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SERGE III


actes diverses mesures de réparation. L’un et l’autre furent malheureusement éphémères. Romain ne siégea que quatre mois à peine ; Théodore quelques semaines seulement. Aux derniers jours de 897, le siège de Pierre était de nouveau vacant. Deux rivaux se le disputèrent, Serge, ex-évêque de Cère, adversaire acharné de la mémoire de Formose, et Jean, un prêtre romain désireux de continuer l'œuvre de pacification commencée aux derniers mois de 897. Serge l’emporta d’abord et s’installa au Latran ; mais Jean, vers avril 898, put se faire consacrer et triompher de Serge qui gagna le large, sans renoncer pour autant à ce qu’il appelait ses droits. Sur ces troubles et les résultats, voir l'épitaphe de Serge dans Duchesne, Le Liber pontificalis, t. ii, p. 238, et la notice en vers de Flodoard, P. L., t. cxxxv, col. 831.

Un des premiers soins de Jean IX (voir ici, t. viii, col. 614), fut de condamner en un concile romain Serge et les plus chauds de ses partisans, cf. Mansi, Concil., t. xviii, col. 221 ; en même temps étaient définitivement annulées les mesures contre les ordinations formosiennes. Benoît IV, qui succéda à Jean IX semble avoir gardé la même attitude. Sa mort (août 903) fut le signal de nouveaux troubles. Le prêtre Léon qui le remplaça sous le nom de Léon V, cf. t. ix, col. 316, continua, semble-t-il, la tradition formosienne. Mais il n’avait pas siégé deux mois qu’un de ses prêtres, nommé Christophe, le renversait, le jetait en prison et prenait sa place (automne de 903). Or, ce coup d'État allait profiter à Serge, qui continuait toujours à se considérer comme le pape légitime et pouvait compter sur les intelligences qu’il avait dans Rome et aussi sur les Spolétains. Un complot renversa Christophe aux premiers jours de 904 : Serge, accompagné d’une escorte franque (c’est-à-dire spolétaine), se présenta à Rome, fut acclamé comme pape et consacré le 29 janvier. Voir les indications sommaires dans Auxilius, In defensionem ordinationis papee Formosi, t. I, c. i, édit. Dûmmler, p. 60. Christophe fut dégradé et rejoignit en prison sa victime, le pape Léon V.Tous deux furent ultérieurement exécutés. Cf. Vulgarius, De causa formosiana, xiv, édit. Dûmmler, p. 185 ; et Auxilius, In defensionem, etc., lot. cit.

Avec Serge III, qui, tenant pour non avenus les pontificats de tous ses prédécesseurs depuis Jean IX, datait ses premiers actes de la huitième année de son pontificat, c'était ce parti antiformosien, évincé à la mort d’Etienne VI, qui revenait au pouvoir. Il abusa de son triomphe. Sans doute le cadavre de Formose fut-il, cet le fois, laissé dans son tombeau, mais les ordinations conférées par lui et dont la validité avait été solennellement reconnue par les conciles de Jean IX furent remises en question. Serge avait à cela un intérêt personnel, tout comme Etienne VI d’ailleurs. C'était de Formose qu’il avait reçu, comme diacre, la consécration qui l’avait fait évoque de Cère. Sitôt après le concile cadavérique », il s'était considéré comme rétrogradé au diaconat : les décisions des conciles de Jean I. qui reconnaissaient les ordinations formosiennes, paraissaient lui rendre son titre d'évêque, niais du même coup lui interdisaient de se faire transférer au siège de Home. En faisan I annuler les ordinations données par Formose, il justifiait sa présence sur la chaire de saint Pierre. Le diacre » Serge n’avait rien à craindre des prescriptions canoniques — précisément invoquées contre Formose - qui interdisaient à un évêque de changer de sic^c !

