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SCHISME D’OCCIDENT. SES REPERCUSSIONS


puis la déposition des deux papes comme « schématiques, hérétiques notoires, coupables de parjure et de violation de vœu » (5 juin). La vacance du Saint-Siège étant prononcée, restait à le pourvoir d’un nouveau titulaire. Vingt-quatre cardinaux réunis en conclave au palais archiépiscopal promirent, s’ils étaient élus, d’entreprendre aussitôt la réforme de l'Église ; et ils choisirent le cardinal archevêque de Milan, Pierre Philargis de Candie, qui prit le nom d’Alexandre V (26 juin). Voir son article.

Toute cette procédure avait été commandée, non par des considérations d’ordre juridique, mais par la considération pratique de l’intérêt de l'Église. Les autres moyens préconisés pour rétablir l’unité ayant été essayés sans succès, le besoin d’en finir avait fait renaître la vieille idée du recours au concile général, déjà lancée par Urbain VI au début du schisme. Le courage des cardinaux et les efforts désintéressés de la France faillirent procurer, dès la première tentative de réalisation, le résultat escompté.

Alexandre V fut reconnu, non seulement par la France, mais par l’Angleterre, la Hongrie, le Portugal, l’Italie du Nord, Florence et Sienne : en Allemagne même, le roi Wencestas, Henri de Bavière, Frédéric de Tyrol, la plupart des évêques embrassèrent sa cause. Mais les deux papes déposés par le concile de Pise gardaient assez de partisans pour refuser de s’incliner. Benoît avait encore pour lui l’Espagne, son pays d’origine, et l’Ecosse, ennemie de) 'Angleterre ; tandis que Naples, une grande partie de l’Italie centrale et le roi Bobert de Bavière restaient fidèles à Grégoire XII.

Trois papes au lieu de deux se partageaient désormais la chrétienté. Et l’on vit reparaître le recours à la « voie de fait », en faveur, cette fois, du pape ele Pise. Ni les campagnes de Louis d’Anjou dans les États de l'Église, ni la capitulation du château des Doras ne découragèrent les papes de Borne et d’Avignon. Mais Grégoire perdit bientôt, par la mort de Bobert ele Bavière, son plus ferme appui dans l’Empire, et le napolitain Jean XXIII qui venait de succéder à Alexandre V (mai 1410) sut lui enlever en outre le soutien, parfois bien encombrant il est vrai, du roi Ladislas. Le schisme cependant touchait à son terme ; et le mérite incontestable du concile de Pise restera d’avoir rendu possible la solution fournie par celui de Constance.

Le concile de Constance.

L’opposition active du

roi des Bomains, Bobert de Bavière, à l’entreprise des cardinaux de Pise soutenus par la France avait mis l’Allemagne à deux doigts de la guerre civile. Son successeur, Sigismond de Hongrie, élu le 21 juillet 1111, en prenant l’initiative de rendre la paix à l'Église, rallia autour de lui la quasi-unanimité de l’Empire. Il fut assez habile pour faire accepter son intervention par les autres nations et assez courageux pour la mener à bonne fin. Un concile réuni à Borne par Jean XXIII, en 1412, pour réaliser la réforme, conformément aux décisions de Pise, n’aboutit qu'à satisfaire des intérêts particuliers. Celui que Sigismond convoqua et fit convoquer par Jean XXIII à Constance pour le 1 er novembre 1414 se déroula sous le signe du bien général. On en pourra lire ailleurs les péripéties. Voir l’article Constance (Concile de). Bappelons seulement que Jean XXIII fut déposé le 29 mai 1415, que Grégoire XII abdiqua volontairement le 4 juillet et que la déchéance de Benoît XIII réfugié sur le rocher de Peniscola fut prononcée le 26 juillet 1417, après toutes les tractations dont on trouvera le récit sommaire à l’article Pierre de Luna, t.xii, col. 2023 sq.

