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SOCIALISME — SOCINIANISMSE

d’origine coloniale ou pour l’emploi de produits synthétiques obtenus artificiellement ; on peut encore, à tort ou à raison, faire prédominer dans la production la part du machinisme ou multiplier la main-d’œuvre. La décision sera prise en tout cas. Mais l’inconséquence du socialisme consiste à promettre une décision économique alors qu’il supprime, ici encore, les données du calcul économique. Celui-ci ne peut se borner a une comparaison technique ; il ne peut davantage se fonder sur la valeur d’usage, valeur d’utilisation essentiellement réfractaire à toute mensuration économique. Seule la valeur mesurée par le prix du marché libre permet au capitaliste, à l’entrepreneur, au commerçant, au consommateur, à l’ouvrier lui-même, de se livrer rationnellement à un calcul économique et de faire acte économique. Chacun des acteurs de l’économie se trouve au point de rencontre de deux tensions mesurables et comparables : celle qu’exerce sur lui l’attrait d’une utilité (dividende, profit, bénéfice, satisfaction, salaire) et celle qu’exerce sur lui l’appréhension d’un désavantage, d’une désatilité, exprimée en coût de production, en prix de revient, en prix d’achat, en temps et en fatigue. Le mécanisme des prix permet seul ce calcul économique. Or, le socialisme, en supprimant le mécanisme des prix, paralyse les tensions antagonistes dont le prix exprime l’équilibre. Si les acteurs de la vie économique ne sont pas tendus vers leur avantage, l’appréciation économique de l’équilibre entre une satisfaction et ce qu’elle coûte est inconcevable. Sans approuver pourtant la conception purement économique de la production et du travail, constatons sur ce point encore l’incohérence interne du socialisme qui se pique de promouvoir le progrès économique alors qu’il rend impossible le calcul économique, âme de toute économie rationnelle.

Bibliographie. — I et II. — Lire les encycliques pontificales ; les instructions synodales du cardinal Pie sur les erreurs du temps présent ; en outre : R. Boigelot, Le socialisme et l’Église, dans Nouvelle revue théologique, 1934 ; M. Liberatore, Le droit public de l’Église, trad. A. Onclair, 1888 ; le même. Principes d’économie politique, trad. Silvestre de Sacy, 1894 ; J. Morel, Du prêt à intérêt ou des causes théologiques du socialisme, 1873 ; C. Périn, Les lois de la société chrétienne, 2 vol., 1876 ; M.-B. Schwalm, Principes de philosophie sociale, 2 vol., 1910-1911 ; Taparelli d’Azeglio, Saggio teoretico di diritto naturale, 2e éd., 1883 ; le même, De l’origine du pouvoir, trad. Pichot, 1896.

J. Charmont, La renaissance du droit naturel, Montpellier, 1910 ; A. Espinas, La philosophie sociale au XVIIIe siècle et la Révolution, 1898 ; G. de Lagarde, Recherches sur l’esprit politique de la Réforme, 1926 ; D. Mornet, La pensée française au XVIIIe siècle, 1926 ; R. Picard, L’idée de lutte des classes au XVIIIe siècle, dans Revue d’écon. polit., 1891.

III. — Outre les ouvrages cites au texte, voir : Grandin, Bibliographie générale des sciences juridiques, politiques, économiques et sociales, Recueil Sirey ; Encyclopédie socialiste, syndicale et coopérative de l’Internationale ouvrière, A. Quillet ; A. Béchaux, Les écoles socialistes, 1912 ; C. Bouglé, Socialismes français, 1933 ; Gide et Rist, Histoire des doctrines économiques depuis les physiocrates jusqu’à nos jours, 5e éd., 1926 ; P. Louis, Histoire du socialisme en France depuis la Révolution jusqu’à nos jours, 1925 ; Ch. Périn, Les doctrines économiques depuis un siècle, 1880 ; M. Prélot, L’évolution politique du socialisme français, 1789-1934, Paris, 1939 ; A. Lecocq, La question sociale au XVIIIe siècle ; A. Lichtenberger, Le socialisme au XVIIIe siècle, 1895 ; le même, Le socialisme et la Révolution française, 1889 ; J. Jaurès, Histoire socialiste de la Révolution française ; Advielle, Histoire de Gracchus Babeuf et du babouvisme, 2 vol., 1884 ; Ph. Buonarroti, Histoire de la conspiration pour l’égalité dite de Babeuf, 1869 ; M. Dommangel, Babeuf et la conjuration des Égaux, 1922 ; A. Thomas, Gr. Babeuf, la doctrine des Égaux, 1909 ; pour Saint-Simon et le saint-simonisme, cf. ci-dessus, t. xiv, col. 799 ; Ch. Gide, Charles Fourier, œuvres choisies (avec une introduction, un portrait et la liste des ouvrages de P.), Petite blblioth. économ., Guillaumin, s. d. ; M. Bourgin, Fourier, contribution à l’étude du socialisme français, 1905 ; R. Owen, What is socialism ? 1841 ; le même, The new moral World, 1845 ; E. Dolléans, Robert Owen, 1907 ; V. Considerant, Principes du socialisme, 1847 ; M. Dommanget, Considerant, sa vie, son œuvre, 1929 ; le même, Blanqui, 1924 ; P.-.J. Proudhon, Philosophie du progrès, Œuvres, t. xx ; A. Desjardins, P.-J. Proudhon, sa vie, son œuvre, 1896 ; C. Bouglé, La sociologie de Proudhon, 1911 ; G. Sorel, Essai sur la philosophie de Proudhon, dans Revue philosophique, 1892 ; Proudhon et notre temps, par les Amis de Proudhon, 1900 ; P. Leroux, Du christianisme et de son origine démocratique ; le même, De l’humanité, de son principe et de son avenir, 2e éd., 1815 ; le même, De la ploutocratie ou du gouvernement des riches, 2e éd., 1849.

