Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/111

Cette page n’a pas encore été corrigée
1723
1724
SCOL ASTIQUE P H OT ESTANTE


Unis ; voir P. Gény, op. cit., p. 286-291. Il sullit île rappeler ceux d’Emmanuel Maignan, minime (t L676), dont les théories.à son époque, eurent un rayonnement

assez considérable, d’Honoré Fabri, S. J. († 1088), de Jean-Baptiste Du Hainel († 1706) et surtout du cardinal Tolotnei († 1726), jésuite.

En Allemagne l’influence de Leibniz, par l’intermédiaire de Wolf, fut plus profonde encore : les jésuites Storchenau, Steinacker, Steinmayer — ce dernier surtout — n'échappèrent pas à cette influence. Stattler se lit même, pour réfuter Kant, l’adepte de la philosophie wollienne, ainsi que Zallinger. Par contre, le bénédictin Materne Rcuss († 1798) exalta la philosophie kantienne et demanda même à ses supérieurs l’autorisation d’aller conférer à Kônigsbergavec le célèbre philosophe, pour profiter de ses entretiens avec luil

Dans cette ruine de presque toutes choses qu’a connue la fin du xviii c siècle, on voit ainsi non pas certes une extinction totale, mais un notable déclin de la philosophie scolastique elle-même », conclut P. Gény, n/i. cit., p. 291.

Influence de la scolastique sur la philosophie moderne.

A l’inverse, peut-on noter une influence de la

scolastique sur la philosophie moderne ? La réponse à cette question demanderait une étude détaillée et approfondie de chaque auteur. Il ne peut être question ici que de donner une indication d’ordre général.

La position du problème de la philosophie moderne est semblable à celui de la théologie posttridentine. Pour la haute scolastique, l’homme est dans un courant qui de sa nature est dirigé vers Dieu ; les posttridentins considèrent plutôt l’homme comme en présence de Dieu. De là des problèmes nouveaux.

C’est de ce point de vue qu’on peut noter une certaine similitude entre l’analysis scientisc de Descartes et l’analysis fidei des théologiens posttridentins et notamment de Suarez. Descartes, comme Suarez, cherche la solution du problème à l’aide de la psychologie rationnelle et tous deux pensent atteindre la réalité en partant de la conscience du moi ; tous deux veulent atteindre l’essence, l’un, de l’esprit naturel, l’autre, de l’esprit élevé par la grâce. Pour Descartes, la véracité de Dieu est la garantie de la réalité de nos perceptions. Pour beaucoup de posttridentins, la véracité divine est la garantie de la certitude de la foi. On notera que Descartes est élève des jésuites. Cf. K. Eschweiler, Zwei Wege der neueren Théologie, Augsbourg, 1926, p. 15 sq.

Cette orientation nouvelle s’explique par une réaction contre la philosophie modaliste et nominaliste dont la métaphysique s’accorde mal avec l’orientation scientifique de la fin du xvr 2 siècle. François Bacon est, sinon le promoteur, du moins le eodilieateur de ce mouvement avec son Novum Organum. Occam séparait nettement la théologie de la philosophie, la foi et la raison. Non seulement les vérités révélées, mais toutes celles cpii dépassent l’expérience, l’existence de Dieu, la spiritualité et l’immortalité de l'âme, relèvent de la loi et sont inaccessibles à la raison. La philosophie réaliste » ne réalise que des abstractions. En dehors des notions de notre esprit, la science humaine n’a pas d’objet réel ; elle doit ses principes à la seule expérience et elle consiste à en unir les termes selon les lois de la logique formelle. Les théories d’Occam auraient dû ramener les philosophes « les abstractions scolastiques à l'étude de la réalité. En fait, son nominalisme a donné naissance au formalisme le plus subtil et le plus vide. Cet excès de formalisme devait amener la réaction du mysticisme (Eckart, Tailler, ( îerson I : on ne doit s 'ni Ion lier à la philosophie qu’axée mesure ; la raie connaissance est ci-Ile qui s’appuie sur les expériences intimes des finies pieuses : on linit par savoir quand on a commencé à aimer.

