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    1. SCHISME BYZANTIN##


SCHISME BYZANTIN. « APPORTS AVEC L'ÉTAT

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insi. de quelque côté qu’on retourne le problème, il apparaît insoluble et la réalité éclate à tous les yeux : l'Église gréco-russe est dans l’impuissance radicale de réunir un nouveau concile œcuménique. Elle est, en fait, privée de tout magistère infaillible. De tous les résultats du schisme byzantin au point de vue ecclésiologique celui là est sans doute le plus grave. C’est cependant celui qui a été le moins aperçu jusqu’ici par les théologiens occidentaux.

IV. Le schisme byzantin et l’indépendance de l'Église. — Parmi les propriétés fondamentales de l'Église, il faut placer sa parfaite indépendance vis-àvis de l'État pour tout ce qui regarde la poursuite de sa fin propre, qui est la sanctification et le salut éternel des hommes selon la doctrine et les préceptes de Jésus-Christ, son divin fondateur. Le Christ a donné pour mission à la société religieuse qu’il a fondée de continuer son œuvre de sanctification et de salut jusqu'à la fin des temps. Dans l’exercice de cette mission, l'Église est pleinement autonome. Elle constitue donc une société parfaite dans les limites de son mandat divin et elle a droit à tout ce qui lui est nécessaire pour l’accomplir. Le Christ ne lui a pas conféré un pouvoir direct sur l'État et les choses qui sont directement de son ressort, c’est-à-dire les choses temporelles ; mais indirectement, à cause de la connexion étroite qu’une affaire temporelle peut avoiravec la fin propre de l'Église, c’est-à-dire avec la sanctification et le salut éternel des âmes, il peut arriver que l'Église ait à dire son mot, et un mot autoritaire et décisif, dans cette affaire. C’est ce qu’on a appelé le pouvoir indirect de l'Église sur le temporel. Ce pouvoir découle de la subordination des lins.

Tels sont les principes. On sait que les choses ne se liassent malheureusement pas toujours de la sorte. L'Église doit lutter continuellement pour son indépendance et n’arrive pas toujours et partout à faire respecter ses droits, n’ayant pas eu toujours la force matérielle à son service. Le plus souvent, elle doit transiger par amour de la paix et pour éviter un plus grand mal par des accords avec la puissance temporelle, quand le droit divin n’est pas directement en jeu. Nous avons vii, en parlant des causes du schisme byzantin, le mal dont a souffert l'Église orientale à partir de la conversion de Constantin. L’empereur a voulu exercer une autorité souveraine sur les affaires ecclésiastiques. Tant que dura l’union de l'Église byzantine avec l'évoque de Rome, successeur de Pierre comme primat de l'Église universelle, le césaropapisme fut contenu dans certaines limites, l'Église orientale eut un recours contre les abus de pouvoir du souverain, et plusieurs fois celui-ci dut s’incliner devant l’autorité souveraine du pape. Il lui arriva même d’en appeler à cette autorité de son propre mouvement pour rétablir la paix dans une Église divisée par sa propre faute. Mais une fois que le schisme fut consommé, aucun obstacle ne s’opposa plus à l’omnipotence de l’empereur — disons de l'État en général — sur l'Église et ce qui la regarde. Le pouvoir suprême de juridiction que n’exerça plus le pape fut exercé par le souverain. Ce n’est que dans ces dernières années que l'Église russe a commencé à goûter du régime de la séparation totale et de l’ignorance réciproque, qui, en Russie, a été le régime de la persécution de l'Église par l'État, et ailleurs celui du schisme et des divisions intestines.

Il ne peut s’agir d’esquisser ici, même en raccourci, l’histoire des relations de chacune des Églises autocéphales avec le pouvoir civil. Nous nous bornerons : 1° à donner une vue générale de ces relations dans ce qu’elles présentent de commun, spécialement dans l'état présent ; 2° à signaler quelques détails typiques <u césaropapisme byzantin et turc sur le patriarcat

œcuménique, du césaropapisme russe et du régime imposé à certaines autocéphalies plus récentes : Église hellénique, Église roumaine, Église serbe. Nous terminerons par un bref exposé des opinions des théologiens gréco-russes sur les relations de l'Église et de l'État.

I. APERÇU D’EN HE M BLE 8VR LES RELATIONS DES ÉQUSES AUTOCÉPIIALES AVEC LE POUVOIR CIVIL. —

Si on les considère dans leurs relations avec l'État, ces Eglises apparaissent, à part quelques exceptions récentes, tout à fait dépendantes et subordonnées. On peut poser en principe que l’autorité visible suprême dans le gouvernement de chaque autocéphalie et l’administration de ses biens appartient non au synode ecclésiastique qui paraît la régir, mais au pouvoir civil du pays où elle se trouve. L'État joue à peu près le même rôle que le pape dans le gouvernement de l'Église catholique.

De cette sujétion de l’Eglise à l'État dans le passé comme dans le présent, beaucoup de théologiens dissidents de nos jours, ne veulent pas convenir, surtout quand ils font de la polémique. Ils trouvent tout à fait inexact le terme de césaropapisme et nient que le basileus byzantin ou le tsar russe aient jamais exercé les pouvoirs ecclésiastiques suprêmes. Cette vue repose sur une équivoque facile à dissiper. Nous ne disons pas que l’Etat s’attribue tous les pouvoirs du pape, car il est évident qu’il n’exerce pas le pouvoir d’ordre. Mais il est incontestable qu’il s’arroge le pouvoir suprême de juridiction ou de gouvernement proprement dit et qu’il a parfois usurpé le magisterium ou pouvoir suprême d’enseignement en matière doctrinale, témoin les décrets dogmatiques des empereurs byzantins. Cette maîtrise de l'État sur l'Église a revêtu dans le passé et revêt encore de nos jours des formes variées. Elle est plus ou moins étendue, plus ou moins étroite suivant les temps et les lieux. Tantôt elle ressemble au gouvernement d’un pape des premiers siècles n’intervenant dans les affaires des Églises locales que rarement et. pour les questions d’importance majeure. Tantôt cette ingérence rappelle et dépasse même le gouvernement centralisateur d’un pape contemporain. Mais c’est toujours l'État qui demeure l’autorité suprême et qui impose finalement sa solution en cas de conflit.

Les principales manifestations de la suprématie de l'État dans les autocéphalies actuelles sont les suivantes : 1. C’est lui qui intervient pour élaborer, ou du moins pour reviser, corriger et approuver définitivement le statut qui régit chaque Église autocéphale et détermine son organisation intérieure. Si l’autorité ecclésiastique est récalcitrante, l'État impose de force sa manière de voir. La plupart des autocéphalies actuelles ont modifié leur constitution particulière depuis la fin de la guerre de 1911 ; quelques-unes même en ont changé plusieurs fois. Or, la part du pouvoir séculier dans la rédaction des statuts a été prépondérante et son autorité toujours souveraine.

2. L'État participe habituellement d’une manière directe à l'élection du primat de chaque autocéphalie. En tout cas, c’est lui qui approuve et confirme l'élection.

3. Il en va de même pour l'élection des évêques. Si ce n’est pas toujours lui qui désigne l'élu parmi les candidats présentés par les synodes locaux, c’est toujours lui qui approuve et confirme l'élection.

4. D’une manière générale, les décisions des synodes ecclésiastiques, pour être exécutoires, doivent être approuvées par le pouvoir civil. Quelquefois un repré sentant de l'État assiste aux séances soit avec voix délibéralive, soit avec voix simplement consultative. En Russie, avant la guerre, le haut-procureur du SaintSynode fixait lui-même le sujet des délibérations.