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1387 SCHISME BYZANTIN. SORT DE L’UNION DE FLORENCE

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subordonnées au pouvoir civil des États où elles se trouvent, étudier les relations de l'Église gréco-russe avec l'Église catholique, c’est pratiquement examiner l’attitude de chaque Église autocéphale à l'égard du Saint-Siège. On voit l’ampleur d’un tel sujet. Il ne peut s’agir ici de le traiter dans les détails ni par rapport ù chaque autocéphalie. Nous nous contenterons d’esquisser à grands traits la ligne de conduite généralement suivie, depuis le concile de Florence, tant par l'Église grecque proprement dite que par l'Église russe. Et par Église grecque il faut entendre ici surtout le patriarcat de Constantinople et ses satellites, les trois autres patriarcats orientaux, qui en fait ont été sous sa dépendance plus ou moins étroite jusqu'à un passé très récent. On sait, du reste, que la plupart des autres autocéphalies sont d’origine presque contemporaine et n’ont guère d’histoire.

Le sort de l’union de Florence.

Avant d’entrer

dans le sujet, il ne sera pas inutile d’examiner une question qui a été soulevée au milieu du siècle dernier et plus récemment encore par certains catholiques, à savoir si l’union de Florence a été officiellement rompue tant du côté des Grecs que du côté des Russes.

Une telle question n’a pu être posée que par des auteurs qui ignoraient l’histoire des relations tant des Grecs que des Russes avec l'Église catholique. Certains d’entre eux ont prétendu que jamais, au cours des siècles, il ne fut posé par l'Église grecque un acte officiel pour révoquer l’union de Florence ; que jamais un schisme avec Rome ne fut proclamé et que « juridiquement parlant, l’union existerait encore ». Cf. Van Caloen, La question religieuse chez les Grecs, dans la Revue bénédictine, t. Vin, 1891, p. 121, 125 ; Ami du clergé, 1899, p. 379. D’autres ont restreint la question à l'Église russe proprement dite. Lacordaire a écrit un jour : « La Russie est catholique à son insu : elle n’est pas et n’a jamais été schismatique de son gré, comme il en a été de l'Église d’Orient (entendez l'Église grecque proprement dite). » Cf. Revue des Églises unies d’Orient, t. iii, 1887, p. 462. Le P. Gagarin a paru favoriser cette thèse dans sa brochure : La Russie sera-t-elle catholique ? Paris, 1856. Le Russe Kireêvskij la défendait dans un opuscule intitulé : La Russie est-elle schismatique ? Aux hommes de bonne foi par un Russe orthodoxe, Paris, 1859. Et Vladimir Solovief a semblé la reprendre à son compte, lorsqu’il a écrit : « La Russie n’est pas formellement et régulièrement séparée de l'Église catholique : elle se trouve sous ce rapport dans un état indécis et anormal, éminemment favorable à l'œuvre de la réunion. » Journal L’Univers, 18 septembre 1888.

Quand on examine de près ce que ces auteurs, et surtout le dernier, ont voulu dire, on s’aperçoit qu’il y a, dans leur manière de s’exprimer, une équivoque. Ils ne parlent pas, en effet, de l'Église russe, mais de la Russie en général, et par Russie ils entendent le peuple russe croyant, à l’exclusion des autorités ecclésiastiques du pays. Au fond, ils veulent simplement affirmer que le peuple russe dans son ensemble est de bonne foi, quand il considère l'Église russe comme la véritable Église, et qu’il n’est pas coupable du péché de schisme, ce qui est incontestable. Vladimir Solovief s’est suffisamment expliqué là-dessus dans son tract intitulé L’idée russe, Paris, 1888, p. 22, 28 : « Notre religion, en tant qu’elle se manifeste dans la foi du peuple et dans le culte divin, est parfaitement orthodoxe. L'Église russe, en faut qu’elle conserve la vérité de la foi, la perpétuité de la succession apostolique et la validité des sacrements, participe, quant à l’essence, à l’unité de l'Église universelle (ondée par le Christ… L’institution officielle qui est représentée par noire gouvernement ecclésiastique et par notre école théologique, el qui maintient à tout prix son caractère particulariste

et exclusif, n’est pas, certes, une partie vivante de la vraie Église universelle fondée par le Christ… Une Église qui fait partie d’un État, d’un royaume de ce monde, a abdiqué sa mission et devra partager la destinée de tous les royaumes de ce monde… Une institution que l’Esprit de vérité a abandonnée ne peut pas être l'Église véritable de Dieu. »