De là, le divorce entre la science et la foi. Au début du xvi c siècle, Pomponace († 1525) déclare accepter, comme chrétien, les dogmes que, comme philosophe, il trouve absurdes. L’impuissance de la raison à connaître la vérité devient un dogme de la philosophie nominaliste à l'époque de sa décadence. Quoi d'étonnant que Descartes ait entrepris la restauration de la certitude sur les bases du cloute méthodique '?

II. SCOLASTIQUE PROTESTANT} :. — Cette étude

générale serait incomplète si l’on n’y signalait quelques tentatives d’expositions scolastiques, aux xvii 1 et xviiie siècles, chez les protestants eux-mêmes.

Luther, en augustinien intransigeant, imbu de philosophie nominaliste. condamnait et rejetait en principe toute connaissance rationnelle et, par conséquent, toute pénétration rationnelle des dogmes. Pour lui. les philosophes ne sont que les amants de la Hure Ycrnunjt. En pratique, la réalisation de ces principes était difficile, sinon impossible : la nécessité d’un exposé rationnel des dogmes et de leur systématisation obligea les premiers disciples de Luther et, dans une certaine mesure, Luther lui-même, à user de la philosophie.

Mélanchthon se servit de VOrganon d’Aristote. en laissant de côté la métaphysique. En France il eut un imitateur en la personne de Pierre de La Rainée (Ramus) († 1572). Si, dans les Animadversiones in Dialeclicam Aristotelis (1531), Rainus attaque la Logique d’Aristote, à laquelle il reproche l’obscurité et la confusion, dans ses Dialecticæ instilutiones (1543), il csMir de substituer à la logique de l'École une logique plus simple, plus claire, dont il emprunte les éléments à Platon, à Cicéron, à Quintilien. La réforme de Ramus porte beaucoup plus sur la forme que sur le fond de la philosophie. On le voit par cette brève indication, les premiers « scolastiques » protestants adoptèrent l’attitude des dialecticiens du xiie siècle.

Mais les controverses christologiques entre luthériens et calvinistes, surtout après la formule de concorde, obligèrent certains auteurs à recourir à la métaphysique pour la fixation des notions de « nature » et de « personne ». A une situation analogue à celle des monophysites des v° et vie siècles correspond une solution analogue. Et ceci impliquait l'élaboration d’une ontologie rationnelle, comme ce fut le cas au m siècle dans la scolastique catholique avec Albert le Grand et Thomas d’Aquin.

Il y eut alors dans le protestantisme deux courants principaux : à Altdorf (Bavière), principalement sous l’influence des aristotéliciens italiens, on recourait à Aristote lui-même, c’est-à-dire à sa métaphysique. Ce fut le cas de Michel Pieeart, dans son Isagoge in lectionem Aristotelis, Nuremberg, 1605, et de Ernest Soner, dans son Commentaire sur la métaphysique (d’Aristote), léna, 1656. Le texte de Rom., i, 18-24, enseignant la possibilité pour la raison humaine de connaître naturellement Dieu, incitait ces auteurs i s’engager dans cette voie.

D’autres auteurs, surtout Influencés par la scolastique du Moyen Age, par Averroës entre autres et par Cajétan d’abord, ont prétendu voir dans Aristote non seulement une théologie naturelle, mais une ontologie. On cite beaucoup le De ente et essentia de saint Thomas, commenté par Cajétan. C’est à l’université de I lelmstedt que s’affirma cette tendance avec Cornélius Martini et Jean Casélius. Ces auteurs accueillent la philosophie, non seulement pour clés raisons théo logiques, mais aussi par intérêt pour la métapln sique elle même et, par là. l'évolution arriva à son point culminant quand les protestants aristotéliciens prirent connaissance des Disputationes melaphysicst de Suarez. Cf. Ernest Lewalter, Spanisch-jesuitische und deutschlutherische Metaphysik des aiII. Jahrhunderts,