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    1. SCHISME BYZANTIN##


SCHISME BYZANTIN. ETAT DU MONACHISME

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l'Église les liens du césaropapisme. Pendant cette période, les monastères se multiplièrent et s’enrichirent. La progression continua de la fin du xv 1 e siècle à Pierre le Grand, mais au xviiie siècle commence le déclin. Le nombre des monastères et des moines est réduit et une partie de leurs biens confisquée. Aux termes du Règlement ecclésiastique, les hommes ne peuvent faire profession qu'à l'âge de trente ans, et les femmes à cinquante ans. Ces prescriptions furent, du reste, modifiées dans la suite.

Le monachisme byzantin se maintint sous la domination turque. Son centre le plus important fut le Mont-Athos. Les Turcs se montrèrent relativement bienveillants pour les caloyers et accordèrent même des privilèges aux monastères, qui furent considérés comme des lieux saints et exemptés d’impôts. Aussi ne peut-on les accuser d’avoir été la cause de la décadence actuelle du monachisme des pays balkaniques. Nous constatons, au contraire, que cette décadence s’est accentuée depuis la constitution des nouveaux États.

Elle tient à de multiples causes, dont quelques-unes ïont fort anciennes. La principale est sans doute le mode de recrutement du personnel monastique. Alors que dans l'Église catholique le choix des candidats à la vie religieuse fait en général, de nos jours, l’objet d’une sérieuse attention et que les conditions d’adir.ission, telles qu’elles sont clairement déterminées par le droit canonique, tendent à constituer une élite, l’Orient dissident ouvre à tout venant les portes de ses monastères. De là un grand nombre de vocations à mobiles inférieurs, de ces vocations d’hiver, comme on les appelle en Occident. Le noviciat qui peut durer indéfiniment, consiste trop souvent à faire l’office de domestique à l'égard du Père spirituel qui veut bien se charger de la formation du nouveau venu. Le r.cmbre des moines-prêtres ou hiéromoines est tout à fait insignifiant et déterminé d’après les besoins du service liturgique. Aussi la grande majorité des religieux sont-ils ignorants et souvent complètement illettrés. La plupart des athonites ne savent ni lire ni écrire. En 1909, Nicon, évêque de Vologda en Russie, dénonçait, dans un congrès monastique, l’ignorance de certains moines, qui étaient incapables de donner la moindre réponse aux cpiestions les pius élémentaires touchant la foi orthodoxe et la vie monastique, et il demandait l'établissement, pour les novices, de cours ou de leçons de catéchisme, ne fût-ce que dans la limite du programme des écoles élémentaires, et pour l’admission à la profession, d’un examen préalable sur ces questions.

Cette ignorance de la masse monastique, à côté d’une élite suffisamment cultivée, paraît avoir été de tout temps la grande plaie du monachisme oriental. C’est sans doute à cette cause qu’il faut rapporter certaines erreurs doctrinales, certaines pratiques bizarres qui ont jeté le discrédit sur l’ascétisme et la mystique des athonites pendant et après la période byzantine. Dès les xie et xiie siècles, nous découvrons chez les moines byzantins des traces non équivoques d’illuminisme et des infiltrations messaliennes. Le grand mystique du xe -xi c siècle, Syméoh le Nouveau Théologien (949-1022), se montre déjà imbu de graves erreurs. Voir articles Palamas (Grégoire) et Controverse palamite, t. xi, col. 1335-1418, et aussi notre article, Les origines de lu méthode d’oraison des hésgchastes, dans les Échos d’Orient, t. xxx, 1931, p. 179185 ; également la Note sur le moine hésychasle Nicéyhore et sa méthode d’oraison, dans Échos d’Orient, t. xxxv, p. 409-412. Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que le procédé hésychaste a continué à faire des dupes dans les milieux monastiques d’Orient. Nicodème l’Hagiorite le décrit encore, quoique d’une manière embarrassée, au seuil du XIXe siècle. Voir son

