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    1. SEMI-PÉLAGIENS##


SEMI-PÉLAGIENS. HI.I’LI DES AUGUSTINIENS

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Dieu veuille sauver tous les hommes ; mais alors, comment se Fait-il, puisqu’il est constant que tous ne se sauvent pas, qu’une volonté <lu Tout-Puissant ne s’accomplisse point. Si l’on dit : c’est à cause de la volonté <le l’homme. <>n paraît exclure la grâce : une grâce accordée à un mérite, ce n’est plus une grâce. Que si l’on admet, au contraire, que c’est par la seule grâce que l’on est sauvé, la question se pose derechef : pourquoi ce don, sans lequel nul ne peut être sauvé. n’est-il pas fait a tous par Celui qui veut sauver tous

les hommes ? »

Est-il possible de mettre un terme à ces discussions eu distinguant ce qui est clair et ce qui demeure mystérieux ? Et l’auteur d'énoncer sa division : il traitera d’abord de la grâce en elle-même, établissant qu’elle est gratuitement attribuée, sans aucun mérite antécé dent, 1. I ; il exposera, au I. 1 1, la manière dont il corn prend la volonté salviflque universelle.

I.e 1. I ne sort guère des idées déjà rencontrées chez les défenseurs de saint Augustin : la gratuité du salut est longuement établie à l’encontre des petites combinaisons de la théologie des Marseillais, mais sans l’ombre de polémique, (/est au 1. II qu’intervient la discussion du fameux texte paulinien I Tim., ii, 4 : (Drus) vull omnes homines salvos fteri. L’auteur l’explique par un texte tout voisin, I Tim., iv, 10 : Deus est salvatoT omnium hominum maxime fidelium. Dieu veut le salut de tous, il veut surtout le salut des élus : il choisit un certain nombre d’hommes en qui se réaliseront infailliblement ses promesses ; c’est sur eux que porte dans sa plénitude la volonté toujours efficace de Dieu. Mais, à côté de ce vouloir impératif, qui n'étend qu'à un certain nombre son efficacité, il y a en Dieu un désir réel du salut général ; et ce désir se traduit par l’octroi île secours, qui, sans doute, sont insuffisants a procurer le salut, mais qui ne laissent pas de témoigner des dispositions bienveillantes de Dieu à l’endroit de tous les hommes. Cette doctrine n’empêche pas l’auteur d’exprimer à l’occasion des idées plus strictement augustiniennes sur la volonté salvifique restreinte. Cf. I. 1, c. ix, où la volonté salvifique universelle est la volonté de Dieu de « sauver tous ceux qui seront sauvés », et donc cette specialis universitas où Augustin se réfugiait : cf. aussi t. I, c. xii : Dieu veut que nous voulions le salut de tous et que nous priions à cette intention.

Il n’empêche que le point de vue adopté par l’auteur entraîne d’incontestables édulcorations de L’augustinisme. a) VA, d’abord, une réserve très sensible dans l’emploi des formules prédestinaliennes. A coup sûr la doctrine augustinienne fait bien le fond de sa pensée : il y a une stimma prsecognita, prseelecta, prseordinala, discrète, que Dieu conduit infailliblement au salut par sa grâce. Jamais pourtant l’auteur n’applique à l’acte divin qui détermine cette summa le mot de prédestina lion ; il parle de constitutio divina, de proposition, de discretio, de præfinitio, comme si le mot de prtedesti natio axait on ne sait quelle vertu horriflque qui de vait le faire éviter. l>) Il y a aussi des idées remarquables sur l’extension universelle de la grâce. La bonté de Dieu désirant le salut de tous les hommes, elle met a la disposition de chacun des grâces générales : c’est d’abord le spectacle de la création qui attire vers Dieu ; c’est la Loi juive qui a eu dans le monde, en dehors d’Israël, un relent issement prolongé ; ('est

l'Évangile enfin dont la prédication va sans cesse

s’anipliiiaui. Sur quoi l’on pourrait se demander si le

spectacle de la création est un secours purement naturel ci extérieur, tel que le concevaient les pélagiens.

