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SEMI-RATIONALISTES - SENAULT (JEAN-FRANÇOIS)

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réfutation de Hegel que pour la constitution de la substructure des vérités révélées.

Pour réduire le monisme de Hegel, Gûnther recourt

à un dualisme apparenté à celui de Descartes. Pour Gûnther, l’homme est une synthèse d’esprit et de

nature. L'âme appartient à la nature, mais la monade spirituelle qui se trouve dans tout homme est essentiellement différente de l'âme et est indépendante du corps. Cette monade spirituelle est eréée directement par Dieu tandis que l'âme est engendrée comme le corps. Voir Ici, t. vi. col. 561-562. Comme Descartes, Gûnther eroit pouvoir démontrer l’existence de Dieu en prenant son point de dépari dans la conscience du moi (argument ontologique). Le monde est créé par Dieu comme contra position. Ici Gûnther semble bien avoir subi l’influence de Hegel, selon lequel la thèse amène toujours l’antithèse. Comme la création. la rédemption par le Christ et l’apocatastase finale sont pour Gûnther des actes nécessaires de Dieu. Les vérités révélées sont présentées comme pénétrables par la raison. Elles sont surnaturelles en ce sens que. de fait. Dieu nous les a fait connaître par les organes de la révélation et que dans l'étal actuel de la philosophie la raison ne peut les saisir dans toute leur essence. Mais Gûnther, qui est optimiste, croit que le progrès de la philosophie rendra l’homme capable de comprendre le pourquoi et le comment de toute la révélation. C’est parce que Gûnther avait une si haute idée de la raison humaine et de la philosophie qu’il a combattu violemment ceux qui voyaient en celle-ci Vancilla theologis-.

Dans l’exposé des dogmes. Gûnther s’est laissé influencer outre mesure par Hegel, qu’il considérait pourtant comme le philosophe antichrétien par excellence. C’est ainsi que sa conception de la Trinité est nettement hégélienne, le Père étant représenté comme la thèse, le Fils comme l’antithèse et le Saint-Fsprit comme la synthèse. De même, la conception hégélienne de la personne a influencé l’exposé fait par Giinther du dogme de l’incarnation, le double Selbslbeivusstsein amenant, dans le Christ, une double personnalité. Voir t. vii, col. 554.

Malgré ses défauts évidents, l'œuvre de Gûnther a été fort admirée par un bon nombre de ses contemporains. Les cardinaux de Schwartzenberg et de Diepenbrock, le premier archevêque de Prague, le second évêque de Brestau, le soutinrent jusqu'à sa condamnation par Lie IX. Noir la lettre des cardinaux Schwartzenberg et Diepenbrock à Lie IX, dans Winter, Die geistige Entwicktlung Anton Gïmthers und seiner Schule, Laderborn, 1931, p. 2(37. Les frères Wolter, qui plus tard devinrent les restaurateurs de l’ordre bénédictin en Allemagne, et le P. Kleutgen furent dans leur jeunesse des admirateurs de Gûnther. Ses adversaires se recrutèrent parmi les néoscolastiques ainsi que parmi les derniers tenants du romantisme, « lui persévéraient à considérer l’irrationalisme de Schelling ou la mystique de Baader comme la base nécessaire de la doctrine théologique. Voir les détails de la polémique concernant Gûnther dans Winter, op. cit., p. 1X8 sq.

Lar le bref Eximiam tuam adressé au cardinal de Ceissel le 15 juin 1857. Lie IX condamna le semirationalisme de Gûnther et en particulier sa doctrine de la Trinité, de l’incarnation, de la rédemption et de la création. Ce bref dans Denz.-Bannvv., n. 1655 sq.

