Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/375

Cette page n’a pas encore été corrigée

2251

SMITH (JOSEPH

iiyi

vent compter parmi les plus étranges apparitions de l’histoire des sectes chrétiennes dans le monde. Il naquit le 23 décembre 1805 au comté de Vermonl

(États l’nisi. dans le petit village de Sharon. Son père était un modeste agriculteur cpii s'établit dans l'État de New-York, où s'écoula toute la jeunesse de Joe Smith, passablement décousue et paresseuse. Sa culture intellectuelle demeura très élémentaire : lecture, écriture et calcul, rudiments bibliques. Ses biographes officiels, Orson Pratt et Georges A. Smith nous assurent que, dès l'âge de quinze ans, la préoccupation du salut était dominante dans son esprit et qu’il ne trouvait dans aucune des Églises existantes la satisfaction de ses besoins d'âme. Il se plongeait donc dans la lecture de la Bible, très en honneur dans les milieux protestants, mais désordonnée, sans préparation scient ilique, sans guide, sans frein, sans intelligence réelle du passé juif et de la valeur exactedes textes bibliques, en tant que représentatifs de la pédagogie divine » préparatoire à la venue du Verbe incarné sur la terre. I.es renseignements que l’on possède sur la jeunesse de Smith étant parfois contradictoires, selon qu’Us émanent de ses partisans ou de ses adversaires, on ne peut les citer que sous réserves. Il semble bien qu’on l’ait regardé comme un visionnaire et que, pour cette raison, ses voisins l’aient poursuivi de leurs quolibets. Les membres de sa famille n’avaient pas bonne réputation : « Ils étaient fameux, dit un document du temps signé de nombreux habitants de la région, par leurs projets visionnaires et passaient une partie de leur temps à faire des fouilles pour découvrir des trésors cachés. » Ce qui est sûr c’est que Joe (Joseph) Smith affirma un beau jour qu’il avait découvert en effet un trésor sans prix. La chose lui était arrivée, disait-il, en septembre I S27. Guidé par un ange, il aurait trouvé, dans les rochers d’une colline située entre l’altnyra et C.anandaigua, une collection inestimable de < saintes plaquettes d’un métal ressemblant à de l’or. Ces plaquettes étaient revêtues de signes d'écriture inconnus de lui. Comme il se demandait anxieusement par quels moyens il pourrait parvenir à les déchiffrer, Moïse lui apparut et lui apprit à se servir d’un curieux instrument formé de deux pierres transparentes et placé auprès des plaquettes, Cet instrument était donc une sorte de « lunette surnaturelle ». Moïse lui affirma que les deux pierres en cristal de roche, dont il était composé, n'étaient autre que l’Urim et le Thummim, dont parlel’Exode (xxviii, 30) et que le grand prêtre devait porter sur son cœur en entrant dans le Saint des Saints. Naturellement, Smith, en interprétant de la sorte un passage très obscur de l’Exode, a dépassé de beaucoup ce que l’exégèse scientifique sait de certain sur ce point. Quoi qu’il eu soit, armé de cette lunette, non seulement il pouvait lire, prétendait-il, les signes d'écriture inconnus gravés sur les tablettes mystérieuses, mais il en comprenait le sens. Après avoir déchiffré ainsi ces documents sacrés et en avoir apprécié la prodigieuse importance, il chercha un secrétaire pour les transcrire en langue anglaise vulgaire. Il fut aidé par Oliver Cowdery. Leur manière de collaborer était passablement bizarre. Smith soutenait que nul ne pouvait voir les tablettes sans encourir la mort. Lui seul avait le droit de les regarder, de les palper, de les déchiffrer. Il se plaçait donc dans une salle divisée en deux parties par un rideau. A l’aide de sa » lunette i, il lisait et traduisait les tablettes. Cowdery, de l’autre côté du rideau, iVri ail sous sa dictée II est clair que tout cela est passablement suspect. L’histoire des prophètes authentiques ne comporte pas, à notre connaissance, de mise en scène semblable ! Les deux collaborateurs mirent de la sorte sur pied un livre étrange, pour lequel il fallut trouver un éditeur complaisant. Un fer mier nommé Martin llarris, que Smith axait gagne à sa cause, consentit à avancer les fonds. L’ouvrage fut imprimé et publié, sous le titre suivant, d’où la secte devait tirer son nom : The liook « / Mormon : an accouni wrilten bij the hand oj Mormon, upon pluies taken from the plaies oj Nephi, by Joseph Smith junior, author and proprielor (Le livre de Mormon : récit écrit de. la main de Mormon sur des tablettes prises parmi les tablettes de Nephi, par Joseph Smith, auteur et propriétaire). Palmyra, 1830.

