Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/737

Cette page n’a pas encore été corrigée

I 159

    1. SCHISME BYZANTIN##


SCHISME BYZANTIN. ÉTAT DU MONACHISME

1460

(haines du mariage. Mais qu’un jeune pope, déjà chargé de famille, devienne veuf. la même Église lui interdit de convoler en secondes noces. C’est le mettre dans une 'situation bien dure. Quoi d'étonnant que trop de victimes d’une législation inconséquente se laissent aller à des écarts de conduite ou au vice répugnant de l’ivrognerie. On a beaucoup parlé en Occident de l’ivrognerie des popes russes. Ils méritent plus la pitié que le blâme..Mais le résultat est lamentable.

iv. ÉTAT DU MONACBISME. — L’Orient, qui fut le berceau du monachisme, en a été aussi pendant longtemps la terre de choix. Durement persécutés par les empereurs iconoclastes, les moines byzantins sortirent victorieux de la lutte. Du ixe au xve siècle, l’empire fut couvert de monastères, et l’influence de leurs habitants fut considérable dans l'État comme dans l'Église. Durant cette période, la vie religieuse passa par bien des vicissitudes, connut bien des abus, parmi lesquels il faut signaler le charisticariat ou commende, eut à subir bien des épreuves et parfois de véritables persécutions. Il ne saurait être question ici de tracer, même en raccourci, l’histoire de ce monachisme. Qu’il nous suffise de dire qu’il a gardé les formes du passé non seulement jusqu'à la fin de la période byzantine mais aussi jusqu'à nos jours. Dans ce domaine comme dans les autres, l’Orient dissident n’a point innové, n’a point renouvelé ses cadres, n’a point progressé. C’est dire que ce monachisme diffère grandement du monachisme occidental. Non seulement chaque monastère est indépendant, mais on peut dire aussi, spécialement pendant la période byzantine, que chacun a sa règle et ses constitutions particulières fixées par la charte de fondation ou tgpicon. Évidemment on trouve dans tous les typica un fond commun d’usages et de pratiques emprunté aux règles du cénobitisme primitif, mais les particularités ne manquent pas. Peu à peu même, beaucoup de monastères s'éloignent de la conception cénobitique proprement dite. Une grave dérogation au vœu de pauvreté s’introduit. Non seulement le pécule est toléré, mais sous le nom d’idiorri/thmie c’est une manière nouvelle de mener la vie de communauté qui passe en usage et supprime pratiquement le vœu.

Le monastère idiorrythme groupe un ensemble de petites communautés de six, huit religieux et plus, ayant chacune leur supérieur particulier. La réunion des supérieurs particuliers constitue le Conseil du monastère. Chaque petit groupe a sa vie propre, possède sa cuisine, son réfectoire, une partie ou une dépendance du couvent. Le régime dépend du supérieur particulier ou proestos, de ses ressources ou de sa générosité, des ressources ou de la générosité de chacun des membres de cette petite famille ; car chacun conserve la propriété de ce qu’il gagne par son travail ou son industrie et peut en user et en disposer à sa guise. Le monastère se contente de fournir à chaque moine une quantité déterminée de pain, de viii, d’huile, de légumes, de bois de chauffage, quelquefois même une petite somme d’argent. A chaque groupe de fournir le surplus et de s’organiser matériellement comme il l’entend. Dans le monastère idiorrythme, la loi de l’abstinence perpétuelle n’existe pas. On peut y manger de la viande, lorsque le calendrier commun de l'Église orthodoxe le permet. L’ensemble des moines n’est groupé qu'à l'église pour la célébration des offices liturgiques. Des réunions communes au réfectoire ont lieu, en général, à quelques grandes fêtes, comme à Noël, à Pâques, à la tête patronale du monastère.

