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    1. SOPHONIE##


SOPHONIE. noCTIUNE

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la gravité ne cessent de croître. Et puisque les uns et les autres ne sont pas le seul fait îles nations païennes mais du peuple élu lui-même, tous seront trappes. Contrairement au préjugé populaire qui assimilait volontiers les relations de Jahvé et de son peuple avec celles « les dieux et de leurs nations respectives et qui se figurait la cause de Jahvé inséparable de celle d’Israël, les prophètes n’avaient cesse de rappeler que la justice île Dieu aurait son heure, de là leurs menaces d’anéantissement des Fauteurs du mal. aussi bien parmi le peuple choisi que parmi les peuples païens.

C’est de Juda qu’est avant tout préoccupé le prophète Sophonie, et c’est à lui surtout qu’il fait connaître son message du jugement. Les signes précurseurs qu’il en perçoit ne laissent pas que de l’impressionner vivement, c’est pourquoi il adresse un solennel avertissement aux coupables, dans l’espoir que la pensée des rigueurs de ce jugement pourra devenir salutaire : à cet effet la condamnation des désordres qui déshonorent Juda et.Jérusalem pourra marquer la voie à suivre dans le retour à Dieu. Mais, plus que la perspective du salut, c’est la menace qui de beaucoup tient la plus grande place dans l’oracle de Sophonie.

Ce jugement n’atteindra pas seulement Juda mais tous les peuples et particulièrement les voisins d’Israël. La raison en est que, pour Sophonie, comme d’ailleurs pour les autres prophètes, la justice de Jahvé non moins que sa puissance embrasse tout l’univers et, puisque les plus grands désordres sévissent chez les païens, ceux-ci, tout comme Juda, sont désignés aux coups de la justice divine. Sans doute le prophète ne s’attarde pas à énumérer, comme pour son peuple, leurs péchés et leurs crimes ; ce n'était pas nécessaire, car dans la pensée israélite le paganisme n'était rien autre qu’une apostasie et une révolte orgueilleuse contre Dieu, aussi était-il de ce seul fait passible du jugement ; le châtiment des nations n’est que l’exécution intégrale du jugement de Jahvé dont la toute-puissance et la justice exigent le rétablissement de l’ordre dans le monde par la disparition de tout ce qui s’y oppose. Cf. Junker, op. cit., p. C6-67.

2. Jour de Jahvé.

C’est sous ce terme de < Jour de Jahvé que Sophonie annonce la manifestation du jugement. L’idée non plus que l’expression ne sont nouvelles. Isaïe et Amos les connaissent déjà. au temps de ce dernier c'était le terme technique pour designer, du moins d’après l’opinion populaire, le jour du triomphe de Jahvé sur les ennemis de son peuple. Pour les prophètes, le Jour de Jahvé devait marquer le triomphe de la justice sur l’iniquité, aussi bien en Israël que chez les païens. Sans doute, dans la littérature postexilienne, au jour du combat suprême entre la justice et l’iniquité, la première est représentée par Israël, tandis que la seconde l’est par les nations païennes, dont la défaite et la ruine assureront la revanche et le triomphe du peuple élu ; mais telle n’est pas la conception des prophètes antérieurs à l’exil, de Sophonie en particulier. Four lui, comme pour Amos, si le Jour de Jahvé doit consommer la défaite définitive des nations païennes, il n'épargnera pas néanmoins Israël, car la justice doit triompher au détriment même du peuple choisi, elle séira contre Juda et Jérusalem, contre tous ceux qui y ont pratiqué l’idolâtrie et commis l’infidélité : (.'est pourquoi attendez-moi, oracle île Jahvé, au jour où je me lèverai comme témoin. Car c’est mon arrêt de réunir les nations, d’assembler les royaumes pour répandre sur eux mon courroux, toute l’ardeur de ma colère ; car, par le feu de mon ressentiment, toute la terre sera consumée, i iii, N.

