développement et inflvence.

Les susceptibilités dont le collège de Sorbonne fit preuve parfois à l'égard de l’Université, mais surtout la confusion que l’on établit rapidement entre Sorbonne et faculté de théologie, tiennent à l’importance toujours croissante du collège de Robert de Sorbon et à l’influence prépondérante qu il exerça très vite au sein de la Faculté. Au xive siècle, plus des deux tiers des maîtres régents en théologie appartiennent à la Sorbonne. Les grands actes scolaires se passent dans ses murs et toute la foule s’y presse. Le titre de sociétaire de Sorbonne est avidement recherché ; et, tandis que presque tous les autres collèges périclitent, le nombre des membres de la Sorbonne ne cesse de s’accroître. Des fondations de chaires (il y en eut six par exemple en moins de cinquante ans, de 1577 à 1625) augmentent encore cette influence ; et c’est à la Sorbonne encore, on ne le sait que trop, qu’on fit honneur ou grief des sentences et censures prononcées par la faculté de théologie.

Cette influence a des causes assez diverses, qu’il importe de signaler, tout inégales qu’elles soient. Les causes matérielles ne sont pas des moindres. A commencer par la grande salle qui lui permit d’offrir très tôt l’hospitalité aux actes universitaires.

1° Cette aula existe très certainement en septembre 1281. Elle est achevée du vivant même de Robert de Sorbon, comme en fait foi un acte de juin 1267. Chart. de Sorbonne, fol. 35 d. Or, à cette époque, l’Université est en peine de locaux. Les églises s’ouvrent aux sermons universitaires ; les recueils de ceux-ci mentionnent parfois le lieu où ils ont été donnés devant les maîtres et étudiants assemblés, par exemple : SaintGervais, Saint-Leufroi. Saint-Antoine, Notre-Dame, les Béguines, les Filles-Dieu, la Madeleine, ou même aux Champeaux, qui était le nom des Halles d’alors. Voir Lecoy de La Marche, La chaire française au Moyen Age, p. 226 sq. Mais pour les réunions à allure scolaire, soit délibérations des facultés, soit soutenances de thèses ou disputes solennelles de quolibet, il fallait demander l’hospitalité d’un réfectoire parfois, à Saint-Jacques ou chez les mathurins, ou de la grande salle de l'évêché, ou celle du chapitre de Notre-Dame. Les constructions de la Sorbonne comblèrent une lacune. On y vint très vite. L'église des mathurins continua encore à abriter les délibérations officielles des facultés qusqu’en 1554), mais depuis de nombreuses années déjà elle avait cessé d'être leur siège exclusif. Par contre, dès la fin du xiiie siècle, la Sorbonne abritait les grandes disputes solennelles, soit pour les actes des maîtres, soit pour ceux des bacheliers. Elle donna même son nom à une nouvelle forme d’exercice scolaire, la sorbonique, que les Statuts entérinèrent en 1335 et 1350, mais dont l’existence ainsi que le titre sont attestés en 13Il dans les notes de Prosper de Reggio Emilia(Rome, Vatic. lat. 1086, fol. 167). Il n’en fallait pas plus pour que le courant ainsi établi en certaines occasions plus solennelles s’amplifiât, et que les membres de la faculté de théologie prissent l’habitude de franchir la double porte de Sorbonne quand les affaires de la faculté ou… de la théologie étaient en cause. On vint se réunir, discuter, ou consulter dans la maison de Sorbonne.

2° On y fut attiré aussi par la bibliothèque qui, très accueillante, augmenta pour sa part l’attrait de la maison. Quelles que pussent être les prétentions des autres bibliothèques alors existantes à Paris, celle-ci l’emporta immédiatement sur toutes, par son importance tout d’abord, par son caractère quasi public aussi.