Au monastère idiorrythme s’oppose le monastère cénobitique proprement dit, OÙ l’on mène la vie commune et où l’on observe le vœu de pauvreté comme

dans nos couvents catholiques. On voit que l’idiorrythmie représente une forme décadente de la vie religieuse, qui n’est pas sans analogie avec ce que lut aux vin et ix f siècles celle de nos chanoines réguliers. Elle régna en maîtresse à l’Athos, du xve siècle jusqu’au début du xix p. En 1914, sur les vingt monastères de la Sainte-Montagne, neuf la pratiquaient encore. En Russie le nombre des couvents idiorrythmes l’emportait de beaucoup sur les autres. Inutile de dire que par son essence même l’idiorrythmie comporte beaucoup de variétés.

La vie érémitique sous les formes les plus originales et quelquefois les plus bizarres a toujours eu des adeptes dans l’Orient dissident et spécialement en Russie. Les ermites russes ont rivalisé pour les exploits ascétiques avec les moines syriens d’autrefois. On trouve parmi eux des reclus (zatvorniki) s’enfermant pour de longues années dans quelque étroit réduit, une cave, une tannière, le creux d’un arbre ; des silentiaires (moltchalniki) se condamnant à un silence absolu pour plusieurs mois ou plusieurs années ; de » fous dans le Christ (iourodivyé), simulant plus ou moins la folie et recherchant les opprobres et les avanies, se livrant parfois à des excentricités que réprouve la pudeur ; des sti/lites (slolpniki) passant une bonne partie de la journée ou de la nuit debout ou agenouillés sur une pierre plate au milieu d’une forêt épaisse ou à l’intérieur d’une colonne bâtie en brique.

Entre les cénobites de tout genre et les ermites proprement dits se place la catégorie des hési/chastes ou récollets adonnés à la vie contemplative, vivant en ermites dans les environs d’un monastère et venant participer aux offices communs, le samedi et le dimanche. Le Mont-Athos eut toujours un petit nombre d’hésychastes. Ils firent beaucoup parler d’eux au xive siècle, comme nous le dirons tout à l’heure. Ils sont fort rares de nos jours.

Qu’il soit ermite, cénobite ou hésychaste, le moine oriental est uniquement tourné vers la vie ascétique et contemplative. Ce qu’il poursuit, c’est sa sanctifi cation personnelle. A part quelques rares exceptions, il ne s’occupe pas directement d’apostolat. Cela ne veut point dire que les moines n’aient eu un rôle social important. Eu Russie, par exemple, leur influence civilisatrice fut considérable, et l’on a pu écrire sans trop d’exagération que les couvents ont eu, en ce pays, dans la formation de la nation et de la culture russes, un rôle analogue à celui des moines de saint Benoît ou de saint Colomban dans l’Europe catholique. Convertissant les tribus barbares et défrichant les landes ou les forêts, ils ont attiré sur leurs pas les colons russes au fond des solitudes du Nord et de l’Est. Plus d’une ville a eu pour noyau un monastère. Plus d’une foire longtemps célèbre a commencé aux portes d’un couvent. Ainsi la foire de Makarief, transportée plus tard à Nizni-Novgorod. En Russie aussi, les cloîtres furent l’asile des lettres apportées de Byzance par les moines de l’Athos. Ce fut I’athonite Antoine qui fonda le célèbre couvent des Grottes de Kiev (Peëerskaïa Lavra), où les premiers annalistes russes écrivirent leurs chroniques et ce fut son disciple Théoclose († 1074) qui figura le premier, après les princes Boris et Gleb, sur le calendrier spécial de l'Église russe. « S’il est un pays qui ait été fait par les moines, c’est la Russie », écrit Anatole Leroy-Beaulieu, L’empire des tsars et les Russes, t. m. Paris, 1889, p. 229. Si leur action sociale pour la qualité et la fécondité resta bien au-dessous de celle du monachisme catholique, elle fut réelle, et elle frappe d’autant plus le regard de l’historien que tout autour c’est le désert. Chose curieuse, la domination mongole (1237-1480) n’entrava en rien et favorisa plutôt le développement du. monachisme russe, toul comme elle desserra pour