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    1. SERIPANDO##


SERIPANDO. ROLE DOCTRINAL

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t. îv. p. 34 l et 329). n convient toutefois de remarquer que les ressemblances outre Seripando et Luther sont souvent purement verbales. Luther, en tombant dans l’hérésie, n’a pas cessé d’employer les mots dont il se servait auparavant, ces mots dont Seripando continuera à faire usage ; mais alors l’identité dos termes ne couvrira plus l’identité de la pensée : la même expression aura un sons acceptable chez celui-ci, un vous hétérodoxe chez celui-là. C’est un dos nombreux cas de confusion de langage que nous offre l’histoire de la théologie.

On commettrait cependant une grosse erreur en voulant réduire toutes les ressemblances entre Seripando et Luther à dos similitudes verbales. Il est de tait que, sur un certain nombre de points de doctrine, Luther et Seripando ont eu la moine opinion, qui n'était pas celle de tous les théologiens catholiques ; cela ne veut pas dire que les théories du général des augustins soient hétérodoxes : aucune d’elles n’a été formellement condamnée au concile : mais il no faut pas oublier que les points communs entre le réformateur protestant et le réformateur catholique doivent être étudiés en fonction de l’augustinisme. On a vu plus haut comment le voyage à Rome provoqua la conversion philosophique de Luther, son adhésion enthousiaste au platonisme et à l’augustinisme que représentait le généra] dos ermites de Saint-Augustin, Gilles de Viterbe, protecteur du jeune Seripando. Au début de son enseignement, Luther ne dépassait pas les traditions augustiniennes de son ordre ; plus tard, il franchira — peut-être à son insu — les limites de l’orthodoxie ; Seripando. lui. restera au premier stade, disciple fidèle de Gilles.

L’augustinisme de Seripando est poussé à l’extrême. La théorie de la double justice se présente comme l'épanouissement normal de cet augustinisme : la concupiscence est le péché originel. « Dans la mesure où elle subsiste en nous (et c’est un fait d’expérience qu’elle ne disparait complètement qu’avec la mort), le péché y subsiste, lui aussi. De ce péché, péché originel, concupiscence, mouvements indélibérés de la concupiscence, nous sommes responsables comme de fautes propres. Nous restons donc toujours plus ou moins pécheurs : il nous est impossible d'être changés intérieurement et d’accomplir la Loi autant que nous y sommes obligés. Comme Luther. Seripando témoigne du mépris, une. sorte de haine, pour la philosophie et tout spécialement pour Aristote. Il n’aime pas ces habitas, ces vertus infuses, qu’on est allé chercher dans Aristote : Dices : Nulla est alia applicatio meriloram Christi, nisi quia datur per en habitas gratis. Certe ila dire ! qui nihilo plus sapit quam quod didicit apud philosophas, et qui nonnisi de prwdieamento qualilatis loqui sciant, liane. Trid., t. v. p. (172 ; cf. p. 423 et 129. Mais dans les doux camps (Luther et Seripando), c’est surtout à des preuves d’autorité que l’on aime à en appeler. De l'Écriture, les uns et les autres citent le verset d’Isaïe : « Toutes nos justices sont pareilles à un vêtement souillé. > Is., lxiv, » : f. Laitiers Werke. éd. do YYeimar, t. iv, p. 383 ; Conc. Trid., t. v. p. b7(i)..1. Paquier, L’n essai de théologie platonicienne à la Renaissance : Le commentaire de Gilles de Viterbe sur le premier livre des Sentences, dans Vech. de science rel.. t. xiii, 1923, p. 207. Chez Serimndo et ses disciples, la théorie de la double justice l’est pas sans relation avec l’ensemble de la doctrine, elle tient a la synthèse même de leur théologie sur la justification, et ainsi ; i leur système théologique tout entier. C’est ce qui explique le trouble extrême de Seripando quand les passages du premier projet de décret ajustifleatione, qui reflétaient sa l héorie de, la double justice, furent supprimés par Cervini : dans son journal, il va jusqu'à écrire qu’en rejetant cette théorie on

DICT. DE rHÉOL. CA1 HOL.

a déformé et défiguré, opprimé et submergé sous des inventions humaines la très pure justi c du Christ. Conc. Trid.. t. v. p. 641 ; cf. également p. 821-833.

