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    1. SERVICE MILITAIRE##


SERVICE MILITAIRE. DANS 1. A SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE L978

Vacandard, Etudes de critique et d’histoire religieuse, II’série. Paris, 1910, p. 144.

Des soldats chrétiens se sont-ils soumis à la pénitence poux avoir prêté le serment militaire, pour avoir porté des couronnes ou pour avoir versé le rang ? Aucun document ne nous le dit. Toutefois de cette carence de renseignements nous ne pouvons pas conclure que l’Église ait toléré ces infractions à ses lois.

IL Dans la société chrétienne. — 1° Après l’e’dit de Milan. — 1. Le concile d’Arles (314). — Après la paix constantinienne, il ne pouvait plus être question d"actes idolâtriques imposés aux soldats. C’est pourquoi certains critiques estiment qu’après l’édit de Milan l’Église n’élevait plus d’objection contre le service militaire, ce changement d’attitude étant démontré par le troisième canon du concile d’Arles qui dit : de his qui arma projecerint in pace, placuit abstineri eos a communione. A en croire Hefele et Harnack qui reprennent l’interprétation de L’Aubespine, le terme in pace signifierait ici « en temps de paix entre l’Église et l’Empire », le temps des persécutions étant clos. Ainsi, en frappant de l’excommunication ceux qui, la paix régnant entre l’Église et l’Empire, refusent de continuer leur service, ce canon consacrerait la licéité du service militaire. Il semble bien que cette interprétation ne puisse se soutenir ; si elle était exacte, le cas de saint Martin dont on va parler, le canon 12 de Nicée, le canon 13 de saint Basile dans sa première épître canonique à Amphiloque deviendraient totalement incompréhensibles. Le terme in pace doit, à notre avis, être pris en son sens obvie et signifie » en temps de paix par opposition à « en temps de guerre ». Ceux qui refusent le service en temps de paix sont frappés de l’excommunication, parce que, sous un prince chrétien, tout danger de participation à des actes d’idolâtrie et de violence est écarté. Mais, comme le temps de guerre amène inévitablement pour le soldat l’occasion d’actes de violence et d’homicide, le concile n’a pas menacé d’excommunication ceux qui refuseraient de continuer leur service à l’ouverture ou au cours des hostilités. En agissant ainsi, le concile d’Arles demeurait dans la ligne du canon 74 d’Hippolyte qui dit du soldat chrétien : …Habeat gladium, caveat tamen ne criminis sanguinis effusi fiât reus. Cette attitude du concile d’Arles peut être qualifiée de bizarre. Nous verrons toutefois que des canonistes l’ont suivie jusqu’au cours du xi c siècle.

2. Le cas de saint Martin.

Ce cas n’est pas isolé dans l’histoire de la pénitence. Fils de vétéran, Martin fut enrôlé à l’âge de quinze ans ; mais, comme le fait remarquer Sulpice Sévère : mililavit nec tamen sponte… sed caplus et calenatus. Martin s’est donc conformé au canon 74 d’Hippolyte qui spécifie : Christianus ne fiai propria voluntate miles, nisi sit coactus a duce. Martin a fait son service comme soldat tant que dura la paix. Il s’est donc conformé au canon d’Arles qui défend de quitter le service en temps de paix. Mais, quand il s’aait d’entrer en campagne, il n’accepte pas le donativum, s’avance vers l’empereur en disant : Christi miles ego sum : …pugnare non mihi licet. Ici nous avons l’application de la seconde partie du canon 74 d’Hippolyte qui porte : habeat gladium (miles), caveat tamen ne criminis effusi sanguinis fiai reus. Pour le cas de saint Martin, voir Vacandard, op. cit., p. 260 sq. Quelques années plus tard, saint Yictrice. qui devint ultérieurement évéqæ de Rouen, agit comme saint Martin, l’aulin de Noie le félicita vivement d’avoir échangé les armes de sang pour les armes de paix ». Paulin, Epist., xviii, n. 7, P. /, ., t. lxi, col. 240.

