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    1. SCHISME BYZANTIN##


SCHISME BYZANTIN. ESSAIS D’UNION

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l’Église byzantine. Loin de réussir, cette tentative aggrava la séparation déjà existante, en ce sens qu’elle transforma une simple rupture des relations en un état d’hostilité déclarée. Cel essai fut suivi de beaucoup d’autres. De la fin du xi f - siècle à la prise de Constantinople en 1453, ce fut une suite presque ininterrompue de pourparlers unionistes entre les papes et les empereurs de Byzance. Leur nombre exact est difficile à déterminer. Il peut être augmenté ou diminué suivant qu’on sépare entre elles une série de négociations s’étendant sur plusieurs années, ou qu’on les bloque en une seule. Nous sommes arrivés, pour notre part, à en compter vingt-cinq, trois pour la fin du xie siècle, quatre au xii c siècle, huit au XIIIe, six au xive, quatre au xve. Le I 5. S. Vailhé les a énumérées presque toutes à l’article Constantinople ( Eglise de), t. iii, col. 13741402. Nous ne reviendrons que sur les principales pour marquer clairement la marche du schisme et ajouter quelques compléments appelés par des études nouvelles et des documents publiés depuis l’apparition de l’article.

Mais avant de passer aux détails, il est bon de se demander pourquoi ces essais perpétuels d’union se sont produits, et pourquoi ils ont toujours échoué ; de noter aussi leurs résultats heureux ou néfastes.

Ce n’est pas de l’Église byzantine, de ses prélats ni de ses fidèles que pouvait venir l’initiative d’un rapprochement avec Home. On s’était habitué depuis t rop longtemps à vivre d’une vie autonome pour songer à renouer des liens qui, du reste, avaient toujours été assez lâches. Du pape on n’avait plus besoin, comme autrefois, pour rétablir l’orthodoxie. Depuis la fin de de l’iconoclasme et la fête de l’orthodoxie de 843, les basileis byzantins ne se mêlaient plus de troubler l’Église par des édits dogmatiques. L’Église byzantine se suffisait à elle-même. Bien plus, Photius au ixe siècle, et tout récemment Michel Cérulaire n’avaient pas craint de jeter la suspicion sur la foi des Latins, considérés comme des barbares plus ou moins ignorants, incapables de saisir la subtilité des dogmes divins. Pas plus que le clergé de son empire, l’empereur byzantin n’était dévoré du zèle de l’unité chrétienne. On pouvait être sûr a priori que, s’il prenait l’initiative de pourparlers unionistes, ce serait en vue d’un intérêt politique. Or, il arriva, et cela dès la fin du xie siècle, qu’entretenir des relations avec le pape devint pour lui une véritable nécessité. Le pape en efïct, dès cette époque, n’est plus seulement une puissance spirituelle. Il est aussi une puissance temporelle de premier ordre, d’où dépendra, à certains moments, le sort même de l’empire. Non seulement il possède en Italie un petit royaume, mais il a fait ses amis et ses vassaux de ces Normands contre lesquels saint Léon IX avait guerroyé. Or, dès 1071, les Normands avaient définitivement chassé les Byzantins de l’Italie méridionale et conquis la Sicile sur les Arabes. C’étaient pour les Byzantins de dangereux voisins, presque aussi redoutables que les Turcs. Ces voisins turbulents, le pape pouvait jusqu’à un certain point les contenir et les empêcher de nuire. D’où la nécessité de s’entendre avec lui.

Par ailleurs, dès la Tin de ce même xie siècle, se produit un phénomène politique nouveau, qui va devenir périodique : celui de la croisade contre les infidèles. Ce phénomène, c’est le pape qui en a l’initiative ; c’est lui qui le déclenche et essaie de le diriger de son mieux. Tour Byzance. la croisade peut être un danger mortel, ou un secours providentiel, four qu’elle soit ceci et non cela, les basileis sont forcés de s’adresser à celui qui manœuvre la redoutable machine. Tantôt il s’agira d’obtenir du pape que la machine ne se tourne pas contre eux. tantôt qu’elle vienne au secours de l’empire agonisant sous les coup, des

Turcs. Voilà le secret des essais d’union du côté byzantin. Il n’a rien d’idéologique. Si le pape n’avait été qu’un souverain spirituel et n’avait point dispose d’une puissance politique considérable, il n’y aurait eu de la part des empereurs byzantins aucune démarche unioniste.