On peut se demander quel est le t ipport entre la doctrine de Seripando et colle de saint Augustin. Le I) r J. Henninger a étudié ce point précis dans un ouvrage parfaitement documenté, s Augustinus et doctrina de duplici justitia : inquisiti > historico-critica in opinionem Hieronymi Seripandi 1 193-1563) de justifleatione ejusque habitudinem ad loctrinam S. Augustini (Sanki Gabrieler Studien, n i), Môdling, 1935. Saint Augustin n’a certes pas parlé d’habitus permanent et il ne. distingue pas formellement entre naturel et surnaturel. Cette restriction posée, on peut affirmer que l'évêque d’Hippone tant par son exégèse de la justitia Dei, que par le sens qu’il donne à la justifleatio et par la façon dont il décrit l’activité de l’homme justifié, enseigne une justice inhérente ». Cette réalité est - antérieure aux actes pistes et toutes les qualités qu’Augustin lui reconnaît, par comparaison avec la justice originelle et ave elle des anges, comme aussi les elïets qu’il lui attribue, invitent à y voir une chose permanente et surnaturelle ». Mais saint Augustin n’a jamais enseigné que la justice inhérente était insuffisante pour procurer le salut et que la justice imputée était nécessaire. Seripando, sous l’influence des doctrines de Gilles de Rome grand théoricien de l’augustinisme (voir art. Gilles de Rome, t. vi, col. 1358-1365), et s’appuyant sur des affirmations de Gropper, de Pflug, de Contarini et de Pighi, a forcé certains textes de saint Augustin et a cru de bonne foi que l’insuffisance de la justification inhérente était enseignée par l'évêque d’Hippone

Lu dépit de cette théorie, Seripando reste un grand théologien. Quand on entend son nom on pense tout de suite à la double justice, mais il ne faut pas oublier que cette doctrire n’est qu’un point particulier de la théologie du savant augustin. Pendant tout le concile, d’abord comme Père du concile, ensuite comme cardinal légat. Seripando a exercé une influence considérable : il n’est que de feuilleter les Actes de l’assemblée, son nom s’y trouve à. chaque page, et cette influence s’est exercée pour le plus grand bien de l'Église et de la science théologique.

I. Vie et œuvres. — 1° Sources. — La principale source est l’autobiographie même de Seripando, NL, IX, C, 42, publiée par Calenzio, op. cit., p. 153-254, sous le titre Vita del cardinale Girolamo Seripando uno dei legali del concilia di I renia, scritta a modo di giornale du lui awdesimo. Merkle a publié les fol. 17 v°-50 v°, qui rapportent la vie du cardinal pendant la période conciliaire, dans Conc Trid., t. il a, ]). 432-468, sous le titre Hieronymi Seripandi commentarii de vita sua. Outre cette autobiographie, Seripando a laissé de nombreuses notes sur les événements auxquels il a été mêlé ou les affaires qu’il a traitées ; on a fait mention de certaines de ces notes dans la deuxièm i p ni ie de cet article, § 4 (écrits conciliaires), n. 1 et 2. Voir aussi NL, XI, C, 47, Istruzionc a fr (atrc) Girolamo Seripando di quel avenu u Iratlare a nome délia cilla di Napoli su le case pubbliclte il 1553 con Carlo V imperatore ; vint, hiijj. Actes de son ambassade auprès de Charles-Quint ; VI)li, 5560, Epistolæ ciuitatis Neap. circa leg(alionem) ad Carolum V ; NI, , XI, », i :, Introito <</ esito del Seripando ; enfin les recueils de lettres VDB, iiôS et 5559 ; NL, XIII, .1.1, 17 a 65 (18 Vol.).

2° Xaliees bio-bibliographiques. San-, ne connaissons

pas de biographie proprement dite ; la plus ancienne notice doil être celle de Félix de I.auriuo en tête de l'édition des

commentaires sur tes épîtres aux Romains ci aux Galates, Naples, Kioi (voir col. 1928) ; la pins récente, celle du Dr Merkle dans (TU, I. n a, p. LXI-CVII ; ' urtius, iraruin illustrium ex ordine eremitarum l>. Augustini elogia, Anvers, 1636, passim ; Bllsius, Encomiasticon augustinianum, Bruxelles, 165 l, passim ; Ossinger, Bibliotheca augustiniana,

Ingolstadt, 1768, a compléter, eu ce qui couenne Seripando, par Addenda ad Ossingeri bibliothecam auguslinianam, ms. VG, 15 3 ; Thomas de Herrera, i pnabetum augus I.