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SCHISME BYZANTIN. RAPPORTS AVEC L’ETAT


raine, ou du cours ordinaire des choses, lorsque les délibérations du Sénat, du Saint-Synode ou des autres ministères en démontrent la nécessité, qu’il s’agisse d’expliquer et de compléter une loi existante, ou d'élaborer un nouvel article. Dans ce cas, les diverses autorités subalternes soumettent leurs projets au jugement suprême de Sa Majesté suivant le protocole établi. » Les lois fondamentales impériales, t. I, § 45 et 49. C’est dire que toutes les décisions du SaintSynode dirigeant portent l’estampille impériale. Ce sont des oukazes impériaux, au même titre que les décrets sortis des autres ministères. C’est par oukaze que les saints sont canonisés, que sont données les dispenses concernant les jeûnes, les causes matrimoniales, etc. ; que sont délivrées aux évêquës les permissions de s’absenter de leurs diocèses et de voyager. Si le pouvoir autocratique ne se mêle pas directement des procès ecclésiastiques ordinaires, il reste toujours le tribunal de suprême instance auquel peuvent être déférées toutes les causes ecclésiastiques et la source suprême du droit dans les cas exceptionnels. Bref, dit le canoniste Souvorov, le pouvoir de l’empereur sur l'Église russe s'étend à tout ce qui, dans le droit canon de l'Église catholique, est du ressort du pouvoir de juridiction. Manuel de droit ecclésiastique, 4e éd., p. 216, 298. Ajoutons que le Synode étant un ministère du tsar comme un autre, n’a pas le droit d’entretenir des relations par lettres ou autrement avec qui que ce soit, individu ou collectivité, soit en Russie, soit au dehors, sans y être dûment autorisé. Les relations avec les autres Églises autocéphales ne sont pas exceptées de cette règle. Aussi, avant l’avènement du bolchévisme, l'Église russe ne pouvait communiquer avec les autres Églises que par l’intermédiaire du ministère des Affaires étrangères et de ses représentants à l'étranger.

Cette opposition aux droits de l'Église et aux anciens canons se révèle encore dans plusieurs détails de l’institution, de la composition et du fonctionnement du Saint-Synode dirigeant. Tout d’abord, l'Église russe prise dans son ensemble ne fut pour rien dans l'élaboration du fameux règlement. On ne la consulta pas ; et quand il s’agit d’obtenir la signature des évêques et des archimandrites, on ne les réunit point en synode ; on ne leur permit point de délibérer en commun ; mais on les appela un à un, non sans user de contrainte au moins morale pour les faire souscrire. Cf. J. Bois, Le règlement ecclésiastique de Pierre le Grand, dans les Échos d’Orient, t. vu. 1904, p. 153-151. Par ailleurs, le clergé russe ne fut pas appelé à sanctionner les trois appendices au Règlement ecclésiastique publiés dans le courant de l’année 1722, qui aggravaient dans une forte mesure la servitude de l'Église. Ces appendices traitent respectivement des mœurs du clergé, des moines et des fonctions du haut-procureur du Synode.

Anticanonique dans son origine, le Synode le fut aussi dans sa composition première. Il comprenait, en effet, cinq évêques, quatre archimandrites, deux higoumènes, un moine-prêtre, deux archiprêtres et deux autres clercs. Les évêques se trouvaient ainsi être la minorité. Après Lierre le Grand, le nombre et la qualité des membres de ce synode a, du reste, varié bien des fois. En 1763. Catherine II fixa le nombre à six : trois métropolites, deux archimandrites, un archiprètre. A partir de 1819, il y a toujours eu un minimum de sept membres, c’est-à-dire quatre évêques et trois archimandrites ou archiprêtres. parmi lesquels l’aumônier du tsar et le grand aumônier de l’armée et fie la marine. Sous le règne d’Alexandre III (1881-1894). le Saint-Synode fut. par exception, composé uniquement d'évêques. Inutile de dire que tous les membres sans exception furent toujours nommes directement par l’empereur sans aucune participation

