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SC II LE GEL — SCHLEIERMACHER


qui est nourri et fortifié par une philosophie amendée ». Conférences philosophiques de Schlegel, éditées par Windisehmann, t. ii, p. 511. C’est en voulant réaliser cet idéal prôné par Schlegel que son élève Gùnthcr est tombé dans le semi-rationalisme. Voir l’article Sf.mi-rationai.ismf.. Pour Schlegel, l'État chrétien doil réaliser la synthèse de l'État absolu et de l'État dynamique en évitant les fautes du premier, qui exagère le principe d’autorité et annihile les droits de l’individu et des corporations, tout comme celles du second qui exagère le principe de la liberté, pulvérise le peuple en atomes et agit contre la nature en instaurant la séparation des pouvoirs.

L’autorité vient de Dieu et a pour but de réaliser la justice divine dans l'État. Le droit doit avoir des attaches historiques et reposer sur l'équité afin de pouvoir contribuer à l'épanouissement de la liberté intellectuelle et morale de l’homme. Pour Schlegel, l’ancien droit germanique correspond mieux à l’idée chrétienne que le droit romain d’inspiration païenne et qui est bâtarde de conceptions byzantines.

L'État reposant sur la famille et la corporation doit avoir une organisation corporative. L'Église ne doit pas se confondre avec l'État ni se séparer de lui. En cas de conflit avec l'État, elle ne doit lui opposer qu’une résistance passive, car une puissance spirituelle comme l'Église ne doit pas recourir aux moyens matériels de défense. Schlegel, Œuvres complètes, t. xii, p. 345.

Dans ses lettres à Mme de Stransky écrites durant la dernière décade de sa vie, Schlegel professe un certain millénarisme. Il est convaincu que les temps de la restauration catholique intégrale sont proches, que le christianisme va triompher et régler la vie publique comme la vie privée. Rosa Feifcl, op. cit., t. i, p. 126 sq.

Les œuvres de Schlegel ont été publiées en 1846, les conférences philosophiques des années 1804 et 1805, non comprises dans l'édition des œuvres, ont été éditées par Windisehmann (2e édition en 1846) ; les lettres à Mme de Stransky ont été publiées par Rottmanner en 2 volumes en 1907 et 1911 ; celles à sa femme furent publiées par H. Finke en 1923.

DenombreusesétudessurSchlegelont été publiées depuis le début du siècle. La nomenclature en est donnée p. 138 sq. du livre de Rosa Feifel cité plus haut. Une étude d’ensemble manque encore.

G. Fritz.

    1. SCHLEIERMACHER##


SCHLEIERMACHER, Frédéric-Daniel-Ernest, théologien protestant, réputé le plus grand de l’Allemagne protestante contemporaine (1708-1834). I. Vie. II. Doctrine (col. 1499). III. Influence (col. 1505).

I. Vie.

La vie de Schleiermacher est inséparable de l’explication de sa doctrine. Celle-ci découle, pour une grande part, de celle-là. Il fut mêlé à tous les grands courants de son pays et de son siècle et il essaya de les résumer tous dans sa théologie. On le considère, avec raison, comme l’ancêtre véritable du modernisme (voir ce mot).

Il naquit le 21 novembre 1708 (non le 21 février, comme il est dit dans l’Encyclopédie [protestante] des sciences religieuses de Lichtenberger). Il est curieux fl 'observer qne la naissance du théologien du sentiment se place à six semaines d’intervalle de celle de Chateaubriand, l’auteur du Génie du christianisme, apologétique sentimentale (I septembre 1708). Schleiermacher était de Brestau. Son père remplissait, dans cet te ville, les fonctions d’aumônier militai re calviniste. Sa mère, née Stubenrauch, appartenait aussi à une famille de ministres. Le grand-père paternel, après avoir exercé le ministère pastoral à Rôndorf, près d’Elberfeld, avait été impliqué dans un procès de sorcellerie et n’avait réussi a sauver sa vie qu’en se réfugianl en territoire hollandais. De cette mésaventure,

