Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/153

Cette page n’a pas encore été corrigée

1807

    1. SEMI-PÉLAGIENS##


SEMI-PÉLAGIENS. RÉACTION CONTRE LE DE COltHEPTIOXE

ISOS

nient de bonne volonté? » Voici la réponse de Chérémon : Il ne faut pas généraliser. Il est des cas où c’est évidemment Dieu qui fait vers nous le premier pas (vocation de Matthieu le publicain, de Saul le persécuteur). Dans le cas au contraire de Zachée, du bon larron, c’est la foi de l’un, la piété île l’autre qui ont prévenu les avertissements spéciaux de l’appel divin. En définitive, « quand Dieu voit que de nous-mêmes nous voulons nous tourner vers le bien, il accourt, nous dirige, nous réconforte (cas de Zachée) ; quand il vo11 que nous ne voulons pas (cas de Saul), ou que nous nous attiédissons, il nous fait entendre des exhortations salutaires qui réparent ou forment en nous la bonne volonté ». C. xi, col. 924.

Chérémon a bien conscience qu’en signalant des cas où c’est nous qui voulons, les premiers, aller à Dieu, il ouvre au libre arbitre un très large crédit. Aussi insiste-t-il sur ce point. « Il ne faudrait pas croire, en ellet, que Dieu ait fait l’homme tel que jamais il ne veuille ni ne puisse le bien. Dieu, au début, a fait l’homme droit ; même après la faute d’Adam, l’humanité qui, en son chef, avait fait l’expérience du mal, n’a pas laissé de garder la connaissance du bien que ce même chef avait reçue de Dieu. » C.xii, col. 925-926. Il faut donc se garder de rapporter tellement à Dieu tous les mérites des saints, que l’on ne rapporte plus à la nature que ce qui est pervers. On ne saurait douter qu’il n’existe naturellement chez nous les germes de toutes les vertus, déposés par la bonté du Créateur. L’existence du libre arbitre n’est pas vérité moins certaine. Il peut donc sortir de nous quelque chose de bon. C. xiii, col. 929. Ainsi la grâce coopère toujours avec le libre arbitre, et quelquefois elle exige de lui certains efforts (avant de se donner). Pour ne pas paraître se donner à qui dort, elle cherche ou attend des occasions dans lesquelles, la torpeur étant écartée, l’octroi de la grâce ne paraisse pas une munificence déraisonnable ; la grâce alors est impartie sous prétexte de quelque bon désir, de quelque travail personnel. Qu’on ne dise pas qu’en ces conditions ce n’est plus une grâce, un don absolument gratuit, car c’est à de pauvres petits efforts personnels qu’est accordée une si grande faveur. Ce n’est pas le petit acte de foi du larron qui empêche que le paradis lui soit accordé gratuitement, ou le simple mot de David : « j’ai péché, qui enlève au pardon reçu son caractère de gratuité. [Remarquer les mots : Quod peccatum suum humiliatus agnoscil (David), propria libertatis est opusl] Ibid., col. 933.

Et Chérémon, après avoir lâché cette énorniilé. de rechercher dans l’histoire biblique des exemples où s’exprime clairement sa théorie. A la demande de Satan, Job est laissé à lui même, afin que Dieu voie ce qu’il fera dans cet état, et Satan est bien contraint de reconnaître qu’il a été vaincu par les forces non pas de Dieu, mais de son serviteur, non Dei sed illius viribns. Dans la tentation d’Abraham, la loi que Dieu veut éprouver, ce n’est pas celle qu’il lui inspirait, mais celle qu’il pouvait maintenant taire voir à l'œuvre par son libre arbitre. Ce que Dieu loue donc en lui, quand il dit :.le sais maintenant que tu crains Dieu », c’est la constance de s ; i loi, alors que la grâce de Dieu l’a ait abandonné. ('.. XIV, col. 937. Ces diverses tentations, la justice de Dieu ne les permettrait pas, s’il n’y avait dans l’homme tenté une vertu égale (à la tentation) et qui lui permette en toute équité d'être déclaré digne d'éloge ou de blâme : nisi parem in eis resistendi scissei (Deus) inesse virtutem, qua pussent sequitatis judicio in utroque merilo, vel rei vel laudabiles fudicari. En de telles circonstances la grâce de Dieu a^it avtc l’homme comme fait la mère qui apprend à son petit à marcher ; elle fait mine parfois de l’abandonner, toujours prête néanmoins à l’empêcher de tomber, afin

que, d’une part, il prenne confiance en lui-même et qu’il sente, par ailleurs, que l’appui maternel est toujours là. Ibid., col. 938.