Le terrain était déblayé, et il avait été convenu qu’aucun des trois anciens prétendants ne pourrait remonter sur le trône de Pierre. Cinquante-trois électeurs entrés en conclave le 8 novembre 1417 se trou vèrent d’accord trois jours plus tard pour élire Odon

Colonna qui devint pape sous le nom de Martin V. Sur la destinée ultérieure de Benoît XIII, et du successeur que l’on prétendit lui donner, voir l’article Pierre de Luna, t.xii, col. 2024.

V. Les répercussions du Grand Schisme.

Les événements dont nous avons retracé les grandes lignes ne pouvaient pas ne pas avoir les répercussions les plus graves dans tous les domaines ele la vie de l'Église. Nous nous contenterons de signaler ici les principales : désorganisation des cadres ecclésiastiques, scission des ordres religieux, désarroi des consciences, accroissement d’influence des puissances séculières dans l'Église, intrusion des universités dans la politique, ébranlement de la notion même de l'Église.

La désorganisation des cadres ecclésiastiques.

La

coexistence de plusieurs papes n’entraîna pas seulement une elualité de collèges cardinalices, mais souvent une double hiérarchie d'évêques et de curés qui se disputaient les charges et les bénéfices. En effet, pour se gagner des adhérents et étendre son influence, chaque pape, non content ele faire des nominations dans les territoires relevant officiellement de son obédience, multipliait les expectatives et les collations dans les pays plus ou moins insoumis. De là d’innombrables et interminables procès intentés devant les curies et les parlements, des luttes locales et des persécutions dont les effets dissolvants, pour être encore peu connus dans le détail, n’en apparaissent pas moins de plus en plus étendus, à mesure que les archives livrent leurs secrets aux chercheurs. Les changements d’attitude de la France à l'égard de Benoît XIII et les passages de certaines régions d’une obédience à l’autre compliquèrent encore des situations déjà bien confuses. On vit des prélats imposés de force ou emprisonnés, des chapitres rétifs, des curés installés par surprise, des ccclésiastiques écartés de leurs fonctions pour leur attachement à tel ou tel pape. Le respect de l’autorité hiérarchique y perdait et la vie diocésaine ou paroissiale s’en trouvait plus ou moins paralysée.

La scission des ordres religieux.

Plus encore,

peut-être, que les diocèses et les paroisses, les ordres religieux furent victimes du schisme. Les bénédictins et les chanoines réguliers, avec leurs abbayes ou leurs couvents autonomes, prirent généralement l’attitude des évêques sur le territoire desquels leurs maisons étaient établies ; mais les grands ordres centralisés perdirent tous l’unité qui faisait leur force. L’abbé de Cîteaux ayant adhéré à Clément VII, Urbain VI le remplaça, pour les cisterciens el’obédience romaine, par un vicaire général et pendant trente ans le chapitre général ele l’ordre ne put se réunir. Urbain opposa de même au prieur ele la Granele Chartreuse, qui était clémentin, un visiteur général, en sorte que tout contact fut rompu entre les couvents qui elépendaient de celuici et la maison mère où se tenait le chapitre annuel. La soustraction d’obédience brisa en outre les liens qui unissaient encore à la Grande Chartreuse les couvents espagnols. Pareille scission se réalisa aussi chez les franciscains, les dominicains, les ermites de Saintvugustin. Parfois, d’ailleurs, la division s'établissait au sein de chaque communauté, où elle entraînait l’expulsion ou l’emprisonnement eles réfractaires. A la faveur ele cette désorganisation, l’indiscipline croissait. tandis que l'œuvre de la réforme, si souvent nécessaire, ne pouvait être entreprise efficacement.

Le désarroi des consciences.

On imagine sans

peine le désarroi dans lequel devaient être plongées beaucoup de consciences, au spectacle de papes, d'évêques et surtout de curés ou de simples prêtres, dressés les uns contre les autres et se lançant l’anathème. Des légats ou des avocats trop zélés s’employaient à semer le trouble dans les âmes de bonne foi, en s’efforçant de détourner les fidèles ele la sou-