4° Iialtzer, Knoodt et Frohschammer. - Tous les adhérents de Gûnther ne se soumirent pas au verdict pontifical. L’ancien hermésien Baltzer à Iirestau et Knoodt à Bonn continuèrent a défendre et à propager les conceptions de leur maître. Tous deux passèrent plus tard au vieux-catholicisme. Encore maintenant, la doctrine de. Gûnther, au moins dans sa partie philosophique, trouve des défenseurs parmi les

membres de cette secte. Sur ce point, voir Winter, op. cit., p. 249 sq. Bien qu’il n’ait jamais publié d’oeuvre strictement théologique, le prêtre Jacques Frohschammer (1821-1893) peut être considéré comme semirationaliste. Comme Gûnther, Frohschammer était un adversaire de la scolastique ; comme Gûnther, il enseignait que l'âme est engendrée par les parents. Dans une publication intitulée Ueber die Freihcil der Wissenschafl qui parut en 1861, il affirma que la philosophie était indépendante du dogme et qu’usant des facultés naturelles de l’homme elle pouvait démontrer des vérités révélées. Ces conceptions furent condamnées par Lie IX. le Il décembre 1862, dans le bref Gravissimas inter adressé à l’archevêque de Munich. Denz.-Bannw, n. 1666 sq. I-'rohschammer ne se soumit pas et fut de ce chef déclaré suspens. Après le concile du Vatican il sympathisa avec le vieux-catholicisme sans toutefois adhérer à la secte.

La constitution dogmatique Dei Filins du concile du Vatican, laquelle établit les rapports de la raison et de la foi, a définitivement éliminé le semi-rationalisme.

Buchberger, Lexikon fur Théologie und Kîrche, art. Hermès, Giinther, Frohschammer, t. iv, col. 991 sq. ; 748 sq. ; 209sq., et ici HERMÈS, t. vi, col. 2291 sq. ; GuENTHER, ibiit., col. 19 ( J2 ; A. Vacant, Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, t. i, Paris, 1895, § 5, art. 20 sq., p. 119 sq. ; Eschweiler, Die zwei Weye der neueren Théologie, Dermes und Scheeben, Ratisbonne, 1926 ; Schrôrs, Geschichle iler katholischen theologischen Fakultàt zu Bonn, Cologne, 1 922.

G. Fritz.

    1. SENAULT Jean-François##


SENAULT Jean-François, quatrième supérieur général de l’Oratoire, naquit en 1601, à Anvers, où son père Pierre Senault, secrétaire du roi et commis au greffe civil du parlement de Paris, mais grand ligueur et un des plus fameux entre les Seize, s'était retiré après la défaite de la Ligue.

I. Jusqu’au généralat. — Il commença ses études à Douai et les acheva à Paris après la mort de son père ; il entra à l’Oratoire en 1618, professa la quatrième à Vendôme en 1623, puis, par un trait de jeunesse, quitta la congrégation en 1627 pour y rentrer bientôt comme aumônier du cardinal de Bérulle, fut prêtre cette année-là et reprit son titre de Père en 1628.

Il est pendant vingt-cinq ans successivement supérieur à Orléans, à Saint-Magloire, à la rue Saint-Honoré. Le plus fameux prédicateur de son temps, il prêche pendant plus de quarante ans, d’abord dans les plus célèbres stations de province : Dijon, Aix, Bordeaux, Bennes, etc., et pendant trente ans dans les meilleures églises de Paris et à la cour, sans parler d’un grand nombre de panégyriques et d’oraisons funèbres. i Quand il commença de prêcher, écrit Battcrel, trois défauts régnaient dans la chaire : nulle méthode dans le discours, un vain étalage de science profane et un mauvais goût de plaisanterie, qu’on y croyait nécessaire pour attacher l’auditeur. » Mémoires domest., t. iii, p. 3. Senault l’en purgea et contribua ainsi, plus que personne, à restaurer chez nous l'éloquence de la chaire ; ce n’est pas qu’il ne soignait pas son style, car il faisait corriger ses phrases par Conrart. On voyait quelquefois une vingtaine de copistes au pied de sa chaire, occupés à prendre ses sermons qui se vendaient manuscrits. Loin de favoriser la morale relâchée, il s'élevait contre VApologie des casuisles ; même devant les deux reines à qui cela arrivait, il critiqua la conduite de ceux qui, après avoir communié le matin, allaient le soir au bal ou à la comédie. Tics éloigné cependant du jansénisme, il signa et lit signer par les Pères de sa maison le formulaire, dressé en 1657 par l’assemblée du clergé, écartant la distinction du droit et du lait rt présenté parle P. BourgOing, supérieur général.