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SCHISME D’OCCIDENT. EFFORTS POUR LE RÉDUIRE


mettre en cas de mort de son rival. Des pourparlers eurent lieu à Rome, le 12, entre ses ambassadeurs et les cardinaux, sur lesquels nous sommes mal renseignés. Il semble qu’aux cardinaux exigeant l’abdication pure et simple de Benoît, les évêques de Saint-Pons et de Lérida se soient bornés à offrir de sa part la voie de « convention » et de « déclaration de justice ».

Cette fois encore, les cardinaux romains brusquèrent leur décision et se réunirent en conclave. Avant même que Paris eût été informé du décès de Boniface, ils élurent pour le remplacer le cardinal de Bologne, Côme Megliorato, qui prit le nom d’Innocent VII (17 octobre 1404). Ils avaient cru cependant, pour rassurer leur conscience, devoir reprendre à leur compte le serment prêté par leurs collègues d’Avignon avant l’élection de Benoît, en jurant de ne rien négliger et d’aller au besoin jusqu’à renoncer à la tiare pour procurer l’union. C’était la un incontestable progrès.

Innocent, vieillard doux et pacifique, n’entreprit rien de sérieux durant son court pontificat de deux ans pour mettre fin au schisme. Son premier geste fut d’inviter les ambassadeurs de Benoît qui étaient restés à Florence, à revenir à Rome ; mais il leur refusa ensuite le sauf-conduit nécessaire, sous prétexte qu’ils n’avaient fait aucune proposition nouvelle. Une invitation lancée à ses partisans, en vue d’une réunion où ils lui feraient des propositions pour rendre la paix à l’Église fut ajournée deux fois, et finalement abandonnée. A une ambassade de l’université de Paris, venue pour lui recommander la voie de cession, il se contenta d’opposer de vaines récriminations sur le passé.

14° Benoît marche sur Rome. Nouvelle soustraction d’obédience. - L’inertie d’Innocent ne faisait que stimuler son adversaire, heureux de pouvoir se donner le beau rôle à peu de frais. Quittant sa résidence marseillaise de Saint-Victor, Benoît se fixa d’abord à Nice, puis à Gènes, qui venait d’entrer dans son obédience (16 mai 1405), et offrit de nouveau à Innocent VII de se rencontrer avec lui dans une conférence. Le rejet de ses avances lui fournit l’occasion de reprendre son vieux projet de marcher sur Rome et de réclamer le secours de tous les chrétiens, du roi de France en particulier, pour mettre à la raison « l’intrus » (27 juin).

Sa cause, soutenue par les prédications de saint Vincent Ferrier et par des intrigues politiques, fit d’abord quelques progrès dans l’Italie du Nord, tandis qu’Innocent, chassé par un soulèvement des Romains, se réfugiait à Viterbe. Comme des armées de Pise et de Milan guerroyant en Toscane barraient à Benoît XIII la route du Sud, il songea à emprunter la voie maritime ; mais une peste survenue sur la côte italienne le força à rétrograder progressivement jusqu’à Marseille, son point de départ.

A vrai dire, la France commençait de nouveau à se détacher de Benoît. Le retour à la voie de fait, à la fois coûteuse et inefficace, lui déplaisait. L’Université, lésée dans ses privilèges par les exigences financières du pontife, avait suspendu ses cours pendant deux mois (novembre 1405). F.nfin l’autorité du duc d’Orléans diminuait et sa rivalité de plus en plus aiguë avec Jean sans Peur l’avait empêché déjà de fournir à son protégé tout l’appui que celui-ci en attendait pour sa marche sur Rome. Le cardinal Antoine de Chalan, envoyé à Paris pour stimuler l’ardeur des princes, fut froidement accueilli par la cour et commit la maladresse d’insulter l’Université, ce « nid de brouillons ». Les docteurs se vengèrent en déclarant que Benoît, schismatique opiniâtre, n’avait plus droit à l’obéissance et en déférant au Parlement la lettre par laquelle, quatre ans plus tôt, l’université de Toulouse avait demandé la restitution d’obédience. Pierre Plaoul et Jean Petit obtinrent que la lettre fût livrée au feu

quillet 1406) et leur demande de retour à la soustraction d’obédience fut renvoyée au synode national qui devait se réunir à la Toussaint.

