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SECRET. UTILISATION POSSIBLE
« lu secret et du tort que causerait la révélation. Un

secret confié oblige plus rigoureusement qu’un secret qui n’est que promis ; celui qui est en même temps naturel et confié lie plus strictement que celui qui n’est que naturel. Il faut aussi conserver les secrets eu égard aux torts qui seraient faits au prochain s’ils étaient révélés. Plus le dommage que produirait la révélation est grave et irréparable, plus important doit Être le motif invoqué pour lever l’obligation de se taire.

Le silence n’est plus de rigueur si on peut raisonnablement présumer que le principal intéressé n’y tient plus lui-même, si la vérité occulte n’est que de minime importance ou si elle a été connue par une autre voie et surtout si elle a été publiquement divulguée. S. Thomas. II a -I I », q. lxx, a. 1, ad 2um. Ces principes de portée générale permettront de mieux apprécier la valeur relative des quatre causes principales qui permettent de révéler un secret à savoir : le bien public, le bien de celui qui a livré le secret, le bien d’un tiers innocent et enfin le bien propre de celui qui a reçu la confidence.

<// Le bien public dont il est ici question est celui de toute collectivité ecclésiastique ou civile. C’est pour le sauvegarder que l’obligation du secret a été introduite dans les us et coutumes ; aussi cesse-t-elle dès que l’intérêt commun exige la révélation. Le salut de l'État n’est-il pas la loi suprême : salus reipublicæ suprema lex. Souvent, en elïet, au péril même de la mort, il importe de garder, par exemple, certains secrets nécessaires à la sécurité de la nation ou de son armée. Toutefois le bien général n’est pas une excuse de valeur absolue ; car le tort qui lui serait causé, si un secret déterminé n'était pas divulgué, est plus ou moins grave, suivant les circonstances. La révélation n’est dès lors permise que si la gravité du dommage qui menace d'être fait au bien commun d’une société est proportionnée à l’importance du secret. C’est là une question de jugement et de prudence.

b) Le bien d’un tiers ou de celui qui a livré le secret. — II est aussi permis de parler, si le fait de garder le secret risque de causer un dommage vel altcrius innocentis, seu ctiam ipsius committentis. S. Alphonse, Theol. mor., I. III, n. 971. La révélation est autorisée en ces circonstances et en d’autres analogues, même s’il y a eu serment, parce qu’elle est postulée par la charité ; il est avéré, en effet, que le sujet qui a livré un secret ne s’oppose pas à ce que celui-ci soit dévoilé, lorsque cclli' indiscrétion n’est en vue que de son bien propre. (".(pendant, remarquons-le, le bien privé passe après le bien public et c’est pourquoi, s’ils entrent tous les deux en conflit, il faut donner la préférence au second, [(/est la raison pour laquelle un secrel confié ratione officii publia ne saurait être manifesté sans faute, même lorsque la révélation est postulée par l’intérêt de l’individu qui s’est confié.] La charité demande également que les dispositions soient prises pour qu’un innocent ne subisse pas de dommage grave, même si le coupable doit en pàtir. Aussi sera-t-il permis de dévoiler un secrel chaque fois qu’il n’y aura pas d’autres moyens d'éviter qu’un tiers ne subisse injustement un tort sérieux.

Toutefois, s’il s’agit d’un secret confié, la révélation n’en sera licite que dans le cas OÙ l’injustice est causée par celui qui a livré le secret et qui, ce faisant, se constitue effectivement injuste agresseur d’un innocent. Si cette hypothèse ne se réalise pas, le secret doit être conservé, sinon il y aurait risque de léser le bien public. Autrement dit, si le dommage qui menace n’est

ni causé, ni permis d’une manière coupable par celui

qui s’est confié, celui qui a été consulté, et qui ainsi se trouve au cinirant. n’a pas le droit de parler, (.'est le cas de l’avocat qui sait, par exemple, que le coupable

.i eie libéré et que l’innocent a été condamné et qui,

malgré cela, est tenu de garder le secret qui lui a été commis, parce que les circonstances sont telles que le châtiment peut être imposé sans que celui qui est effectivement dans le tort ne commette de faute.

