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II. Obligation de OABDBR LES SECRETS.

1° Existence de cette obligation. — Pour mieux l’entendre nous distinguerais : 1. celle du secret naturel ; 2. colle du

secret promis et 3. celle du secret confié.

1. Le devoir de garder un secret naturel incombe en justice, car il ne saurait être violé sans causer un tort au prochain dans ses biens de fortune, de corps ou d’à me.

2. (’eltii de conserver le secret promis oblige en justice ou en vertu de la fidélité à la parole donnée. Celui qui a promis peut, en effet, s’être engagé : ou bien simplement à être fidèle à la promesse qu’il a faite de se taire et de confirmer ses paroles par des actes, ou bien s’y être engagé en justice, en manifestant d’une façon explicite ou même simplement implicite que telle est bien sa volonté. Du fait que l’obligation est en relation avec l’intention de celui qui promet, il est avéré dans la seconde hypothèse qu’elle est grave, tandis que dans la première elle n’est que légère. Malgré cela il serait indigne d’un honnête homme de manquer à sa parole.

Si la promesse a été ajoutée à un dépôt secret de sa nature, elle est à considérer comme la confirmation d’un devoir qui existait déjà antérieurement. D’une manière générale elle cesse en même temps que celui-ci, à moins qu’au moment où elle a été faite, elle ne l’ait été avec la volonté de contracter une obligation indépendante de celle qu’imposait la garde du secret.

Ce qui précède permet de mieux se rendre compte de la mesure dans laquelle celui qui a promis expressément de conserver un secret de grande importance est obligé de le garder même au péril de sa vie. Sans doute il serait possible d’arguer que l’obligation ne vaut pas. car en vertu du précepte de la charité, il faut préférer sa propre vie à un bien étranger. Mais, remarquons-le, la promesse en question est valide, car elle est honnête dans l’objet auquel elle a trait et ne vise pas directement la mort de celui qui la fait ; c’est pourquoi l’obligation qu’elle engendre ne semble pas devoir être sérieusement contestée. C’est l’avis de saint Alphonse : non esse licilum alterius vitse propriam poslponere, puta cedendo cibum in penuria… quia ex prircepto caritatis quisque tenetur propriam vilam prsejerre aliénée. Sed cum sit etiam valde probabilis et communior sententia opposita, quod liceal ob honestum fmem. conservai ionem proprix vitæ omitlere, ob alterius vitam servandam… quia hoc non est directe sibi morlem inferre sed vitam non tueri, quod licitum est ob juslam causant… ideo… in casu proprio te salis obligari ad servandum secretum etiam cum discrimine vitse si id promiseris. Theologia moralis, t. III, n. 971.

Cette solution ne vaut pas universellement ; malgré les raisons sur lesquelles elle s’appuie, elle n’est qu’un cas d’espèce. Chacun, en effet, est à envisager en lui-même avec les circonstances en lesquelles il s’est actué, car les mêmes paroles : « Je m’engage au péril de ma vie > peuvent être interprétées en un sens plus ou moins rigoureux ou absolu suivant les personnes qui les prononcent : tout dépend de ce qu’on a voulu dire.

3. Obligation de garder le secret confié.

Le secret confié oblige gravement ex justilia, plus rigoureusement que le secret naturel et promis, car ici, il y a un véritable contrat explicite ou implicite entre celui qui s’est confié et celui qui a reçu la confidence. Aussi ce dernier est-il tenu de garder inviolablement le secret dont il est devenu le dépositaire. Toute violation porterait dommage au prochain et à la société ; le détenteur du secret, en effet, n’a parlé qu’à la condition de ne pas être dévoilé : c’est son droit strict : la société également serait lésée, car le bien commun, qu’elle a pour mission de promouvoir, exige que l’on puisse en toute sûreté, aller demander conseil a ceux qui, ex o/ficio ou à titre spécial, sont aptes à le donner. A supposer que le secret confié puisse être divulgué sans motifs plausibles et

proportionnés, personne n’oserait plus se livrer à un médecin, à un avocat ou à un prêtre, car il y aurait trop de risques à en subir de fâcheuses conséquences, le jour où le secret serait violé.

Il faut garder le silence aussi longtemps que celui qui s’est confié a le droit de l’exiger : il ne l’a plus, si lui-même a été publiquement indiscret, ou si le bien commun le postule.

Cependant les auteurs considèrent comme assez probable qu’il n’y aurait pas une faute grave à dévoiler à une autre personne probe un secret confié, à condition que cette dernière soit tenue au silence et qu’elle n’ait pas le droit de manifester à un tiers ce qu’elle a ainsi appris, et surtout qu’elle ne soit pas celle à qui le secret ne devait pas être révélé, sinon, on irait contre la volonté formelle de celui qui l’a confié et il y aurait matière à péché grave.

L’explication fournie à l’appui de cette thèse, qui permet une divulgation très restreinte, s’appuie sur ce fait que, dans l’hypothèse envisagée, le secret demeure substantiellement sauf. Cette opinion, reconnaissons-le est bien dangereuse : elle est toutefois déjà acceptée par saint Alphonse, qui, dans l’espèce, se montre psychologue peu averti : An autem sit mortale, rem gravem sub secreto commissam uni vel alleri viro probo sub eodem secreto revelare ? Probabiliter negatur… dummodo non delegatur personæ, cui creditur, quod secretunt commitlens specialiler voluerit celari. S. Alphonse, op. cit., }. III, n. 971.

Enfin, avant d’utiliser le secret confié que nous avons dénommé quasi-sacramentel ou de le manifeste ! en public, même pour empêcher un dommage commun, il est de règle d’avertir celui qui a demandé le secret, qu’il doit s’employer de son mieux à écarter lui-même le danger qui menace. S’il refuse, le supérieur ou le directeur de conscience doit agir, en tenant compte de la gravité du mal qui est à craindre d’une part c t d’autre part de l’importance du dommage que risque de causer la rupture de la fidélité à la parole donnée.

Le code pénal français a lui-même déterminé l’obligation qu’il y a à garder le secret confié. A l’article 378, il édicté en effet : « Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sagesfemmes et toutes autres personnes dépositaires pr.r état ou par profession des secrets qu’on leur confie qui. hors les cas où la loi les oblige à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d’un emprisonnement d’un mois à six mois et d’une amende décent francs à cinq cents francs. » La jurisprudence permet de compléter cet article du code pénal. Les notaires sont également compris dans la catégorie de ceux qui doivent, par profession, garder les secrets, mais ils ne sont dispensés de déposer devant la justice criminelle que pour ce qui a trait aux choses qui leur ont été dites sous le sceau du secret dans l’exercice de leur fonction (Cassation, 7 avril 1870). Les avocats ne sont pas obligés de témoigner, quand leurs elépositions risquent de faire connaître les entretiens qu’ils ont eu*avec leurs clients (Cassation, 24 mai 1862). Il en est ele même eles avoués (Cassation, 6 janvier 1855). Quant aux prêtres, ils ne doivent pas être questionnés sur ce qu’ils ont appris en confession. Ils ne sont pas obligés de dévoiler les secrets reçus en dehors de la confession, mais sur la foi de l’inviolabilité de la confidence déterminée par le caractère sacerdotal (Cassation, 4 décem bre 1891). Le secret d’ordre naturel doit donc êtn gardé sérieusement. Toutefois cette obligation n’ei I pas absolue, car diverses causes peuvent non seulemci t la limiter mais la détruire’.

2. Motifs qui dispensent de l’obligation de garder l< secrets. — D’une manière générale l’importance d( motifs eloit être proportionnée à celle même du secret. L’obligation « le garder les dépôts dépend de la nature