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SOANEN (JEAN)

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maximes du royaume à celles de la foi. Cela serait croyable… si nos maximes n'étaient que de simples privilèges ; mais ce sont purement les anciens canons, dictés dans les conciles généraux par l’esprit de Dieu ; ce sont les fondements de la monarchie et de l'Église gallicane, > Lettre xviii. p. 19.

Appel au futur concile.

De plus en plus, il s’arrête à l’idée de porter l’affaire devant un concile général et vient à l’aris. lue réunion a lieu chez l’archevêque, l’appel est jupe le moyen le meilleur, le plus

court, le plus efficace pour renverser jusqu’aux fondements cet édifice d’iniquité. Vie, p. 51. Il revient sur cette idée un an après en écrivant a l'évêque de Montpellier. Le 1 er mars 1717, l’acte d’appel est signé par MM.de Mirepoix. de Senez, de Montpellier et de Boulogne, lu par Soanen en Sorbonne le 5, et cent docteurs de la Faculté y donnent leur adhésion : M. de Senez ne se rappelait jamais le souvenir de ce grand jour sans bénir Dieu de tout ce qu’il avait vu et entendu. » Vj’e, p. 52.

Les quatre appelants reçoivent de la Cour l’ordre de quitter Paris dans les vingt-quatre heures ; Soanen se retire à Aubervilliers, à Notre-Dame des Vertus ; mais bientôt, pour empêcher les visites d’adhésion qu’ils reçoivent, les appelants sont renvoyés dans leurs diocèses. Rentré à Senez, l'évêque voit son chapitre et la plupart des curés s’unir à lui ; d’autres évêques, Pamiers, Verdun, les facultés de Reims, Nantes adhèrent. « Le temps de Dieu est enfin venu », écrit-il.

Les actes vont se précipiter : la Cour lui refuse l’autorisation de faire imprimer les usages de son diocèse ; il ordonne en 1718-1719 les sujets de l'Église schismatique d’L’trecht. Le pape, consterné de l’appel, condamne ses auteurs ; Soanen réunit un synode où il dit à ses prêtres : « Je suis forcé de vous découvrir… l’injure que l’Inquisition de Rome vient de me faire, par un décret du 16 février dernier, en m’accusant, de même que d’autres prélats orthodoxes, d'être suspect dans ma foi. » Il dénonce le défaut de juridiction du tribunal dont émane cet acte. Tous ses prêtres, sauf un, signent le procès-verbal. En mai 1718, la bulle Pastoralis officii fulmine l’excommunication contre les appelants ; la Cour, les parlements, l’Université les soutiennent ; il écrit à M. de Noailles, toujours hésitant, qu’un faux amour de la paix lui fait illusion : « Ce serait introduire dans l'Église une méthode qui n’a jamais été pratiquée et qui ouvrirait une porte funeste pour accepter, dans la suite des temps, les plus violentes et les plus fausses bulles de la cour de Rome. » Vie, p. 64. Il va jusqu'à écrire à un de ses confrères de l’Oratoire, le P. Marrot : « Par rapport aux circonstances présentes et aux besoins de l'Église, les laïques qui l’aiment et qui sont un peu instruits sont obligés de se déclarer pour la défendre et d’appeler de la constitution et des mandements violents. » Lettre lxi, 7 juin 1719, p. 77. Il ne veut d’aucun accommodement « si les vérités de la religion ne sont exprimées qu'à demibouche et avec mille détours… On y confessera magnifiquement le besoin de la grâce efficace, mais on laissera croire à qui le voudra, comme un dogme certain, que l’efficacité ne vient pas d’elle, mais de la volonté… Pour nous accommoder avec les Turcs, nous pourrons être mahométans et chrétiens, comme dans l'île de Chio ; pour éviter les persécutions, nous pourrons être bons idolâtres et bons catholiques, comme à la Chine, pourvu que nous soyons assez habiles pour imaginer quelques bons sens, ou pour nous bien accommoder au temps. » Il vise sans doute ici l’affaire des rites chinois. Lettre l.xvi, a M. de Mirepoix, 3 avril 1720, p. 81. Au commencement de septembre, il présente une requête au Parlement, requête admise par celui-ci, par l’Université, la Faculté de l’aris, plusieurs curés de Paris.