Cependant l’avocat peut certainement se départir du silence si le tort est causé par celui qui a livré le secret et qui, sans être l’auteur du tort qui va se produire, le permet d’une façon coupable. La charité exige, en elïet, dans ces cas que le secret soit révélé, pour que le prochain ne subisse pas de dommage, à moins que le bien commun ne s’y oppose. C’est du moins l’opinion de saint Alphonse et des moralistes qui le suivent. Un médecin, par exemple, qui sait qu’un de ses clients, atteint de maladie contagieuse, veut se marier, aurait le droit de dévoiler le secret à la partie qui est dans l’ignorance. Car, dans ce cas et en d’autres analogues, le bien commun n’exige pas la discrétion absolue, vu que le prochain est menacé de dommages graves ; le bien commun demande au contraire que l’innocent soit préféré au coupable, en l’occurrence à celui qui est malade et qui refuse de faire connaître son état à la partie saine. S. Alphonse, op. cit., t. III, n. 971.

Le médecin en question pourrait toutefois se dispenser de parler si son attitude devait lui valoir un tort grave comme la haine de ses concitoyens, une peine publique ou une amende, etc. En de nombreux pays, il est, de fait, interdit à ceux qui ont reçu un secret dans l’exercice de leurs fonctions de le révéler, même quand le bien d’un tiers est en jeu et se trouve directement menacé par celui qui s’est confié. C’est le cas du médecin cpii n’a pas le droit de révéler, même à leurs proches, la maladie contagieuse occulte de ses clients. Ainsi qu’il appert de cette remarque, dont l’importance ne saurait être diminuée, le droit positif a dépassé sur ce point les exigences de la loi naturelle. Il faut tenir compte de cette extension que nos contemporains ont tendance à donner au secret rigoureux. Il y a là une nouvelle et véritable raison de bien commun qui pourra être acceptée par les avocats et médecins catholiques, par exemple, de façon que leurs clients ne recourent pas à eux avec une moindre confiance que lorsqu’ils s’adressent à des non catholiques.

3. Le bien personnel de celui qui a reçu le secret. — Enfin l’obligation de demeurer fidèle au pacte implicite ou explicite cesse, dès qu’elle est contrebalancée parmi dommage grave proportionné à l’importance du secret, sinon les avocats, docteurs et autres, auprès desquels on vient demander conseil, se refuseraient et n’accepteraient pas leur office ; il est supposé en effet que celui qui a reçu le secret n’a pas voulu s’obliger avec un si grand inconvénient. Malgré cela, la solution pratique de certains cas est assez difficile. Titus par exemple, est faussement accusé d’un crime dont il connaît l’auteur, mais par un secret confié ; a t il le droil de dévoiler ce qu’il sait ? Si ('est le délinquant lui-même qui porte l’accusation contre lui et se constitue ainsi son injuste agresseur il n’y a aucun doute sur son droit a pailer. Mais il n’en est plus de même si la calomnie provient d’une autre personne, car le bien de celui qui a confié le secret de sa culpabilité est alors contrebalancé par le bien de celui qui a reçu la confidence. Dans l’impossibilité d’accorder les opinions diverses des auteurs il semble que pratiquement il est permis de divulguer le nom du coupable. Mais la divulgation ne saurait être licite que lorsque celui-ci aura été prévenu de façon qu’il puisse prendre la fuite, s’il le juge utile.

III. Recherche et utilisation m s secri k. — 1° Recherche. - Du fait quc rien n’appartient davantage à l’individu que ses secrets et qu’il a le droit de les

garder, il est illicite d’essayer « le les connaître par la violence, par la ruse ou par tout autre moyen pecca-