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SnMMF.S THÉOLOGIQIES. ÉM’MÉRATION


contre l’ouvrage « le Pierre Lombard ou plus exactement contre les commentaires de cet ouvrage, mais pour le moins un besoin d'émancipation. Celui-ci ne se faisait pas sentir tant que les Sentences du Maître n'étaient qu’une synthèse théologique entre beaucoup d’autres ; chacun pouvait librement l’imiter ou s’efforcer de faire mieux ; d’où les essais qu’on vient de rappeler. Aussi longtemps que dura l’opposition plus ou moins violente que suscitèrent à Pierre Lombard un Gauthier de Saint-Victor, les Porrétains ensuite, voir ici, t. xii. col. 2007-2010, le champ restait libre. Mais après le triomphe du concile du Latran en 1215, la suprématie des Sentences s’affirma éclatante. C’est le temps où se noue la tradition que les statuts universitaires ne feront qu’homologuer par la suite, et où les quatre livres de Lierre Lombard deviennent le texte officie] des bacheliers en théologie. A partir de ce moment les grandes synthèses sont presque nécessai rement amenées à se couler dans ces cadres tout faits, quitte à y apporter des précisions personnelles ou « les modifications de détail seulement ; mais à l’intérieur du plan des Sentences il est malaisé d’innover. Quels que soient les désirs qu’on puisse éprouver, on est forcé de se soumettre à cet exercice scolaire.

Pourtant les esprits plus originaux ou plus personnels en souffrent et, pour avoir été obligés de se plier à ce commentaire, ont pu en sentir davantage les inconvénients et les côtés faibles. Les sommes théologiques seront donc une refonte, une reprise du problème dans son ensemble ; car elles auront été précédées par la « lecture » des Sentences. Kl les trahissent donc un besoin plus grand de pensée et d’exposé personnels, en même temps qu’elles marquent des tempéraments intellectuels plus accusés. Un esprit moins vigoureux se contente des aménagements apportés par lui dans le commentaire des Sentences, mais ne se risque pas à refaire une synthèse sur nouveaux frais.

On peut donc estimer qu'à partir du premier tiers du xiiie siècle, les sommes théologiques sous-entendent le malaise ainsi éprouvé et supposent le besoin d’une certaine émancipation par rapport à un cadre jugé insuffisant. Certaines d’ailleurs en font l’aveu explicite, encore que respectueux. Qu’on relise en particulier le prologue de la Somme de saint Thomas, avec les doléances qui s’y trouvent exprimées : Consictenwimus namque hujus doctrines novitios in iis quæ a dirersis scripta sunt ( ne s’agit pas uniquement des Sentences de Pierre Lombard, c’est évident ; mais elles demeurent quand même l’ouvrage mis officiellement entre les mains de tous)… plurimum impediri, part irn quidem propter multiplicationem inutilium quæstionum, articulorum et argumentorum (que cet encombrement inutile soit dû au manque de vigueur intellectuelle de l’auteur qui n’a pas éliminé assez courageusement ce qui était par trop secondaire ; ou bien qu’il soit la rançon du progrès accompli entre le temps où ces questions présentaient encore leur utilité et le moment présent), parlim etiam quia ea quæ sunt necessaria (al i bus ad sciendum non traduntur secundum ordinem disciplinée, sed secundum quod requirebat librorum expositio, vel secundum quod se pnebebat occasio disputiunli (reproche plus grave cette fois, pour peu que le plan suivi par railleur qu’on commente suit déficient ; car on est astreint à le suivre, lui, au lieu de présenter la dm ti’ine suivant qu’un ordre plus logique le réclamerait), parlim quia eorumdem frequens repetitio et fastidium et confusionem generabdt in animis audilo min ( « es répétitions à leur tour sont une conséquence d’un plan imparfait, de questions ou de traités qui chevauchent les nus sur les autres ; (le lacunes même auxquelles on ne peut parer qu’en s’exposant à « les redites sur d’autres points). L’ambition « ! « saint Tho

mas sera donc, comme il l’expose, d’apporter dans son exposé, qu’il Munirait plus logiquement ordonné et plus systématique, la brièveté et la clarté indispensables. La méthode d’exposition y sera en cause non moins que la présentation des doctrines et leur enchaînement intérieur.