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

du clergé russe. Avant d’entrer en charge chacun d’eux devait lire une formule de serment où se trouvait le passage suivant : « Je confesse, avec serment, que le juge suprême de ce collège ecclésiastique est le monarque lui-même de toutes les Russies, notre très gracieux souverain… »

Ce titre de juge suprême du synode fut supprimé en 1901, mais rien ne fut changé dans la réalité, car on ne supprima pas « l'œil du tsar », c’est-à-dire le. fonctionnaire laïque — ce fut la plupart du temps un militaire — qu’on nommait VOber-procouror du Synode et qui en était le véritable président au nom de l’empereur. Il assistait à toutes les séances, proposait et déterminait la matière des délibérations, quand il ne présentait pas, déjà toutes préparées et rédigées par la chancellerie synodale, qui travaillait sous sa surveillance, les décisions que les membres du Synode n’avaient plus qu'à signer. Ce cas, paraît-il n'était pas rare, comme l’atteste un ancien membre du Synode, l'évêque Nicodème Ivanovié dans un Mémoire écrit en 1874 et publié en 1905 dans le Rogoslooskij Vèstnik, organe de l’académie ecclésiastique de Moscou, t. iii, p. 7. Le même Ober-procouror faisait l’office de surveillant et de moniteur des membres du Synode et assurait l’exécution des décrets.

Telle est l’institution que le patriarche œcuménique Jérémie JII et ses collègues d’Orient approuvèrent en 1723 et à laquelle ils reconnurent les mêmes droits qu'à l’ancien patriarcat moscovite supprimé. Cette approbation. Lierre le Grand l’avait sollicitée par une lettre qu’apportèrent aux destinataires des ambassadeurs laïcs et dans laquelle Jérémie était traité de « premier pasteur de l'Église catholique orthodoxe et de père spirituel du tsar, tôv npû-rov oc'.>tt)ç tîjç ôpGoSôÇou xa60Àt, xr, ç 'ExxXvjaîaç àpyoroiL/iva xal xoevà 7tv£.ùji.'X r, |jLÔL)v TiaTÉpa ». Mansi-l’etit, Concilia, t. xxxvii, col. 99-102. La ratification fut donnée à la légère : les patriarches n’avaient qu’une idée assez confuse du changement radical apporté par le tsar dans le gouvernement de l'Église russe. On ne leur avait pas transmis, en effet, le texte du Règlement ecclésiastique, ni la formule du serment des membres du Synode, ni les trois appendices signalés plus haut. Cette ignorance excuse en partie leur conduite. Elle ne la justifie pas ; encore moins suffit-elle à rendre canonique ce qui est de soi essentiellement anticanonique.

Dans les autocéphalies récentes.

Comparé au

césaropapisme byzantin et au césaropapisme de Lierre le Grand, le régime des relations entre l'Église et l'État dans les autocéphalies plus récentes et spécialement dans les trois Églises les plus importantes. Église hellénique. Église serbe, Église roumaine, dénote une certaine atténuation de l’asservissement de l’Eglise. Mais l'État conserve toujours la juridiction souveraine au for externe et sur ce qui regarde l’administration des biens ecclésiastiques.

1. Église hellénique.

La constitution dont fut dotée l'Église hellénique au début de son existence en 1833 et qui subit de légères retouches en 1852 rappelait par plusieurs de ses dispositions le Règlement ecclésiastique de Pierre le Grand. L’article 1 déclarait le roi de Grèce, chef de l'Église du royaume sous le rapport administratif, xa-à to 810ua]TMOv [iépoç r/o’jaa àp/r ; --ov tov PocaiXéa ttjç 'EXXxSoç. Cf. Mansil’etit, Concil., t. xl, col. 203-204 et dans l’article 2 la suprême autorité ecclésiastique, à savoir le SaintSynode de l’Eglise de Grèce, lui était expressément subordonnée, mb tyjv toG pacnXécoç xupixpyEav. On supprima, il est vrai, ces deux passages dans le statut revisé de 1852. mais cela ne diminua en rien la souveraineté de l'État sur l'Église, qui se traduisait par des dispositions dans le genre de celles-ci : nomination de tous les évêques par le roi sur les trois noms présentés

T. — XIV. — 46.