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SIMON DE TOURNA]

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dans son plan et sa structure du livre du Lombard, [' Abbreviatio n’est qu’un résumé des Sentences. Elle se trouve, encore inédite, dans le ms. de Troyes 1371, fol. 88-1Il v°. Inc. : Dicimus in primis omnem doctrinam théologies circa res vel signa.

I " Les « Disputationes ». — Au nombre de 102. ne comportant pasmoi ns de 317 questions, elles ont été soigneusement éditées par J. Warichez, Les Disputationes di' Simon <le Tournai, dans le Spicilegium sacrum Lovaniense, fasc. 12 (1932). On y trouvera la description des sept manuscrits qui les ont transmises. Il s’agit là de la rédaction littéraire de cet exercice scolaire auquel Simon semble avoir accordé une importance plus grande que nombre de ses contemporains et où, de l’avis de tous ses historiens, il a réellement excellé. I.a Dispute est devenue dans son enseignement un exercice distinct, et détaché, de la leçon ; elle a en partie l’allure et la physionomie qu’elle gardera par la suite, avec le rôle respectif des étudiants, du défenseur, du maître. On a laissé entendre à propos de ces Disputationes de Simon qu’elles sont même comme un début de Questions quodlibétiques. Cette assertion est moins exacte. Il est vrai que, à maintes reprises, on y voit soulever, en une même séance, quatre, cinq ou sept questions. Elles ne sont pas cependant de quolibet, mais toutes se groupent autour d’une idée qui fait entre elles l’unité, comme, dans les Commentaires des Sentences du début du xiir siècle, on voit à la fin d’une distinction toute une série de questions se rapportant à son thème central. Elles ne doivent pas non plus être proposées par n’importe qui, a quolibet, mais choisies et présentées par Simon lui-même. On en est réduit aux conjectures en ce qui concerne la fréquence et la périodicité de ces Disputationes de Simon, comme en ce qui regarde leur date. Il semble bien, pourtant, et la chose est explicitement affirmée pour quelques-unes, qu’elles sont postérieures à sa Somme. On trouvera dans les tables à la fin de l'édition, le détail des sujets traités en ces séances de disputes ; elles ont touché pratiquement a tous les problèmes théologiques.

5° Expositio super symbolum. Dans son état

actuel, cette Expositio ne contient que quelques considérations préliminaires sur le sens et la portée d’un symbole tel que le Symbole des apôtres. Elle a été éditée par.1. Warichez, à la suite des Disputationes, p. 299-300, d’après les deux mss de Bruges 74 et 147. Inc. : Omne regnum in se divisum desolabitur. Ne ergo Christi regnum…

6° Sermon sur l’antienne () Sapientia ». Édité également à la suite, op. cit., p. 301-307, d’après l’unique ms. de Bruxelles, Bibl. royale, 174. Inc. : l’imeo ne quis inler nos apuil se murmure !.

7° Une Queestio relative à la Sainte Trinité, dans le ms. de Berlin, Staats-BibL, ms. Phillips 1997, fol. 113 v°.

8° et 9° Lui-même enfin annonce dans sa Somme deux autres ouvrages qu’il se proposait d'écrire mais dont on ignore s’il les a effectivement composes : Sed <le hoc ga’udio et / » <<' ploratu plenius explicabo divisim in duo bus voluminibus, quorum uni erit nomen Paradisus, et aller i : Cut fiel qui gaudeat.

III. POSITION DOCTRINALE. Simon de Tournai a le droit d'être jugé sur ses écrits et non sur les histoires qui ont couru à son sujet, en admettant même que des intempérances de langage de sa part ou des boutades leur aient donné naissance. Les accusai ions d’athéisme, de blasphème, de scepticisme qu’on a pu porter contre lui, ou qu’on a insinuées pour le

moins, ne sont pas exactes.