Le châtiment n’est qu’un aspect toutefois des réalisations du Jour de Jahvé ; à la place du monde actuel, pécheur et en rébellion contre Dieu, doit apparaître un monde nouveau soumis à Dieu, c’est l’espérance

esehatologique dont on retrouve l’expression dans maints passages de la littérature de l’Ancien Testa ment. Aussi est ce une erreur de la critique de refuser à Sophonie la partie de son livre, [II, 9-20, qui envi sage cette restauration après l’exécution du jugement ; le prophète, en effet, étant donné le caractère esehatologique de son discours, ne pouvait s’en tenir à la partie négative de ce jugement, l’anéantissement des impies, il se devait de mettre également en évidence le nouvel état du monde, désormais agréable à Dieu. Cette perspective ne risquait pas, ainsi qu’on l’a prétendu, d’atténuer la gravité du message de Sophonie et d’en réduire la portée, car, pour les contemporains du prophète, l’imminence du danger et la menace très précise contre les fauteurs d’idolâtrie et de tous autres désordres ne pouvaient laisser d’illusion aux coupables.

Si l’extension du châtiment, et même de la restauration, aux nations païennes n’est pas en contradiction avec la mission du prophète, qui vise tout d’abord son peuple, il n’en reste pas moins que, tout de même qu’Israël était au premier plan des préoccupations de Sophonie dans la description des infidélités et des dé sordres, il le demeure encore dans celle des espérances de restauration. Mais ce qui lui importe en premier lieu, ce n’est pas tant la peinture des circonstances extérieures d’une ère de bonheur que les conditions de la rénovation morale de son. peuple, gage de ce bonheur. A l’attitude d’opposition orgueilleuse à Jahvé devront faire place l’humilité et la soumission qui assureront la paix et la sécurité sous la protection divine, iii, 12-13, tandis que les dispersés et les exilés reviendront dans un Israël désormais glorieux parmi toutes les nations, iii, 19-20. Mais la réalisation de cet idéal apparaît comme réservée à un reste ou au petit nombre de ceux qui auront mérité la faveur divine par leur fidélité : « J'établirai comme Reste au milieu de toi un peuple humble et modeste qui mettra son espoir dans le nom de Jahvé. » iii, 12. Ainsi ce peuple nouveau, purifié par l'épreuve, saura mettre sa confiance, non dans ses propres forces ou dans le secours des puissances humaines, mais dans le nom même de Jahvé et, par ce trait encore, le livre de Sophonie rappelle les protestations des anciens prophètes contre les alliances avec les peuples païens. Cf. van Hoonacker, op. cit., p. 502.

La perspective de cette abondance de bienfaits spirituels et temporels qui caractérisent l’avenir messianique était bien faite pour encourager « les humbles du pays » à persévérer dans la pratique de la loi et la recherche de la justice, ii, 3 ; malgré leur petit nombre ils n’en constitueront pas moins le nouveau et véritable peuple de Dieu. Par là, selon la juste remarque de Junker, op. cit., p. 68, le message de Sophonie se rattache à la prédication de Notre-Seigneur, proclamant bienheureux les pauvres et les doux, les’andi un. i Ne craignez point, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner le Royaume de Dieu. » Luc, xii, 32.

Ainsi, non seulement le prophète fait luire l’espérance du salut d’un Peste, ainsi que l’avaient déjà fait d’ailleurs ses grands devanciers, niais, avec une précision et une clarté plus grandes, il signale la voie à suivre pour parvenir à sa réalisation : à savoir la voie de la justice et de l’humilité. Le redoutable jugement du Jour de Jahvé sera un jugement de purification qui écartera les impies, tandis que les pauvres et les humbles seront désormais le nouveau peuple de Dieu, i, 11 ; m, 8-12. Comme son illustre contemporain Jérémie, Sophonie entrevoit un idéal de vie religieuse dont par sa prédication il prépaie l’avènement.

I nies a Israël dans le desastre du Jour de Jahvé, les nations païennes, représentées par les Philistins, les