Mais il paraît bien que Tailleur en veuille faire une

vraie grâce Intérieure, corda puisons, le langage de la création ne se comprenant que par l’illumination Inté

Heure du Christ. plus forte raison l.oi et Évangile

n’agissent ils que par une action intime de Dieu. — e) I. 'auteur enfin met en meilleur relief le rôle de la liberté et de sa coopération avec la grâce. Sans doute parle-t-il du libre arbitre perdu par le péché et restauré par la grâce, de cette transformation pour ainsi dire passive de la volonté, qui est la grande idée augustinienne. Il donne pourtant à la liberté une part active dans l'œuvre de la sanctification et. surtout, beaucoup plus clairement qu’Augustin, il marque que l’homme peut résister à la grâce.

2. Caractéristique générale. Ces fluctuations d’une pensée dont la cohésion n’est pas la vertu majeure ont fait lu sitar la critique sur la note qu il faut donn ; a l’auteur. Va t il dans le sens de Cassien et de son groupe ? Est-il augustinien ? Sa doctrine de la prédestination est-elle rigoureuse ou large ? On serait fort embarrassé de répondre. Il semble que l’auteur voie ce qu’il y a de fondé dans l’un et l’autre des systèmes antagonistes, tout autant ce qu’il y a de criticable. De part et d’autre il accepte ce qu’il croit fondé, rejette ce qu’il estime moins recevablc. sans toujours se rendre compte qu’il installe la contradiction au milieu de son système ; c’est un de ces esprits de juste milieu tout pleins de bonnes intentions, mais qui n’ont pas assez de vigueur pour se rallier a l’une ou à l’autre des opinions en présence.

3. L’auteur. -- Aprcment discutée aux XVIIe et xviiie siècles, la question d’auteur paraît s’orienter vers une solution définitive. Antérieurement a Quesnel, il n’y avait guère eu d’hésitations, et l’on faisait généralement de l’rosper l’auteur du De vocatione. lui revendiquant ce traité pour saint Léon, dans son édition des œuvres de ce pape (cf. P. L., t. lv, col. '.i’M sq.), le critique oratorien a jeté le désarroi dans les esprits : des savants aussi avisés que Tillemont ou E. Du Pin ont finalement laissé en suspens la question d’auteur.

Elle semble pourtant assez facile a résoudre. D’une part la tradition - car l’ouvrage n’est pas anonyme dans les manuscrits — n’hésite qu’entre deux noms, celui d’Ambroise de Milan et celui de l’rosper. Le premier est à écarter ; l’attribution de cet ouvrage à l'évêque de Milan, outre qu’elle est tardive, est en soi invraisemblable. L’attribution à l’rosper était faite au ixe siècle par Ratramne (cf. /'. L., t. cxxi, col. 27 C) et par Hincmar (ibiil., t. cxxv, col. 256 H). Aucun des mss ne remonte plus haut.

Celle donnée de la tradition est singulièrement renforcée par la comparaison du De vocatione avec les (envies de l’rosper. surtout avec celles qui datent des alentours de 135 et dans lesquelles l’intransigeant augustinien du début commence à jeter du lest. Dom Cappuyns a fait, avec beaucoup d’acribie, la comparaison des doctrines relevées de part et d’autre sur la volonté salvifique universelle, sur la sollicitude universelle de Dieu se manifestant dans la prédication de l'Évangile, la diffusion de la Loi, le spectacle de la nature, sur l’exclusion de la réprobation ante prævisa démérita. Celle comparaison révèle une parenté incontestable.

Quesncl triomphait, il est vrai, en faisant remarquer la différence de style entre les textes authentiques de l’rosper et le De vocatione. Il ne faut pas songer à

l’atténuer. Du moins faut-il remarquer que l'écart des

dates, comme aussi la diversité d’esprit et de genre littéraire, peut l’expliquer jusqu'à un certain point.

En tout état de cause il semble donc que nous avens, dans le De vocatione omnium t/cntium, Licnvre d’un augustinien fervent qui, cherchant à prévenir les plus graves objections contre un système qui lui est cher, atténue jusqu'à un certain point les doctrines du mailre dans ce qu’elles oui de contestable, mais reste Adèle a l’essentiel même de la pensée ; l’absolue gratuité du don divin même au début de la conV.Tsion.