3. Les Pères grecs du je siècle. — A la fin du iv c tiède, à une époque où l’Empire romain pouvait être considéré comme chrétien, saint Basile éprouve une semblable répulsion pour l’effusion de sang, inévitable

dans le service militaire. Dans sa première lettre canonique à Amphiloque d’Iconium (can. 13), il reconnaît que l’homicide perpétré en temps de guerre n’est pas à mettre sur le même pied que l’homicide purement volontaire, les Pères ayant montré de la miséricorde, cn>Yyva>(r)r), envers ceux qui ont combattu pour la justice. Toutefois il estime qu’ils doivent s’abstenir de la communion pendant trois ans. Epist., clxxxviii, can. 13, P. G., t. xxxii, col. 681. On verra que ce canon de saint Basile fut encore cité au xe siècle.

Saint Athanase est sans doute l’un de ces Pères qui sont miséricordieux pour les militaires. Dans sa lettre à Ammoun, tout en reconnaissant que l’homicide est en soi illicite, il ajoute que « tuer des ennemis à la guerre est permis par la loi et digne d’éloge ». P. G., t. xxvi, col. 1174.

4. Le concile de Nicée.

Le concile d’Arles ne s’est pas occupé du cas des chrétiens qui s’enrôlent volontairement dans l’armée. A notre avis le 12e canon du premier concile de Nicée prend position en cette question selon la ligne des canons d’Hippolyte.

Le 12e canon de Nicée prescrit :

Ceux qui, appelés par la grâce, ont d’abord proclamé leur foi en abandonnant le ceinturon, mais qui ensuite, semblables à des chiens retournant à leurs vomissements, vont jusqu’à donner de l’argent et des présents pour être réintégrés dans le service, ceux-là devront rester trois ans parmi les audientes et dix ans parmi les substrati. Mais, pour ces pénitents, il faut avoirsoin d’étudier leurs sentiments et leur genre de contrition. En effet ceux d’entre eux qui, par crainte et avec laimes accompagnées de patience et de bonnes œuvres, montrent ainsi par des faits la sincérité d’un retour réel, après avoir accompli le temps de leur pénitence parmi les audientes, pourront être admis avec ceux qui prient et il dépend même de l’évêque de les traiter avec encore plus d’indulgence. Quant à ceux qui supportent avec indifférence (leur exclusion de l’Église) et qui pensent que cette pénitence est suffisante pour expier leur faute, ceux-ci seront tenus à faire toute la pénitence. Trad. Leclercq, Hist. des conciles, t. la, p. 591.

Ce canon ne nous semble viser que des officiers, car nous ne voyons pas que des soldats ou des sous-officiers aient eu besoin de donner de l’argent ou des présents pour reprendre du service. En quittant le service, ces officiers ont obéi à l’appel de la grâce ; en rentrant volontairement au service ils ont méconnu la règle qui dit : Christianus ne fiât propria voluntate miles. C’est cette raison qui a amené le concile à qualifier leur cas si durement et à leur imposer une si lourde pénitence. Ce canon ne défend pas au chrétien d’être soldat, il rappelle l’ancienne règle qui lui défend de l’être volontairement. Cf. Albert Ehrhard, Die katholische Kirche im Wandel der Zeiten und der Vôlkcr, t. i, 2e part., Bonn, 1937, p. 142.

5. Évolution de la discipline.

Au cours du iv c siècle, par suite de la conversion de l’empereur au christianisme, l’armée romaine était devenue presque totalement chrétienne. Si les soldats chrétiens s’étaient comportés selon les prescriptions des canons d’Hippolyte et du concile d’Arles, la défense de l’empire contre l’invasion des barbares serait devenue impossible. Aussi constatons-nous, vers la fin du ive siècle, que les hommes d’Église envisagent le service militaire avec un sens des réalités plus développé que leurs prédécesseurs.

Ainsi saint Augustin distingue l’homicide perpétré par une personne privée et l’homicide, œuvre des militaires en service commandé ou de l’autorité : « On ne peut tuer des hommes, dit-il, à moins qu’on ne soit soldat ou qu’on ne remplisse une fonction publique, c’est-à-dire qu’on ne le fasse pas pour soi, mais pour les autres et pour la cité en vertu du pouvoir légitime qu’on en a reçu ». Epist., xi.vn, n. 5, P. L., t. xxxiii, col. 186.