Il va sans dire que les papes ont toujours désiré mettre fin au schisme et rétablir l’ancienne unité. Il n’est pas étonnant, dès lors, qu’ils aient répondu aux avances des empereurs, chaque fois que ceux-ci se sont tournés vers eux, et qu’ils aient souvent eux-mêmes pris l’initiative de négociations unionistes, que les empereurs ont acceptées ou repoussées au gré de leurs intérêts. Car, si les papes sont toujours prêts à l’union, il n’en va pas de même des empereurs. Pour ceux-ci l’union religieuse des Églises n’est pas un but mais un moyen. C’est la monnaie politique avec laquelle ils négocient. Du côté des papas, au contraire, , l’union est le but ; la monnaie d’échange est le secours négatif ou positif prêté à l’empire : secours négatif, quand il s’agit d’empêcher les princes occidentaux de tourner leurs armes contre Byzance ; secours positif, lorsque le besoin pressant se fait sentir d’une croisade contre les Turcs. En un mot, dans ces tentatives d’union, du côté des empereurs le but est politique, et le moyen d’ordre religieux ; du côté des papes, au contraire, le but est religieux, et le moyen politique.

C’est ce qui explique en partie l’échec de ces sortes de négociations. Les empereurs, qui sentaient bien que l’union, chez eux, n’était pas populaire — -certains d’entre eux l’ont même considérée comme impDssible

— voulaient d’abord obtenir des papes les secours dont ils avaient besoin, promettant de s’employer ensuite à procurer l’union. Les papes, au contraire, instruits par l’expérience, insistaient pour que l’union religieuse fût le préambule de l’alliance politique. De là des tiraillements, des délais, des ruptures suivies de reprises. Mais la principale cause de l’insuccès doit être recherchée dans l’opposition irréductible du clergé et des moines byzantins et dans l’aversion profonde des Grecs pour les Latins. Les successeurs de Cérulaire sur le siège de Constantinople tiennent tout autant que lui à leur autonomie. Aussi, toutes les fois qu’il est question d’union, leur tactique est toujours la même : ils mettent en avant les innovations des Latins dans le dogme, la liturgie et la discipline, leur kaihotomies, comme ils disent, pour refuser d’entrer en relations avec eux jusqu’à ce que toutes ces questions soient tirées au clair dans un concile œcuménique tenu à Constantinople. À l’exemple de Cérulaire, on n’attaque pas habituellement sa primauté, bien qu’à l’occasion on fasse allusion à l’une des deux théories contradictoires : celle de la pentarchie égalitaire et celle de la translation de la primauté de l’ancienne Borne à la nouvelle. L’.'s kainotomies suffisent. Les autres prélats byzantins se rangent habituellement à l’avis de leur chef, le patriarche oecuménique, bien que l’empereur réussisse parfois à gagner à ses vues unionistes quelques-uns d’entre eux. Quant au clergé inférieur et aux moines, on leur a tellement répété que les barbares d’Occident étaient des hérétiques qu’ils en sont pleinement convaincus. Pour eux l’union ne leur apparaît possible et acceptable que par une capitulation complète des Latins sur toutes les questions controversées. Le peuple, sur lequel les moines ont une influence prépondérante, ne peut que penser comme ceux qui l’instruisent et le dirigent. Du reste, loin d’éprouver de la sympathie pour les étrangers venus d’Occident, pour ces croisés qui ont laissé de bien tristes souvenirs en passant à Constantinople el ailleurs, pour ceux surtout qui, en 1201, ont dépouillé la ville de toutes ses richesses sacrées et profanes et ont commis les pires abominations, pour ces marchands