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    1. SENTENCES##


SENTENCES. LES COMMENTAIRES, IMPORTANCE

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portance qu’a la quxstio qu’il enfle démesurément.

On le comprend d’autant mieux que, parallèlement à la lecture des Sentences, œuvre du bachelier, ont dû se développer des Qusestiona super Sententias, œuvre du maître. Leur présence est parfois difficile à déceler, surtout en tant que distinctes du commentaire proprement dit. Elle est pourtant incontestable et remonte même assez liant. In des premiers exemples qu’on en peut citer est contemporain de saint Thomas : it les Questions proposées par Gérard d’Abbeville, suivant le plan des Sentences, mais pourtant sans aucun doute œuvre de maître. Or. le maître ne « lit » pas les Sentences, mais la Bible. Rien ne l’empêche par contre de choisir comme thème de ses disputes ordinaires des sujets suggérés par des distinctions mêmes du Lombard. Il semble bien que ce soit le cas ici, dans les questions que conserve le ms. de Paris, Bibliothèque nationale, lat. lô 906. Voir P. Glorieux, Pour une édition de Gérard d' Abbeville, dans Recherches de théol. anc. et médiév., t. ix, 1937, p. 74-78. Mais, devant des productions de ce genre, on est en droit d’hésiter et de se demander si c’est à un authentique commentaire que l’on a atlaire ou à des Questions disputées, organisées selon son plan ; ou peut-être à une forme intermédiaire, celle qui semble avoir excité la colère de Roger Bacon quand il se plaint dans son Opus minus que le texte des Sentences supplante dans l’enseignement théologique le texte sacré.

On en trouve un autre exemple, très net également, un peu plus tard. Il est fourni par PierreJean Olieu qui, en plus du commentaire authentique qu’il lut en tant que bachelier, retient à son actif une série considérable de questions, si bien groupées suivant les distinctions du Lombard, qu’on a pu les considérer comme constituant par exemple son commentaire sur le I. II des Sentences. V. Doucet a démontré que c’est en réalité une œuvre distincte dont la rédaction produit en effet cette impression, mais qui est plus exactement une série de Questions disputées sur les Sentences.

L'étude de ce genre littéraire n’a pu encore être entreprise méthodiquement. Elle réserve sans doute plus d’une surprise. Qui sait par exemple si ce n’est pas à ces catégories que se ramèneront des Quæsliones speculativæ super Sententias, comme celles qu’on découvre chez Jean Baconthorp en marge de son commentaire sur les Sentences ? Il est probable en tout cas qu’on y verrait l’influence exercée par ces Quiestiones sur la lecture même des Sentences, et qu’on les trouverait plus ou moins à certaines étapes de l'évolution dont les grandes lignes ont été suggérées ici : texte glosé ; texte commenté ; questions émergeant du texte en nombre toujours plus grand ; distinctions réduites aux seules questions ; distinctions supprimées au profit de quelques questions hypertrophiées.

/II. IMPORTANCE DOCTRINALE ET CTILISATIUX. — Il faut évidemment tenir compte de cette évolution pour apprécier à leur juste valeur soit l’ensemble de cette production théologique dont les nombreux témoins sont une de nos meilleures sources d’information sur la pensée médiévale, soit l'œuvre particulière d’un auteur donné. Pendant un siècle surtout, depuis que la lecture des Sentences se vit élevée à la hauteur d’une institution officiellement reconnue par l’Université, cet exercice scolaire avec les formes rédactionnelles qui nous le transmettent, présente un intérêt de tout premier ordre. Ensuite, et cela dès le milieu du xiv siècle, parce qu’il se réduisit trop exclusivement a quelques questions choisies, le commentaire manque a son but premier ; son utilité, tout en demeurant réelle, se rapproche davantage de celle qu’on peut tirer par exemple des Questions disputées. donc surtout aux commentaires sur les Sent

dans la première partie de leur histoire que s’appliquent les remarques suivantes.

L’intérêt qu’ils présentent est double : pour l'étude des positions doctrinales d’un auteur ; pour l'étude plus générale de la pensée théologique et de son progrès au Moyen Age.

1° Pour l'étude doctrinale d’un auteur. — Les commentaires sur les Sentences sont des plus précieux, tout d’abord, pour connaître la pensée théologique d’un auteur, pour suivre son évolution, pour apprécier son originalité. Connaître sa pensée théologique : tandis que les autres œuvres seront le plus souvent ou des études partielles ou des écrits de circonstance, le commentaire a l’avantage de livrer la pensée de son auteur sur tout l’ensemble des problèmes théologiques. On a vu plus haut comment c'était là précisément le but visé par cette lecture imposée au bachelier entre la prise de contact, encore élémentaire, du bachelier biblique avec les Livres saints et l’exposé autorisé de ces mêmes livres par le maître régent. Les Sentences de Pierre Lombard furent choisies parce qu’elles permettaient, qu’elles obligeaient même à prendre contact avec tous les problèmes que pose l’enseignement théologique. Il n’est aucune des questions importantes et même brûlantes qu’elles n’abordent et que le bachelier ne doive par le fait aborder au cours de ses deux années d’enseignement. Pour peu qu’il soit personnel et qu’il ait la volonté de prendre position dans les questions controversées, on a dans son commentaire le reflet, la manifestation authentique de toute sa pensée. D’une pensée organique ; car non seulement les problèmes s’appellent et se commandent objectivement, mais le plan même des Sentences oblige à prendre conscience de ces interdépendances ; et leur lecture suivie, relativement rapide, puisqu’elle ne dure que deux ans, réclame la cohérence dans les idées. Or, on l’a vu également, ce travail du bachelier n’est pas improvisé. Il est le résultat de réflexions personnelles, provoquées par les leçons auxquelles l'étudiant a assisté pendant de longues années déjà. C’est bien une synthèse, mûrement préparée et mise au point, qu’on trouve là. On peut donc la considérer comme telle ; et il n’y a point de document comparable à celui-là pour connaître exactement la pensée d’un futur maître en théologie sur l’ensemble des problèmes dogmatiques, ou moraux, ou philosophiques, ou cano niques que comporte la science sacrée.

Son tempérament intellectuel, d’ailleurs, s’y révèle assez rapidement, en raison précisément de cette variété de questions auxquelles il doit fournir réponse. Le 1. I er, avec ses considérations sur Dieu, sa nature, la Trinité, s’ouvre aux spéculations théologiques les plus hardies et aux considérations métaphysiques aussi ; le t. II, par son étude de l'œuvre des six jours, et de l’homme qui la couronne, se prête davantage peut-être aux problèmes de cosmologie et de psychologie surtout ; le t. III, en étudiant le Christ et sa venue dans les âmes, le traité des vertus et celui des coniman déments, touche à de graves problèmes dogmatiques ou moraux ; quant au I. IV, il est, avec son traité des sacrements, la terre d'élection des canonistes. Chacun aborde donc cette lecture des Sentences avec ses préoccupations et ses préférences et s'épanouit, à son insu peut-être, dans le livre ou les distinctions qui répondent davantage a ses goûts. Tel est le sens de l’appréciation portée par Ange de Camerino dans sa préface au commentaire de Gilles de Rome In II"" Sententiarum (éd. 1581° : in primum excellii Scotus ; m secundum Egidius ; in tertium Bonaventura ; in quar ttun Richardus de Mediavilla. L'étude attentive des Sentences permettrait même de retrouver, outre la pensée explicite, le tempérament peut être moins affiché, mais présent cependant, de l’auteur.