Tous les auteurs de sommes théologiques auront éprouvé, sans les exprimer toujours aussi nettement, des ambitions semblables. Mais à travers leur œuvre, leurs tempéraments et leurs préférences se trahiront. Il serait dangereux, croyons-nous, de vouloir instituer entre eux des classifications. A l’intérieur de ce genre, la plus grande liberté est laissée à chacun. Liberté pour la méthode, la présentation extérieure, les.mandes lignes de la construction. On trouvera par exemple chez saint Thomas, la Somme divisée en parties, celles ci en questions et les questions en articles. Chez Albert le Grand, on trouvera les parties, questions, membres, articles et parfois ceux-ci divisés à leur tour en quæsita. Présentation assez semblable chez Alexandre de Halès : parties, questions, membres, articles et paragraphes. Chez Guillaume d’Auxerre, on a une division en livres, traités, chapitres et questions. Chacun demeure libre.

De même, et surtout, pour l’agencement des idées. Sans doute « les influences peuvent s’exercer de l’un à l’autre ; il y a même parfois des emprunts qui ressemblent fort à des plagiats, que nous serions tentés du moins de qualifier de ce nom. Il est bon de les relever pour mieux préciser en quoi peut consister l’originalité d’un auteur, sa force d’assimilation peut-être ou sa docilité. Mais le choix de l’idée maîtresse qui commande une grande synthèse, les divisions principales où viendront s’insérer les divers traités, l’ordre même de présentation avec les dépendances qu’il crée entre les notions utilisées, tout cela dépend de la libre disposition de chacun. Ce sont dès lors plutôt des monographies qu’il faudrait écrire sur ces sommes et leurs auteurs. Seules elles permettraient de dégager ensuite non pas tant la filiation des sommes entre elles que l'évolution des idées et des méthodes. C’est de celles-ci que les sommes sont à la fois résultantes et témoins.

V. DE QUELQUES SOMMES TBÉOLOGIQUB8. — On ne trouvera pas ici rémunération, moins encore l’analyse de toutes les sommes de théologie, même entendues au sens le plus strict. Lu volume v sullirait a peine ; d’ailleurs le travail est en projet. On voudrait du moins fournir succinctement les indications indispensables pour orienter les recherches en ce domaine. L’ordre adopté est, autant que faire se peut, l’ordre chronologique.

Robert de Mclun.

Ses Sententur sont une véritable somme théologique, divisée en libri, partes, capi

tuta. Son I. I er, De sacramentis Y. T.. aborde les traites de Dieu, un et trinc, « les anges, de l’homme ; le t. II, De sacramentis X. T., veut envisager les problèmes « le l’incarnation, « les sacrements, « les vertus, de l’escha tologie. Mais il s’arrête au milieu « lu traité de l’incarnation. Compose vers 1152-110(1 sans doute, il se présente sous une double rédaction, dont la plus longue doit être de Robert lui-même, la brève d’un ou deux de ses disciples. Il faut consulter à ce sujet P.. Martin. O. P., L'œuvre théologique de Robert de Mclun. « tans Rev. d’hist. ecclés., 191 1. p. 456 189.

2° Huberlus (vers 1 170). - Voir l'étude « le M. Grabmann, dans Rech. théol. une. médiio., 1929, p. 229-239.

> Pierre de Poitiers ( ers 1167-1170). Il s’agit

de ses Sententiarum libri quinque. Cette somme est transmise, complètement ou partiellement par 'SA inss et, dans une forme abrégée, par quatre autres. Ph. Moore dans sou ouvrage Theworks oj Peter « / Poitiers

( 1936) en donne, aux p. 2 l-âli tonte la tradition nianus

crile, <> ! établit l’authenticité et la date, en expose le