'Ey/sipiSiov aup^oijvso-nxôv Trspî cpuXooàjç tcov ttsvte oàaévjasojv, 4801, p. 157 sq. Cf. Irénée Hausherr, La méthode d’oraison hési/chaste, dans Orientalia christiana, î. ix, 1927, p. 101-209. Les autorités ecclésiastiques, aux xr' et xiie siècles, essayèrent de réagir et même de sévir contre l’illuminisme et la fausse mystique. Mais au xiv, les hésychastes athonites et leur apologiste Grégoire Palamas, grâce à l’appui de l’usurpateur Jean Cantacuzène, réussirent à imposer officiellement comme un dogme intangible la nouvelle théologie, qui délivrait un brevet d’orthodoxie à l'étrange méthode de contemplation mystique.

En dehors de l’ignorance et des erreurs qu’elle a engendrées, en dehors des abus introduits par l’idiorrythmie, le monachisme gréco-russe, surtout dans la période moderne et contemporaine, présente d’autres tares, que la presse ecclésiastique des Églises autocéphales est la première à dévoiler. En 1897, le métropolite d’Athènes Procopios disait en pleine séance du Synode que les monastères grecs ne servaient qu'à L’engraissement de leurs habitants. Cf. Echos d’Orient, t. î, p. 124. En 1918, un autre métropolite d’Athènes. Mélétios Métaxakis, ne parlait pas en termes plus flatteurs des moines grecs dans son discours d’intronisation. Il déclarait qu’ils ne représentaient plus la perfection chrétienne et qu’il fallait les ramener à la pratique des règles monastiques. Echos d’Orient. t. xviii, p. 411-412. On élevait des plaintes semblables contre les moines serbes du patriarcat de Carlovitz d’avant-guerre. On écrivait d’eux qu’ils ne répondaient pas à leur destination et que leur conduite présentait un spectacle anormal et affligeant. A. -P. Lopoukhine, Histoire de l'Église chrétienne au XIXe siècle, t. ii, Pétersbourg, 1901, p. 131-132. Quant aux moines russes, ils étaient fort malmenés par la presse ecclésiastique de leur pays dans les dernières années cpii ont précédé la persécution bolchéviste. On leur reprochait leur inutilité sociale et religieuse, leur paresse, leur ignorance, leur ivrognerie, et des anecdotes plus ou moins scabreuses couraient sur leur compte. Les autorités ecclésiastiques ne regardèrent point ces amères critiques comme des calomnies, et un congrès monastique se tint, en juillet 1909, dans la laure Saint-Serge de Moscou avec l’approbation du Saint-Synode, dans le but d’aviser à une réforme générale des monastères. Un vaste programme comprenant vingt-deux articles fut soumis aux délibérations des congressistes. Sa lecture en disait long sur l'état du monachisme russe. On se demandait, par exemple, s’il ne convenait pas de supprimer totalement dans les monastères le chant en parties, pour éviter d’avoir des enfants dans les chœurs et d’attirer, sous prétexte d'études de chant, des novices gyrovagues presque tous ivrognes et indisciplinés ; si l’on ne devait pas, pour préserver le monachisme du scandale de l’ivrognerie et des vices qui en découlent, introduire dans la profession religieuse le vœu de s’abstenir de toute boisson alcoolique. On signalait comme un point particulièrement défectueux de la vie des monastères le cas des moines scandaleux qui n’acceptaient plus de la discipline monastique que le minimum indispensable pour pouvoir rester dans le couvent et y jouir du vivre et du couvert, et l’on se demandait ce qu’il était possible de faire pour éloigner des monastères d’hommes le personnel féminin (filles de ferme, blanchisseuses, etc.), et des monastères de femmes le personnel masculin (gardiens, portiers, hommes de service, etc.). Cf. Échos d’Orient, t. xiii, 1910, p. 239240.

La décadence actuelle du monachisme gréco-russe s’accuse aussi d’une manière tangible par la diminution progressive du nombre des moines. Quelques données statistiques en fourniront la preuve. En 1910,