K. Marx et Engels, Études philosophiques, Biblioth. marxiste, t. xix, 1935 ; K. Marx, Morceaux choisis, Nouv. rev. franç., 1934 ; Lénine, K. Marx et sa doctrine, Petite bibliothèque Lénine, no 3, 1933 ; B. Croce, Matérialisme historique et économie marxiste, essais critiques, trad. Bonnet, 1901 ; C. Turgeon, La conception matérialiste de l’histoire d’après Marx et Engels, dans Travaux juridiques et économiques de l’université de Rennes, t. ii ; le même, La conception matérialiste de l’histoire d’après A. Labriola et A. Loria, ibid., t. iii ; le même, Origines économiques et tendances socialistes du matérialisme historique, ibid., t. iv ; le même, Essai sur le monisme économique, Rennes, 1914 ; H. de Man, Zur Psychologie des Socialismus, Iéna, 1926 ; le même. Au-delà du marxisme, Paris, 1929 ; G. Sorel, La décomposition du marxisme, 1910 ; A. Spire, Le déclin du marxisme dans les tendances socialistes de la France contemporaine, Sirey, 1937.

R. Guy-Grand, La philosophie syndicaliste, 1911 ; V. Griffuelhes, L’action syndicaliste, 1908 ; G. Sorel, Introduction à l’économie moderne, 2e éd., 1923 ; le même, Matériaux d’une théorie du prolétariat, 2e éd., 1923 ; le même, Réflexions sur la violence, 4e éd., 1920 ; G. Pirou, Georges Sorel (1847-1922), 1927 ; F. de Visscher, La philosophie syndicaliste et le mythe de la grève générale, Louvain, 1913.

IV. — A. Aftalion, Les fondements du socialisme, étude critique, 1923 ; L. von Mises, Le socialisme, étude économique et sociologique, 1938 ; L. Rougier, Les mystiques économiques, comment l’on passe, des démocraties libérales aux États totalitaires, 1938 ; V. Fallon, Principes d’économie sociale, 5e éd., 1935, p. 160 sq. ; J. Leclercq, Leçons de droit naturel, t. iv. Les droits et devoirs individuels, 2e partie : travail, propriété, 1937, p. 252-356.

J. Tonneau.

SOCINIANISME. — Le socinianisme doit son nom à deux hommes du xvie siècle, Lélius Socin et son neveu, Fauste Socin, tous deux antitrinitaires protestants. — I. Biographie des deux Socin. — II. Organisation de l’Église socinienne (col. 2329). — III. Doctrine socinienne (col. 2329).

I. Biographie des deux Socin. — 1o Lélius Socin. — Il appartenait à une ancienne famille siennoise, les Sozzini, et il était né à Sienne, en 1525. Il se consacra d’abord aux études juridiques, qui étaient de tradition parmi les siens. Mais il éprouvait aussi un fort penchant pour les études bibliques et théologiques. D’un esprit curieux et avide, porté à la critique, il conçut de bonne heure des doutes sur la vérité catholique. On a remarqué que l’influence du scepticisme humaniste donna à la plupart des protestants d’origine italienne, tels que Bernardino Ochino, Vermigli, les deux Socin, une orientation très nette vers le rationalisme que Luther et Calvin avaient en horreur. Les réformateurs de Genève se sont plaints, à maintes reprises, de ce que les réfugiés italiens étaient des Academici, c’est-à-dire des sceptiques. Voir Benrath, Ueber die Quellen der italienischen Reformationsgeschichte, Bonn, 1876, p. 11 sq. Cette orientation se marqua chez Lélius Socin par des objections intimes contre le dogme central du christianisme, la Trinité, sans lequel ni l’incarnation, ni la rédemption ne peuvent être maintenues dans leur sens traditionnel. Lélius quitta l’Italie, pour voyager à l’étranger, dès 1544. Il vint en France, passa en Angleterre, promenant partout sa curiosité et ses doutes, mais ne faisant ni éclat ni propagande. On le trouve en 1547, a Zurich, où il consulte Bullinger, le successeur de Zwingli, un peu plus tard à Genève, où il connaît Calvin. À tous, il pose des questions sur les pro-