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SCHISME BYZANTIN. RAPPORTS AVEC L’ÉTAT


gieux et qu’en cas de conflit, les lois civiles doivent céder aux canons.

C’est ainsi qu’à la dernière session du VIIIe concile œcuménique (870), Basile le Macédonien exposa une théorie tout à l’ait orthodoxe des relations de l’Église et de l’État, reconnaissant que les laïcs n’ont pas à se mêler des causes ecclésiastiques, à faire opposition au concile œcuménique, mais à obéir comme des brebis aux patriarches et aux pontifes, qui ont reçu le pouvoir de lier et de délier. Mansi, Concil., t. xvi, col. 188, 107. Le même, dans le recueil législatif intitulé Épanagogè compare l’union de l’Église et de l’État à l’union de la forme et de la matière, de l’àme et du corps. L’empire est comme un grand corps animé dont les principaux membres sont l’empereur et le patriarche, deux égaux, de l’entente desquels dépendent la paix cl le bonheur des sujets. En vertu de cette compénétration mutuelle des deux pouvoirs, l’Église fait sienne les lois civiles et, à son tour, l’empereur donne force de loi aux saints canons. Êpanagogè, éd. C.-E. Zacharise von Lingenthal, Jus græco-romanum, Leipzig, 1852, p. 65 sq. Il est entendu que les lois contraires aux canons sont sans effet : Nomocanon des xiv litres, tit. i, c. ii, P. G., t. civ, col. 450. Malheureusement, dans la pratique, les empereurs, et Basile le Macédonien tout le premier, ne se conformèrent guère à ces principes. Son fils. Léon le Sage, dans sa VIIe novelle, pratique une brèche dans la thèse que les canons doivent avoir le pas sur les lois : si, mise en parallèle avec le canon, la loi paraît mieux s’adapter à la réalité, il faut donner la préférence à la loi, et c’est ce que lui, Léon, n’hésite pas à faire. Et voilà que s’évanouit la primauté de la loi ecclésiastique sur la loi civile, de l’Église sur l’État. Nous arrivons à la théorie de l’égalité des deux pouvoirs, qui ne se maintient déjà plus dans les limites de la parfaite orthodoxie. C’est cette théorie de l’égalité qu’exprime fort bien, encore au xir siècle, l’empereur Jean Comnène (1118-11 13) dans une lettre au pape Honorius II sur l’union des Églises. La distinction des deux pouvoirs y est fort bien marquée. Ils sont représentés par les deux glaives dont le prince des apôtres dit, dans l’Évangile, qu’ils sont suflisants. Cf. A. Theiner et F. Miklosich, Monumenta spectanlia ad unionem Ecclesiarum, Vienne. 1872, p. 4-6.

Mais le diacre Agapet trouva des disciples parmi les théologiens et les canonistes byzantins du Moyen Age. Au témoignage de Balsamon, ils n’étaient pas rares ceux qui posaient en principe que l’empereur était au-dessus de toute loi ecclésiastique ou civile et qu’il pouvait organiser à son gré diocèses et métropoles, permettre à un évêque d’exercer les fonctions épiscopales dans un diocèse qui n’était pas le sien malgré l’opposition de l’Ordinaire du lieu. In canonem XVI Carthag., P. G., t. cxxxviii, col. 93 B. Balsamon lui-même se range à cette opinion et déclare, avec les légistes de son époque, que le pouvoir impérial peut tout se permettre : rj pac ?i, XiX7] èÇouoîa n&vvx SùvaToa ttoieîv. D’après lui, l’empereur l’emporte sur le patriarche en ceci qu’il a charge à la fois des corps et des âmes, tandis que le patriarche a charge des âmes seulement : twv |i, èv aÙTO/CpocTÔpwv rj àpcoyv] Tipôç çw-T’. a[i.àv xai <rùaTaai.v éra : xTsîv£Tai ^u%7Jç as xai aa>p-a-roç, to 8s fj.£yaXeîov twv racrpiap/cov sic [jlovtjv tyyyj.)d)v èaTevoxGJpvjToa Xua’.xÉXsiav. Meditata sive Responsa de palriarcharum privilegiis, P. G., t. cxxxviii, col. 1017 D. Au xiiie siècle, le canoniste Démétrius Chomaténus accorde aussi au basileus la suprême juridiction sur l’Église et les affaires ecclésiastiques. Il lui décerne le titre ù’epistémonarque de l’Église, c’est-à-dire de docteur suprême, de chef de la foi et de la discipline de l’Église. L’empereur, dit ii, préside aux svnodes et sanctionne leurs décrets. Il réunit en