Un des principaux legs qui se trouve à son origine est celui de Gérard d’Abbeville (mort en novembre 1272, et dont le testament est daté du 19 octobre 1271) ; c’est près de 300 volumes qu’il donna au collège naissant (118 s’en conservent encore actuellement à la Bibliothèque nationale). Robert de Sorbon, quelques années plus tard, légua aussi tous ses livres ; d’autres dons suivirent ; si bien que, vingt ans après la mort de Robert, le catalogue dressé en 1290 compte déjà 1017 volumes, dont quatre seulement en français ; leur valeur se trouve estimée, dans un acte de 1292, à 3 812 livres, 12 sous, 8 deniers. Le catalogue nouveau composé en 1338 ne comporte pas moins de 223 pages ; et le nombre des manuscrits ainsi classés va toujours croissant.

Or, à la différence des autres collèges ou maisons d'étude, surtout de religieux, la bibliothèque de Sorbonne devint très tôt bibliothèque de prêt pour les sociétaires de la maison, bibliothèque de consultation pour ceux du dehors. Le testament de Gérard d’Abbeville le laissait supposer déjà ; les premiers règlements que l’on possède, celui de 1321, Bibl. nation., lat. 16 754, fol. 9, et un autre qui lui est antérieur le montrent explicitement. Toutes précautions sont prises pour que seuls soient admis les travailleurs sérieux, sous le patronage d’un sociétaire, d’ailleurs. Des mesures précises garantissent l’ordre, la propreté, le respect des volumes dont un certain nombre sont attachés par des chaînes aux pupitres de consultation. Les locaux deviennent bien vite trop étroits. Un nouveau bâtiment sera construit, et achevé en 1480, comportant une grande et une petite librairie. Toute cette histoire de la bibliothèque de Sorbonne sous-entend à chacune de ses pages l’influence qu’exerça cette institution, neuve en sa formule accueillante, et laisse deviner combien elle contribua pour sa part au rayonnement du collège.

3° A côté de ces deux causes d’ordre plutôt matériel, l’influence de la Sorbonne est due également, et en majeure partie, à l’esprit que son fondateur sut lui infuser dès le début et qui, créant entre tous les maîtres issus de la maison une étroite solidarité, un esprit de corps très accusé, fit des Messieurs de Sorbonne une véritable force articulée dont le rayonnement put jouer très vite à la façon des ordres religieux.

On aurait tort de vouloir expliquer l’influence du collège au sein de la faculté de théologie par la valeur exceptionnelle de ses premiers maîtres. Il n’y a pas, pendant le premier siècle de son existence, de noms très marquants parmi eux. A ce sujet d’ailleurs, il faudrait reviser avec grand soin les listes plus ou moins fantaisistes qu’on a coutume de se transmettre sur ce personnel enseignant des débuts. Franklin par exemple, Les anciennes bibliothèques de Paris, p. 123, énumère parmi ceux qui se chargèrent de diriger l’enseignement : Guillaume de Saint-Amour, Odon de Douai, Laurent l’Anglais, Géraud de Reims, Géraud d’Abbeville, Raoul de Courtray, Régnauld de Soissons, Godefroy Desfontaines, Henri de Gand, Pierre de Limoges, Odon de Castres, Siger de Brabant, Poncard et Arnould de Hasnede. Peut-être de cette liste resterait-il quatre noms au maximum ; tous les autres étant mis hors de cause, soit parce qu’ils ne furent jamais maîtres en théologie, comme Siger de Brabant, soit parce que leur enseignement à Paris est antérieur à la fondation du collège, soit parce qu’ils appartinrent à d’autres écoles. Tous ceux qui sont cités dans le Nécrologe de Sorbonne comme des bienfaiteurs de l'œuvre naissante ne sont pas nécessairement ses maîtres.

Cependant à défaut de noms particulièrement illustres, il est certain que le nombre des maîtres en théologie passés par la Sorbonne alla toujours croissant, on l’a signalé plus haut, et surtout que leur attachement à leur maison d'études fut durable et sincère. Le règle-