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SIMON DE TOURNAI

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de ce clerc reste misérable ; et, jusqu’à ce jour, il n’a pu encore trouver de prélat pour lui conférer le moindre bénéfice. » D’après ces Indications, Simon de Tournai,

si c’est bien de lui qu’il s’agit, aurait donc été à l’école d’Eudes de Solssons dés 1153, sinon plus tôt déjà. C’est à lui qu’on devrait le relevé des Questions de son maître. Il lui aurait servi de præpositus scholorum ; puis, en 1165, lui aurait succédé dans sa chaire et commencé son enseignement comme maître régent. Il n’était alors que simple clerc. l’eu après on le trouve nanti d’un canonicat, à Tournai, bientôt en peine, d’ailleurs, et en procès à cause de lui. Son enseignement, avec le succès qui s’y attacha très vite, le retint à Paris. Des documents de 1174, 1178, 1180, pour ne pas parler de ses ouvrages eux-mêmes, témoignent de sa présence à ces dates. Or, un statut du diocèse de Tournai, porté en 1135, privait de leurs prébendes les chanoines non-résidents. Il fallut l’intervention amicale d’Etienne, l’abbé de Sainte-Geneviève de Paris (1176-1192), auprès de l’archevêque de Reims, Guillaume de Champagne, il fallut surtout la nomination de cet abbé Etienne au siège épiscopal de Tournai (1 192-1203), pour que fût réglée la situation canonique, et pécuniaire, de Simon.

En dehors de ces faits, et d’un voyage à Rome, peut-être au temps où Eudes de Soissons, son ancien maître, était devenu cardinal-évêque de Tusculum, on ne connaît plus d’autres événements marquants de la vie du maître de Tournai. Toute son activité est vouée à l’étude. Son succès va toujours croissant. Il a la réputation d’être, et de beaucoup, le maître le plus brillant de Paris, D’une érudition très vaste, d’une dialectique très subtile, d’une clarté limpide, il jouit d’une vogue exceptionnelle. La foule qui se presse à ses leçons, mais surtout à ses « disputes », est si considérable que, au témoignage de Matthieu Paris, peu suspect de complaisance à son égard, les locaux ne la peuvent contenir. Il dut provoquer plus d’une jalousie. Comme il ne péchait point par la modestie, il faut le reconnaître, et comme d’autre part il affectionnait les boutades, les paradoxes, les mots d’esprit parfois piquants, il prêtait également le flanc à la critique.

Il advint que, vers 1201 sans doute (c’est du moins la date que donne Matthieu Paris dans son Hisloria major sive rerum anglicarum historia), une congestion le frappa en pleine activité scolaire. Qu’il ait langui deux ans encore, ou qu’il soit mort trois jours après (les deux versions ont eu cours), on comprend que les chroniqueurs se soient emparés de cet événement pour y voir un châtiment divin. Quand un maître en théologie de sa réputation se permettait de dire, à propos de la Curie romaine, qUe « Simon de Tournai ne pouvait entrer chez Simon-Pierre que par Simon le Magicien », ou bien encore, par allusion peut-être à certaines erreurs du martyrologe, « que pas mal de damnés ont été erronément placés par l’Église sur les autels », qu’il plaisantait sur des thèmes comme la résurrection de Lazare, ou choses semblables, il est moins étonnant qu’un Girald de Barry, Gemma ecclesiastica, dist. I, c. li, ait vu dans sa maladie une punition de son incrédulité, un Matthieu de Paris, le châtiment de sa prétention et de son orgueil, et un Thomas de Cantimpré, lionum universale de apibus (c. xlviii, n. 5, Douai, 1627, [>. 110), celui de son blasphème et de sa luxure. Mais cela n’accrédite pas cependant leurs récits contradictoires, ni moins encore cette fable des « Trois imposteurs » que Thomas de Cantimpré n’hésite pas à lui imputer.