Durant plus de deux mois, les orateurs de l’Université et ceux de Benoît s’affrontèrent devant cette assemblée, qui se prononça pour une demi-mesure : on continuerait d’obéir à Benoît en matière spirituelle, mais on lui refuserait, au temporel, la collation des bénéfices et des dignités (4 janvier 1407). Voir Martène et Durand, Thésaurus novus anecdolorum, t. ii, col. 1307.

15° L’élection de Grégoire XII et les progrès de la « voie de cession ». — Dès les premiers jours du synode de Paris, Innocent VII était mort à Rome (6 novembre 1406), après avoir éconduit dans le courant de l’été une dernière ambassade du roi de Castillc, désireux de lui faire admettre le principe de la double cession. Par une étrange aberration, ce pontife en était venu à se demander même s’il avait le devoir de s’occuper de la question du schisme 1

La vacance du siège offrait une nouvelle occasion de faire pression sur Benoît pour l’amener à abdiquer. Les rois de France et d’Angleterre, l’université de Paris, la ville de Florence souhaitaient voir les cardinaux surseoir à l’élection d’un successeur d’Innocent ; Benoît lui-même offrit à ceux-ci de se rencontrer avec eux. Peine perdue ! La crainte de provoquer des troubles en cas de vacance prolongée et peut-être d’être dupes des manœuvres du pape avignonnais l’emporta : le cardinal de Saint-Marc, Ange Corrario, fut élu sous le nom de Grégoire XII, le 30 novembre 1406.

Mais pour la première fois, au cours de leurs délibérations, les cardinaux avaient abandonné le point de vue du droit strict : non contents de prêter le serment, devenu presque rituel, de se démettre de la papauté si « l’intrus » venait à mourir ou à abdiquer, ils avaient été unanimes à reconnaître que la voie de cession serait le meilleur moyen de réaliser l’union et ils avaient envisagé, pour le cas où elle serait suivie, de se joindre aux « anti-cardinaux » afin que les deux collèges réunis pussent élire un pape qui désormais serait incontesté.

Grégoire XII, qui semblait animé des meilleures intentions, s’empressa de renouveler les promesses qu’il avait faites comme cardinal et de les faire connaître à Benoît : « Ce n’est plus le temps, lui écrivait-il, de discuter sur le droit, mais bien de faire céder le droit devant l’intérêt public. Une vraie mère renonce à ses droits plutôt que de voir couper en deux son enfant. Je vous offre donc de renoncer à la tiare, si vous consentez à faire de même » (12 décembre). Ce langage nouveau autorisait tous les espoirs. La joie fut grande à Rome, en Allemagne, en France surtout, où Gerson salua en termes enthousiastes, dans un discours prononcé devant les princes, la paix qui s’annonçait.

Cette paix, l’assemblée du clergé réunie le 21 janvier 1407 décida de l’obtenir à tout prix : si Benoît refusait la cession, on l’abandonnerait ; et si ses cardinaux refusaient de s’unir en conclave avec ceux de Rome, on s’entendrait avec ces derniers pour l’élection du futur pape.

L’offre de Grégoire ne pouvait qu’être agréable à son rival. Benoît fit mine de l’accepter, mais déclara pour son compte ne vouloir envisager la cession qu’après avoir essayé la voie de discussion (31 janvier 1407). Tout serait-il remis en cause ? La cour de France crut devoir intervenir. Une ambassade où figuraient, à côté de Simon de Cramaud, de Gilles des Champs, de Pierre Plaoul et de Jean Petit, des hommes comme Pierre d’Ailly, Gerson et Guillaume Fillastre, connus pour leur modération, partit pour Marseille, où elle devait obtenir de la part de Benoît l’acceptation pure