sa personne tous les privilèges du souverain pontificat, à l’exception du pouvoir d’ordre : TzKrpj jxôvou toù îepoupystv, xà Xotrox àp^epa-uxà 7Tpovô|iia aaçcoç eIxovîÇei 6 paaiXsùç. Responsa ad Constantinum Cabasilam, dans Leunclavius, Jus græco-romanum, t. V, p. 317. Macaire, métropolite d’Ancyre au début du xve siècle, renchérit encore sur Démétrius, dont il répète les expressions, et va jusqu’à dire que Jésus-Christ a remis son Église entre les mains du basileus : xai TaÙT7)v 8k aÙTÔi toù XpiaToO TrapaÔEtiÉvou. Kacxà ciffe twv Aaxîvcov xaxo80 :  ; [aç, éd. de Dosithée dans le Tôfxoç xaTaXXayîjç, Iassꝟ. 1692, p. 194-195. Pour ce qui rogarde le concile œcuménique en particulier, Macaire attribue à l’empereur toutes les prérogatives que les théologiens catholiques reconnaissent au pape, qu’il s’agisse de la convocation, de la présidence, de la direction des débats, de la confirmation. Ibid., p. 187-195.

Contre la doctrine du césaropapisme, bien peu de théologiens byzantins osèrent prendre la défense, de la liberté de l’Église. Le césaropapisme, en effet, était dans la pratique courante. Un contemporain de Macaire d’Ancyre, Syniéon de Thessalonique, ne pouvant nier le fait, cherche du moins à sauvegarder le droit. Après s’être élevé contre les adulateurs du pouvoir impérial) après avoir blâmé les promotions et les translations d’évêques faites par le basileus et trouvé intolérable que l’évêque nouvellement ordonné aille humblement lui baiser la main, il déclare que, sans doute, l’empereur participe à l’élection et à la proclamation du patriarche, mais qu’il ne le fait point de sa propre autorité : c’est un privilège que l’Église lui a concédé, et il n’agit, en la circonstance, que comme son serviteur et son délégué : è^u71/)petou (jLÉvo’j fiôvov toù patriXÉcoç, sùasêoùç ovtoç. De sacris ordinutionibus, c. c.xxvi-cxxxi, P. G., t. clv, col. 432-433, 440.

Théologiens et canonistes russes.

Dans la

période moderne, c’est surtout dans l’Église qui a le plus durement soufïert du césaropapisme, c’est-à-dire dans l’Église russe, que nous trouvons les partisans les plus nombreux, les plus résolus et les plus orthodoxes de l’indépendance de l’Eglise. Leur chef de file est le patriarche de Moscou, Nicon (1652-1666). Dès le début de son pontificat, il affirma son dessein de libérer l’Église du JOUg de César. Il n’accepta, en elïet, la charge patriarcale qu’après avoir obtenu du tsar, des boiars, des éveques et de la masse des fidèles la promesse jurée qu’ils observeraient les dogmes et les préceptes évangéliques, les canons des apôtres et des Pères, les lois des pieux empereurs et qu’ils lui obéiraient en tout, à lui Nicon, comme à leur supérieur, pasteur et père. C’est qu’il avait sur les relations de l’Église et de l’État une doctrine bien arrêtée. Pour lui, l’Église et l’État sont deux sociétés parfaites, indépendantes l’une de l’autre dans leur sphère respective ; mais, tandis que l’empereur n’a absolument aucun pouvoir sur les affaires ecclésiastiques, le patriarche peut avoir à s’immiscer dans les affaires séculières d’une manière indirecte à cause de leur relation avec la religion et le salut des âmes. Absolument parlant, le sacerdoce l’emporte sur l’empire comme l’âme sur le corps, comme le soleil sur la lune. Pour un plus ample exposé de la doctrine de Nicon. voir l’article Nicon, t. xi, col. 651-654. Les conséquences de cette doctrine, le patriarche moscovite voulut les faire passer dans le domaine des faits. C’est alors qu’il se heurta à l’opposition irréductible du tsar Alexis Mikhaïloviô. Celui-ci, pour se débarrasser de ce rival importun, eut recours aux patriarches d’Orient et leur posa vingt-cinq questions sur le cas de Nicon. La réponse des Orientaux fut obscure et embarrassée. Ces prélats avaient à ménager le tsar,