Son enseignement est de toul point orthodoxe ; Matthieu Paris ne peut s’empêcher de le reconnaître : determinavit igitur magister onmes prsetaclas '/"'" < tlones et qus videbantur omnibus inenodabiles tam

lucide, tam clequnter, tam catholiee ut omnes auditores redderet stupefados. Et non moins que l’importance qu’il accorde pratiquement à la dialectique, ce qui frappe chez lui est son recours constant aux i autorités. Sans doute, et c’est légitime, il se permet de choisir entre les opinions diverses, d’exposer les autorités apparemment contraires ; mais il ne se hasarde pas là ou il n’a point d’autorité à invoquer (voir Disp. LXXI, q. i, à propos de la possession par les bons anges). C’est du même critère qu’il s’inspire quand il s’agit de choisir entre diverses formules plus ou moins sujettes à caution ; et il évite soigneusement tout ce qui pourrait prêter le liane à une interprétation moins orthodoxe. Il est très profondément et sincèrement traditionaliste.

Pourtant il ne craint pas en même temps d’utiliser ouvertement, dans sa construction théologique, les ressources que lui offre la philosophie aristotélicienne et de se séparer sur bien des points de Platon, et par là de saint Augustin. Il connaît, par les traductions qui lui viennent de Tolède, les Ausculta phgsica d’Aristote, son De anima et très probablement aussi sa Métaphysique. Et il ne cache pas son admiration pour le Stagyrite, malgré les préventions dont celui-ci est encore entouré et qui se manifesteront au concile de Paris de 1210. Comme on l’a dit, cet attachement pour Aristote est, aux yeux du pseudo-Henri de Gand, une des causes qui firent taxer Simon d’hérésie par certains : dum nimis in hoc et in aliis scriplis suis Aristotelem sequitur, a nonnullis nwdernis luvreseos arguitur. A côté d' Aristote, d’ailleurs, d’autres auteurs, contestés et suspects, ont eux aussi sa sympathie ; Abélard, Gilbert de La Porrée, .Jean Scot Érigène. Leur influence se fait sentir dans ses écrits, et plus d’un emprunt s’y retrouve, généralement sous le voile de l’anonymat.

Mais d' Abélard et de Gilbert, il a surtout hérité la méthode de recherche et d’exposé qu’il a continuellement employée, et poussée à un point de perfection toujours plus grand. La dialectique a chez lui plein droit de cité. Son érudition Incontestable lui sert à multiplier les opinions et les arguments qu’il oppose les uns aux autres ; et sa subtilité non moins que sa clarté le mènent aux solutions justes. Plus que ses prédécesseurs, il tient compte pour cela, sinon du contexte immédiat des autorités alléguées, du moins de la pensée de l’auteur qu’il cite et qu’il veut exposer. On a dépassé avec lui le stade du procédé, pour trouver la méthode féconde, malgré les imperfections qui demeurent.

Cette place qu’il accorde à la raison comme à la philosophie ne tourne point' au rationalisme. Sa conception sur les rapports de la raison et île la foi est très ferme. Il l'énonce au début de son commentaire sur le symbole Quicumque : Apud Aristotelem an/umentum est ratio faciens fulcin : sed apud Christian argumentum est /iiles faciens ralionem. Inde. AristoteUs : intellige et credes ; sed Christ us : crede et intelliges. La foi n’est pas a la remorque de la raison ; et elle ne peut être contre elle, non plus. La raison lui peut venir eu aide pour l’exposer et la défendre ; mais elle doit demeurer à sa place ; et Simon n’est en aucune façon tenté de prouver la Trinité par la raison. Il n’admet pas que la même vérité puisse être en même temps objet de science et de loi. Voir M. Grabmann, De quæstione « Utrum aliquid » ossii esse simul credi tum et scitiun inler scindas am/iislinismi et anslolelieo thomismi Medii Aeoi agitaia, dans Ad<i hebdomadst augustinianse-thomistices, 1930, p. lio 139.

si donc Ton parle d’originalité dans son système

théologique il faut entendre surtout par là. à côté des

inventions heureuses de son vocabulaire, l’indépen

(lance qu’il ose revendiquer et qu’il sait prendre, dans