Ce que Solovief affirme ici du peuple russe comme distinct des autorités ecclésiastiques qui le gouvernent, le Grec Jacques Pitzipios l’avait dit du peuple grec considéré à part du patriarche œcuménique et du clergé du Phanar, dans son ouvrage intitulé L'Église orientale, Rome, 1855, p. v de l’introduction et toute la deuxième partie.

Rien de mieux attesté que la répudiation officielle de l’union de Florence par le haut clergé grec, avant même qu’elle fût officiellement proclamée, le 12 décembre 1452, presque à la veille de la prise de Constantinople par les Turcs. Parmi les vingt-neuf métropolites ou clercs de diverses catégories qui avaient apposé leur signature au décret d’union, vingt et un revinrent au schisme dès leur retour à Constantinople. Au témoignage de Georges Scholarios, ces mêmes prélats avaient déjà rejeté quatre fois le concile de Florence avant le 29 mai 1453, date de la chute de Constantinople, en signant des décrets officiels dirigés contre l’union. Œuvres complètes de G. Scholarios, t. iii, Paris, 1930, p. 179-180. En 1443, les patriarches d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem, réunis en synode dans la Ville sainte, traitèrent d’abominable et de détestable le concile de Florence et déposèrent Métrophane, patriarche uni de Constantinople. Fn novembre 1452, cinq métropolites et dix autres clercs adressaient à l’empereur Constantin XII Dragasès un rapport dans lequel ils rejetaient l’union. Cf. G. Scholarios, Œuvres complètes, t. iii, p. 188-193.

Mais ce fut surtout après la prise de Constantinople, sous le nouveau régime imposé par le sultan à l'Église grecque, que celle-ci s’affermit définitivement dans la séparation d’avec le centre de la catholicité. Les essais d’union étaient, cette fois, bien finis. Il n’y avait plus d’empereur chrétien pour en tenter de nouveaux. Quant aux prélats grecs, l’eussent-ils voulu, que des négociations de ce genre leur auraient été désormais interdites. Comment les sultans auraient-ils toléré pareils pourparlers, alors que le pape, chef de la croisade, était pour eux le grand adversaire ? Au demeurant, le patriarche œcuménique et ses métropolites n'éprouvèrent pas plus qu’auparavant le besoin de s’unir. Il faut même dire que leur animosité à l'égard du pape et des Latins en général, loin de diminuer après la catastrophe, ne fit que s’accroître. Tel fut le résultat lamentable de la tentative de Florence. On le vit bien au concile de Constantinople de 1484, auquel participèrent les quatre patriarches d’Orient et qui prit même le titre d'œcuménique. On y promulgua un office spécial de réconciliation des Latins, à leur entrée dans l'Église orthodoxe. Ceux-ci furent officiellement catalogués parmi les hérétiques de la deuxième catégorie, c’est-à-dire parmi ceux qu’on reçoit par la réitération du sacrement de confirmation et par une formule d’abjuration et de profession de foi, alors qu’auparavant on n’exigeait d’eux habituellement qu’une profession de foi. Dans ce rite de réconciliation, le concile de Florence est expressément rejeté comme étant de nulle valeur. Une des questions posées au nouveau prosélyte est ainsi conçue : « Rejettes-tu et comptes-tu pour rien le concile tenu à Florence, en Italie, ainsi que toutes les décisions erronées et bâtardes portées par lui contre l'Église catholique ? » Et le converti répond : « Je rejette ce concile, saint Père, el je compte pour rien sa convocation comme sa tenue. Rhallis et Potlis, llùvrayu-a tcùv ŒÊwv xal kpt7>v xav6-