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    1. SEMI-PÉLAGIENS##


SEMI-PÉLAGIENS. PROSPER A LA RESCOUSSE D’AUGUSTIN

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de-, échappatoires. L'évêque d’Hippone agissait bien autrement. Peut-être s’il avait eu connaissance des incartades de son Intempérant disciple, aurait-il amené I’k sper à plus de modération ; mais il mourait sur les entrefaites (28 août 130) ; Prosper allait se croire investi, de ()ar la mort du grand docteur, d’une succession qui n'était pas sans difficulté. Au fait, jamais il ne saura s’assimiler pleinement la doctrine du maître. Nous venons de l’entendre donner à la pensée augustinienne, dans son expression tout au moins, ce quelque chose de dur. d’aigre, de contentieux qui se retrouvera aux xvir' et JCVUle siècles chez les disciples de saint Augustin. En revanche, il ne tardera pas à éprouver quelque difficulté à se débarrasser des objections de l’adverse partie, à sentir sa dialectique prise de court, à être obligé d’apporter à sa pensée des atténuations qui ne sont pas dans le droit fil de la pensée augustinienne.

2° Prosper sur la défensive. Les Responsiones ad excerpta Genuensium ». — Le livre De prædestinatione n'était pas venu seulement à Marseille à qui il était destiné. Deux prêtres de Gênes, Camille et Théodore, l’ayant lu. s'étaient alarmés de diverses expressions. Ils s’adressèrent à Prosper non pour chercher chicane a la doctrine d’Augustin, mais pour demander à celui qui [lassait maintenant pour l’interprète officiel de sa pensée, les explications convenables. Demandes et réponses ont leur intérêt. Elles sont contenues dans le petit écrit de Prosper : Pro Auguslino, responsiones ad excerpta Genuensium, P. L., t. li, col. 187-202. Les demandes sont présentées sous la forme d’extraits du traité augustinien, qui ont suscité la surprise des lecteurs. Après les avoir reproduits, Prosper les explique de la manière convenable.

L’analyse détaillée des réponses de Prosper nous apprendrait peu de choses nouvelles, du moins sur le point spécialement en litige de Vinitium fidei. Celui-ci est visé au n. 5, col. 193. Les Génois s'étaient étonnés de cette proposition d’Augustin : « Qu’elle soit seulement la foi initiale, inchoata, ou la foi parfaite, la foi est un don de Dieu. Que ce don soit fait aux uns, ne soit pas fait aux autres, nul n’en peut douter qui ne veut pas se mettre en contradiction avec l'Écriture. » S’ils s'émeuvent d’une proposition aussi obvie, répond Prosper, c’est qu’ils partagent l’idée de Cassien sur la foi initiale, toute première réponse de l'âme aux propositions divines ; mais il n’y a pas lieu de soustraire a l’influx divin une démarche qui, pour être de peu de durée, n’en est pas moins de capitale importance dans le processus salvilique de chaque fidèle.

.Mais la doctrine de la prédestination n’est pas non plus perdue de vue ; Prosper se rend fort bien compte du lien qui s'établit à Marseille entre le rejet de cette doctrine et la théorie de Vinitium fidei. Aussi consacre-t-il un soin tout particulier à faire comprendre à ses correspondants la doctrine augustinienne : Ne pas admettre la prédestination, c’est retomber dans le pélagianisme, c’est dire que la foi n’est pas un don gratuit de Dieu, que la grâce ne précède pas, mais suit le libre arbitre, qu’elle est donnée selon les mérites.

Car, si l’on confesse que quelque chose est donné aux hommes par la grâce et que ce don nous est conféré a cause de la foi, si cette foi elle-même n’est pas un don, « loue en elle qu’est le mérite, et ce n’est plus un don qui est fait a l’homme, mais une dette qui lui est payée. Ceux qui sont de cet avis sont donc conséquents avec eux-mêmes quand ils (lisent : ceux-là sont prédestinés a la vie éternelle que Dieu a prévus devoir croire par le jeu de leur libre arbitre, en sorte que la prédestination des élus n’est qu’une simple prescience accompagnée d’une simple rétribution. Et, ajoute Prosper, c’est là pélagianisme tout pur. N. h. col. 196.