Serge ne recula devant rien pour arriver au résultat désiré. Une vigoureuse pression fut mise en OSUVie

pour obtenir de l’ensemble du clergé romain qu’il se

déjugeât, une fois de [dus, dans la question des ordinations formosiennes. Le cachot, les menaces d’exil curent raison des plus opiniâtres ; les réhictants furent

embarqués et jetés sur le rivage de Naples. Ainsi matés, clercs romains et évêques suburbicaires furent assemblés en un synode qui annula les décisions prises à Rome et à Ravennc en 898 et remit en vigueur celles du synode cadavérique. Cf. Auxilius, op. cit., t. I, c. i ; t. II, c. i, p. On et 7 ! S. foutes les ordinations conférées par Formose durant son usurpation », c’est-à-dire pendant quatre ans et demi, furent déclarées sans valeur. Parmi elles il y avait d’assez nombreuses consécrations d'évêques et ceux-ci, à leur tour, avaient conféré des ordres. Tout cela était frappé de nullité. Contrairement d’ailleurs à ce qui s'était fait au temps d'Étienne VI, on contraignit ceux dont les ordinations se trouvaient ainsi annulées à recevoir de nouveau le sacrement : ce fut bientôt dans toute l’Italie un scandale inouï et qui devait se prolonger longtemps. Assez peu nombreux furent les courageux qui osèrent braver les sentences ecclésiastiques que l’on faisait pleuvoir sur les récalcitrants. C’est à l’un d’eux, Auxilius, que nous devons la plupart de nos renseignements sur cette lamentable affaire. Voir t. i, col. 2022. Cet écrivain eut d’ailleurs à défendre d’autres ordinations conférées par un évêque de Naples, qui, bien contre son gré, y avait été transféré de son siège primitif ; on voit que l’exemple donné à Rome était contagieux. Auxilius eut d’abord comme auxiliaire dans le combat qu’il menait pour la saine doctrine un de ses collègues, le grammairien Eugène Vulgarius. Mais ce dernier finit par chanter la palinodie et se réconcilia avec le pape Serge III, qu’il célébra en prose et en vers, ainsi que la famille du sénateur Théophylacle, la notabilité laïque la plus en vue de Rome. Avec cette famille, eu effet, le pape Serge entretenait des rapports très étroits. Si étroits même que des relations entre Serge et une des filles de Théophy lacté, la trop célèbre Marozie, naîtra un fils que sa mère poussera un jour au trône pontifical et qui sera le pape Jean XI. Voir t. viii, col. 018-619. Somme toute. Serg ? III avait préparé la domination de la maison de Théophylactc qui, pendant plusieurs générations, aura la haute main sur le Siège apostolique.

Le registre du pape Serge III est, par ailleurs, assez. mal fourni, lai dehors de quelques rares confirmations de privilèges, à Yézelav, à l'Église de Lyon, au MontCassin, Jaffé, a. 3512, 3545, 3517, il convient de relever une sentence d’absolution accordée à une veuve fort criminelle, originaire des Gaules, qui est venue demander à Rome son pardon, Jaffé, n. 35 18. et aussi une suspense de trois ans infligée, semble-t-il, par un synode romain à l'évèquc de Turin, Guillaume. Cf. Mansi, Concil., t. xviii, col. 251. Malgré l’indignité de son titulaire, le Siège apostolique ne renonçait pas complètement à son rôle.

Serge III, en dépit de ses taies, peut-être même à cause de ses tares, trouva le moyen de durer et de mourir dans son lit quin 911), après un pontificat de sept ans et demi. Il faut au moins lui reconnaître le mérite d’avoir achevé la restaurai ion de la basilique du Latran, commencée par Jean IN. - (lie s'était écroulée sous Etienne VI. Des inscriptions fastueuses y rappelèrent à la postérité les travaux accomplis, tandis que, sur son tombeau, une louangeuse épitaphe

célébra les hauts faits (lu pontife et spécialement la

lutte sans merci qu’il avait menée contre les « intrus ». Texte dans Duchesne, L< Liber pontiftealis, t. ii, p. 236-238. L’honnête Flodoard, qui s’en est inspiré, a contribué par là à transmettre un portrait de

Serge 1 1 1 (pli. selon toute vraisemblance, ne correspond guère à la réalité. La pierre se laisse graver, comme le

papier Se laisse écrire.

Sources. Liber pontiflealis, édit. Duchesne, t. n. p. 2 : i< ; -2 : iX ; Jaffé, Regesta pontiflcum romanorum, 1. 1, p. I r>117 ; Flodoard, / « Christi triumphis, l. XII, e. vii, /'. L.,