Notons toutefois que le nom officiel de la secte fondée par Smith, à l’aide de cet ouvrage soi-disant révélé, était et demeure le suivant : Église îles saints du dernier jour. Pour comprendre ce qui va suivre, il est nécessaire de donner ici une idée succincte du contenu de cet ouvrage. Le Livre de Mormon est partagé en quinze livres. Il a à peu près l’importance de notre Bible. Il raconte, en st vie pseudo-biblique, les aventures romanesques et invraisemblables d’une famille, de pieux Israélites. Le juif l.cbi. échappant aux poursuites des troupes de Nabuehodonosor, au temps du roi Sédécias et de la captivité de Babylone. que nous plaçons au vi° siècle av. J.-C. serait parti à l’aventure, sur un vaisseau avec tous les siens et le hasard l’aurait conduit, après une odyssée fantastique, jusqu’en Amérique. Une fois installé dans cette région lointaine, il aurait inscrit le récit de son évasion et de sa vie, ainsi que les prophéties relatives à l’avenir de sa race et de l’humanité entière sur les tablettes que, vingt -quatre siècles plus tard, devait découvrir Smith. Les lils de I.ehi devinrent les souches de nombreuses peuplades. Parmi ces dernières, les descendants de Nephi conservèrent la vraie foi, la développèrent même au point de connaître, plusieurs siècles avant la venue du Christ, la plupart des dogmes chrétiens, et de pratiquer notamment le baptême. C'était chez ces descendants de Nephi que se conservait la dignité sacerdotale et que l’on gardait les tablettes sacrées léguées par Lehi. Le Christ ressuscité n’avait pas manqué de rendre visite à ces croyants si éloignes de la Palestine. Il avait même choisi chez eux douze apôtres qui, en peu de temps, avaient converti toute l’Amérique au christianisme et répandu l’usage sacré de la cène. Mais, au début du iv siècle, cette Église américaine se trouva divisée et presque anéantie par des guerres et des schismes religieux. Alors apparut Mormon, de la descendance de Nephi. qui fut à la fois un prophète, un réformateur chrétien, un grand guer rier, un héros. Il se mit à la tête des nephites, chassa les lamanites — autres descendants de I.ehi. mais devenus infidèles — et les refoula dans l’Amérique du Sud. Quatre siècles plus tard, nouvelle crise, plus terrible encore. Les lamanites reparurent, attaquèrent les nephites, l’emportèrent sur eux et anéantirent la vraie foi. Ces lamanites n'étaient autres, selon Smith, que les ancêtres des Indiens qui possédaient l’Amérique, à l’arrivée des blancs, au xvi c siècle. Notons toulefciis que Moroni, le propre lils de Mormon, avait pris soin de terminer les tablettes sacrées contenant l’histoire de sa race. Il désignait nommément Joe Smith comme celui qui les découvrirait plus tard.

Un signe de la simplicité et de l’ignorance religieuse des populations parmi lesquelles vivait Smith et les siens, c’est le succès qu’obtint ce roman baroque et dépourvu de toute vraisemblance, écrit du reste dans un style enfantin et rempli d’inexactitudes historiques et bibliques. Sans (huile, Smith fut cri tiqué, combattu, tourné en dérision. Il fut somme de montrer les fameuses plaquettes d’or. Il déclara qu’elles avaient été vues et touchées par onze témoins, dont trois étaient de sa famille et cinq de la famille Whiimcr, l’une des premières converties à la nouvelle foi. Mais il paraît certain que ces témoins ont