lui résumé, conclut l’abbé Chérémon, il ne faut pas enserrer l’action de la grâce dans des catégories trop raides. Elle a sa manière de se conformer aux capacités de chacun : elle prévient les uns quin’y pensent pas (André ou Pierre), ou même qui sont mal disposés (Saul) : elle récompense les efforts naturels des autres (Zachée, Corneille), agissant selon la réceptivité des uns et des autres : secundum capacitatem uniuscujusque. C. xv, col. 940-941.

Mais que l’on ne prenne point ceci, ajoute l’abbé, pour une concession au pélagianisme ; nous ne sommes point de ces impies qui prétendent que le tout de notre salut, summa salutis, est au pouvoir de notre libre arbitre et déclarent que la faveur divine se dispense selon les mérites. Qui pins est, nous affirmons qu’en certains cas la grâce divine déborde les limites de l’infidélité de l’homme : etiam exuberare gratiam Dei et transgredi interdum humaine infidelitatis angustias. C. xvi, col. 942.

En d’autres ternies Dieu procède de diverses manières au sauvetage du genre humain. Pour certains qui (par eux-mêmes) veulent (aller vers Dieu) et aspirent (à sa grâce), il les invite à un plus grand zèle : pour d’autres, qui sont mal disposés, il les contraint (à venir) ; pour les premiers, il fait que soient réalisés les bons désirs que leur nature leur inspire : pour les autres il leur insuffle lui-même ce désir et, par là, le début dans le bien, en même temps qu’il leur donne d’y persévérer. C’est perdre son temps que de scruter les raisons infiniment mystérieuses de la Providence. C. xvii. Du moins faut-il retenir comme étant la doctrine catholique les vérités suivantes : 1. C’est l’effet de la gràca divine que d'être enflammé à désirer le bien parfait : et pourtant le libre arbitre (sous l’effet de la grâce) subsiste, tout entier, capable de se déterminer dans un sens ou dans l’autre. 2. C’est l’effet de la grâce divine que de pouvoir pratiquer la vertu, mais de telle façon que ne soit pas supprimée la puissance du libre arbitre, possibilités arbitrii. 3. (/est l’effet de la munificence divine que de persévérer dans la vertu acquise, mais de telle sorte que la liberté conserve tons ses droits. C. xviii, col. 9 16.

Telle est cette fameuse conférence XIII, où la multiplicité des détails, la finesse même de certaines analyses psychologiques, n’arrivent pas à masquer l’incertitude de la pensée métaphysique. Tiraille entre la crainte de tomber dans le pélagianisme et l’appréhension de ne plus rien laisser à l’homme dans l’affaire de son salut, Cassien ébauche une réfutation de. la première tendance, mais c’est pour se mettre en garde.

tout aussitôt, contre la tendance opposée. Tout accorder à 1 Meu dans l'œuvredu salut, cela lui paraît exclure l’idée que l’homme y est aussi pour quelque chose. D’où sa préoccupation de trouver, ad moins dans ccr

tain cas, une petite part de l’activité salvatrice qui soit entièrement soustraite a l’emprise de Dieu. Cette explication du mode d’action de Dieu dans les âmes est commandée par une pensée sous jacente qui s’exprime assez rarement, que Cassien peut-être ne s’avouait pas complètement à lui-même lorsqu’il rédigeait les Col lationes. Elle va se préciser et s’affirmer à Marseille au contact de la doctrine augustinienne, telle qu’elle s’exprimait dans le De correptione et gratia,

i" Réaction dans le milieu marseillais contre le > De

correptione et gratia. Toute dominée par i ascé

ticisme vigoureux, qui faisait fort large la place aux initiatives et à l’effort continu du libre arbitre, la pensée marseillaise ne pouvi il que réagir contre l’en » seignement augustinien, qui, de prime abord et pour des esprits >n peu simplistes, semblait une doctrine de