le père de Schleiermacher avait gardé un douloureux souvenir. Son âme était rongée de doutes. Il respectait le dogme de son Église et pratiquait son ministère, sans y croire. Puis, ayant retrouve la foi, il s'était rejeté dans le camp opposé en se ralliant à la secte des Frères moraves. Schleiermacher avait dix ans et n’avait fréquenté que l'école de Brestau, quand son père partit à l’occasion de la guerre de Succession de Bavière, avec les troupes de Silésic. La mère resta seule pour s’occuper de ses trois enfants. Elle était, elle aussi, piétiste fervente, dans le style de la communauté de Herrnhut, fondée par le comte Zinzendorf, en 1722. C’est sous l’impression de la piété maternelle que s’est développée la religion de Schleiermacher. Il est remarquable que les Frères moraves, héritiers à la fois du piétisme de Spener et de la religion moralisante des hussites, montraient une certaine indifférence pour le dogme et concentraient les âmes dans l’unique sentiment du salut par le Christ et de l’amour pour le Christ. De cette formation première, Schleiermacher gardera, toute sa vie, l’ineffaçable empreinte. Ses impressions furent renforcées du reste par l'éducation qu’il reçut, à partir de sa quinzième année, au Pâdagogium de Niesky, tenu par les hcrrnhutes. Sa première impression, dans l’atmosphère de piété où il se voyait plongé, fut pleine d’enthousiasme. Ses lettres d’alors en témoignent. En 1785, il fit un pas de plus. Décidé à entrer lui-même dans le ministère, il passa au séminaire de l’Union fraternelle à Barby. Pendant ce temps, sa sœur Charlotte poursuivait sa formation religieuse, dans le dessein de devenir sœur de l’Union, à Gnadenfrei. Mais, pendant que celle-ci s’enfonçait dans le plus pur esprit de la secte, Frédéric, en dépit de ses généreux efforts pour se livrer à la direction exclusive de ses maîtres, traversait, vers la dix-septième année, une crise religieuse redoutable. Il trouvait, au séminaire, la formation littéraire et scientifique insuffisante, la claustration spirituelle trop rigide, l’enseignement théologique trop étroit. Dans une lettre du 21 janvier 1787, il disait longuement à son père ses doutes, ses tourments intimes, son désir de quitter le séminaire. Après un débat dramatique, il fut autorisé à poursuivre ses études à l’université de Halle. Il y fut hébergé par son oncle, le professeur de théologie Stubenrauch, et y mena la vie d’un « véritable herrnhute ». Tout ce qui lui avait manqué à Barby, il le trouvait à l’Université, l’accès aux grands courants de la pensée de son temps. Il se jeta sur les œuvres de Kant, étudia la philosophie grecque, surtout celle d’Aristote, se plongea avec délices dans la lecture de livres d’histoire, de philologie, de philosophie et de théologie, au gré de ses inspirations et de ses attraits. Deux partis s’affrontaient au sein des Églises protestantes d’Allemagne : le rationalisme, représenté à Halle par Semler, et le supranaturalisme. Le premier tendait à ramener la religion chrétienne aux limites de la simple raison, niant la révélation et le miracle et faisant de Jésus un noble et sublime moraliste. Le second s’efforçait de maintenir la transcendance du christianisme en tant que religion révélée. Schleiermacher subit l’influence des deux tendances. Il cherchera plus tard à les réconcilier dans une harmonie supérieure.

Au bout de deux ans (1787-1789), les moyens financiers de sa famille étant épuisés, Frédéric dut quitter Halle. Il fut recueilli par son oncle, qui avait échangé sa chaire contre la cure de Drossen. Le jeune homme continua ses études sous sa direction et passa, en 1790, un premier examen de théologie, à Berlin. Il chercha alors une situation. Le prédicateur de la cour, Sack, qui dirigeait l'Église calviniste de Prusse, lui trouva un préceptorat, a Schlobitten, dans la Prusse orientale, chez les comtes de Donna. Ce fut pour lui un changement radical d’existence. Mon cœur, écrivait-il,