3° L’appel de Prosper à l’autorité romaine. Topiques ou non. les réponses faites par Prosper, soit aux Génois, soit à d’autres car il eut certainement des polémiques ailleurs qu'à Marseille et à Gênes — ne parvenaient pas à enrayer la brusque défaveur qui frappait l’augustinisme. Mais, puisque Cassien était vraiment Pelagius redioivus, il restait contre lui un recours. Les discussions étant restées inopérantes, il n’y avait plus qu'à s’adresser à l'Église : die Ecclesiss.

L’autorité romaine était intervenue, à la vérité en des sens un peu divers, dans la controverse pélagienne. La très ferme attitude du pape Innocent I er n’avait pas été imitée de tous points par son successeur Zosime (117- ILS). Si Boniface I" (118 122) avait maintenu les décisions de ses prédécesseurs, il passait, à tort ou à raison, pour avoir été jadis assez favorable aux pélagiens de Rome. Mais le pape du moment, Célestin I er (422-432) poursuivait ces hérétiques avec la dernière énergie. Pourtant, s’il détestait les pélagiens, il n’est pas bien certain qu’il fût très au clair sur les théories métaphysiques que leur opposait l'évêque d’Hippone. Homme de gouvernement, Célestin voyait surtout dans les pélagiens des opposants qui avaient l’audace de contester une décision prise en commun par l'Église et par l'État. Y avait-il quelque chance pour les défenseurs d’Augustin de le faire intervenir dans la querelle qui les mettait aux prises avec Cassien et ses partisans ? C'était d’autant plus douteux que tout ce monde de SaintVictor affichait son horreur pour le pélagianisme. Et puis, tout récemment, au cours de l’hiver 429-430, Cassien, à la demande de la Curie, venait de rédiger contre Nestorius un gros traité De incarnatione Christi, où, soit méprise volontaire, soit confusion spontanée, il avait établi entre la christologie qu’il prêtait à l’archevêque de Constantinople et la doctrine pélagienne une parenté toute factice. Voir ici l’art. Nestorius, t. xi, col. 99 et sq. Il serait bien difficile de faire croire au pape Célestin que, sur un point essentiel, Cassien pensait comme Pelage et qu’il était urgent d’intervenir contre lui.

Prosper et Hilaire n’en tentèrent pas moins l’aventure. Dans quels termes, nous l’ignorons, puisque leur démarche ne nous est connue que par la réponse même du pape. Texte dans P. L., t. l, col. 528 (reproduit Coustant) ; cf. t. xlv, col. 1755 (dans les pièces justificatives de l'édition de saint Augustin). Cette « décrétale » figure déjà dans la Dionysiana (cf. P. L., t. LXVII, col. 267), d’où elle est passée dans les différentes collections canoniques. Dans ces divers recueils elle se présente sous la forme suivante : un^ adresse aux évêques gaulois ; le corps de la lettre : incipit : Aposlotici verba pnecepti. suivi d’un développement d’une colonne et demie environ de la P. L. ; un explicit : Deus vos incolumes euslodiat, jratres carissimi. Cette salutation terminale est aussitôt suivie d’un nouveau développement, introduit par un titre : l’rœleritorum Sedis (ipostoliciB episcoporum auctoritates de gralia l)ei ; incipit : Quia nonnulli qui catholico nomine gloriantur, suivi d’un développement de quatre colonnes environ ; explicit : guod appartient prxfixis sententiis esse contrarium.

De prime abord il est clair que cette seconde partie ne fait pas corps avec la première ; d’ailleurs le rédac teurde la seconde partie n’est pas, comme dans celle ci, le titulaire du Siège apostolique, puisqu’il déclare entreprendre de rechercher : quid redores romanse Ecclesiæ de kseresi judicarunt, tandis que Célestin aurait dû dire : quid antecessores nostri. etc. Sans douilles deux documents sont bloqués depuis longtemps el déjà avant la Dionysiana, mais on comprend le fait. puisque la première et la seconde partie traitent sensiblement de la même question. Depuis le XVIIIe siècle, on est d’accord pour les séparer ; la première est cet