Ces récits ne méritent pas créance. La seule chose qui en subsiste est la maladie qui le frappa, lamentablement, en pleine gloire. Le pseudo-Henri de Gand, dans la notice qu’il lui a consacrée, Liber de scriploribus ecclesiasticis, c. xxiv. dans Miræus, Bibliotheca

ecclesiastica, 1639, p. 166, ne fait pas allusion à ces commentaires tendancieux ; il reproche uniquement à

Simon son attachement excessif à la doctrine d’Aristote qui « le faisait taxer d’hérésie par quelques-uns de ses contemporains ». Si l’on veut avoir sur maître Simon de Tournai un jugement plus équitable encore, il faut retenir le double témoignage, autorisé, soit d’Eudes de Soissons : virum probatum scientia sed probaiiorem vita, une science éprouvée et un moralité plus éprouvée encore : laborat enim in sacra pagina viriliter et catholice, soit d’Etienne de Tournai qui était un conservateur rigoriste et qui le présente comme particulièrement distingué et souverainement recommandable tant pour l’intégrité de sa vie que pour sa compétence scientifique : gratiosum et commendabilem jaciunt eum hinc auctoritas morum, hinc peritia lillerarum. Epist., lx, P. L., t. ccxi, col. 353.

IL Œuvrks. — - 1° Summa theologica, ou plus exactement : Instilutiones in sacra pagina. Encore inédite, on la trouve, plus ou moins complète, dans six manuscrits : Burgo de Osma, Bibl. capit. 147, fol. 144 a ; Londres, British Mus., King’s libr. 9. E. XII, fol. 11-45 ; Oxford, Merton Coll. 132, fol. 105-162 ; Paris, Arsenal 519 ; Bibl. nat., lat. 3144 A ; 14 886, fol. 172 v°. Inc. : Sicut in orthographia legilur… L’auteur lui-même fournit une idée exacte du plan qu’il y a suivi, dans ce résumé qu’il met en tête de sa huitième partie (traité des sacrements) : Haclenus prout nobis inspiratum est prosecuti sumus : 1. De sermone (heologico ; 2. De Deo et de divina natura (ce traité De Deo se subdivisait ainsi : De Deo hoc ordine investigandum est : a) eum esse ; b) quis vel qualis sit vel non sit ; c) quid de eo quomodo ajjirmctur vel negetur ; venait ensuite l’examen de la science, de la volonté et de la puissance divines) ; 3. De rébus divinis quæ sunt ipse Deus, id est de personis (c’est le traité de la Trinité) ; 4. De rébus divinis quæ sunt a Deo : De spirituali angelo ; 5. De corporali, ut terra et cœlo ; 6. De composito ex anima et corpore, vel homine (traités de la création de l’homme, la chute, le péché originel, les vertus ; suivis de cette question qui doit servir de transition : quod remissio peccatorum anle Christum erat) ; 1. De Christo incarnato pro homine lapso reparando (traités de l’incarnation, de la loi, du décalogue) ; 8. Superest de sacramentis Christi, per quæ fit reformalio hominis ; parmi les sacrements une place importante est faite à la pénitence.

Un certain nombre d’extraits de cette somme, relatifs à l’enseignement trinitaire de Simon ont été publiés par M. Schmaus, Die Texte der Trinilâtslehre in den Sententise des Simon von Tournai, dans Recherches de théologie ancienne et médiévale, t. iv, 1932, p. 59-72 ; 187-198 ; 294-307.

2° Expositio symboli Athanasii, ou Commentarius in psalmum « Quicumque vult ». — Dix manuscrits en sont connus. A ceux qui sont signalés par Warichez, op. cit., p. xxxiv, il faut ajouter encore en effet : Bâle, Univ. B. IX. 16 et Zurich, /entrai Bibl. C. 58, fol. 128139 v°. Les éditeurs de la Hibliotheca Casinensis l’ont publiée dans leur Florilegium, t. iv, p. 322-346. Toutefois, les citations de Scot qu’on y relève leur ont donné le change. Croyant qu’il s’agissait de Duns Scot, tandis qu’il était question de Jean Scot Érigène, ils ont voulu voir dans ce petit traité (anonyme et sans titre dans le ms. du Mont-Cassin 210), une œuvre du début du xive siècle. Une partie de cet exposé se retrouve dans la Somme, au début de la troisième partie. Il semble bien que VExpositio symboli soit antérieure à la Somme. Inc. : Apud Aristotelem argumentum est ratio faciens fidem.

Abbrevialio m Sententiis Pétri Lumbardi.

Elle

est à distinguer soigneusement de la Somme. Tandis que celle-ci est une œuvre originale, indépendante