Les Quatre confirment leur appel, fin 1720, et sont

suivis de plusieurs qu’on appelle les réappelants ; un arrêt du Conseil veut le supprimer. Clément XI étant mort le 19 mars 1721, les appelants écrivent à Innocent XIII pour le supplier de donner la paix à l'Église ; ils protestent contre l’arrêt du Conseil et contre une instruction pastorale du cardinal de Bissy qui abandonnait les prétendues libertés gallicanes. En 1723, se tint à Embrun l’assemblée provisoire qui devait nommer les députés à l’assemblée générale du clergé ; Soanen empêché envoya des mandataires qui furent exclus, sous prétexte que leurs procurations contenaient des clauses insolites.

Concile d’Embrun.

C'était le commencement

de ses déboires qui devaient aller jusqu'à la suppression de ses pouvoirs. Ame d’un appel qui eut les conséquences les plus fâcheuses pour l'Église de France, il ne céda jamais ; il traita Innocent XIII comme il avait traité Clément XI : « Le Saint-Père s’est laissé mesurer et affaiblir par la cabale des RR. PP. qui est aussi forte à Rome qu'à Paris. » Lettre cxii, à M. de Montpellier, 22 juillet 1725, p. 135.

La lettre qu’il écrivit à M. de Flcury, jadis évêque de Fréjus, récemment nommé premier ministre et cardinal, était plutôt une satire qu’une félicitation : « Votre élévation… ne vous ayant pas fait monter d’un degré dans la confiance du roi, ni dans la vénération du public ne m’a pas paru un nouveau motif pour vous faire mes compliments… Je vous ai plaint aux pieds de Jésus-Christ sur cet accroissement de tentations qui vous forceront peut-être de faire quelquefois par politique ce que vous blâmerez par religion… Cet heureux concours des deux plus augustes puissances de la terre à vous revêtir de toute leur gloire, me donne un juste sujet de présumer que vous employerez ce double pouvoir à soulager un royaume qui est dans le comble de la misère et à pacifier l'Église de France qui est agitée depuis un siècle. » Lettre cxx, 12 novembre 1726, p. 146. Le cardinal fut choqué de cette liberté ; l’expression : « vous dire, après saint Grégoire de Nazianze, deux mots à l’oreille devant un grand juge « lui déplut. Soanen publie le 28 août 1726 une Instruction pastorale de Mgr l'évêque de Senez dans laquelle, à l’occasion des bruits qui se sont répandus de sa mort, il rend son clergé et son peuple dépositaire de ses derniers sentiments sur les contestations qui agitent V Église. Il donne les motifs pour lesquels il se croit obligé de parler : la morale de l'Évangile altérée et corrompue, l’unité de l'Église en péril, les règles de la hiérarchie méprisées, les vérités les plus essentielles de la religion ouvertement attaquées, la mort qui doit trouver un évêque les armes à la main : « Nous allons… vous exposer en peu de mots toute la suite de notre conduite par rapport à la Constitution ; et nous expliquer nettement et sans ambiguïté sur quelques incidents survenus depuis ; en particulier sur la signature du Formulaire, par rapport à laquelle nous ne vous avons pas encore assez fait connaître nos sentiments et nos peines ; et sur les xii articles de doctrine, dont la condamnation seule ne nous permettrait pas de garder le silence. » P. 12. C'était déjà beaucoup ; un autre Mandement et instruction pastorale… au sujet du jubilé de l’année sainte, signés du 4 juin 1727, deux mois et demi avant le concile, proteste contre le refus d’accorder le jubilé aux appelants : » Nous vous avertissons avec une charité paternelle des scandales que vous pouvez rencontrer dans la voie du salut, afin que votre foi et votre piété n’en soient point ébranlées. » Ensuite, il s’exprime très bien sur les indulgences : « L’une des vues que les souverains pontifes se proposent lorsqu’ils accordent îles jubilés universels, c’est d’engager tous les fidèles de la terre à s’unir ensemble dans la prière pour demander à Dieu les mêmes grâces. » P. 16. Mais il ajoute avec dépit : « Nous regardons toujours comme nos frères