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SCHISME 15 YZ. DE PHOTHS A CERULAIRE

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avant septembre, date où fui composé le Klétorologion. H. Grégoire qui fait mourir Cauléas le 12 février 898, est obligé d’avancer la réconciliation à 897. sous le pape Etienne VI (novembre 896-juillet 897). Nous nous rangerions plus volontiers à l’opinion de V. Grumel, qui fait état de la fameuse lettre de Jean IX à Stylicn de Néocésarée. Par ailleurs Auxilius, parlant des ordinations de Formose reconnues au concile de Ravenne tenu par Jean IX, déclare que l'Église de Constantinople a accepté l’ordination de Formose favorisant ainsi la paix de l'Église. Il semble que les deux sièges se soient fait, en l’occurrence, des concessions réciproques. Les Grecs auraient reconnu Formose à titre posthume à condition que Jean IX retirerait les injonctions de ce pape relativement aux clercs ordonnés par Photius sous son premier patriarcat. Cf. Grumel, Regestes, n. 596, p. 132.

Depuis longtemps, du côté cal holique, on a considéré Photius comme le père du schisme byzantin. Ce titre, il le mérite surtout par ses écrits polémiques sur la procession du Saint-Esprit, car ses attaques contre les usages liturgiques et disciplinaires de l'Église latine ont été passagères et clairement désavouées au synode de Sainte-Sophie. Il a désavoué aussi par sa conduite, et même par ses paroles, ses opuscules contre la primauté romaine. Au synode de Sainte-Sophie, on le voit appeler Jean VIII son « père spirituel » et proclamer ses privilèges comme successeur de Pierre. Mais sur la procession du Saint-Esprit il a enseigné jusqu'à la fin une doctrine hérétique, destinée à devenir la base dogmatique du schisme définitif. C’est, en effet, dans son dernier ouvrage, intitulé Mystagogie du Saint-Esprit, qu’après la consommation du schisme les polémistes antilatins iront puiser leurs principaux arguments pour mettre entre les deux Églises une barrière d’ordre doctrinal. Ce titre, il le mérite aussi par l’exemple de cet esprit d’offensive contre la foi et les usages de l'Église d’Occident qui a caractérisé sa révolte. Il a eu beau renoncer ensuite à sa première manière, ce sera celle-ci qu’adopteront les futurs adversaires de l’union, et nous verrons Michel Cérulaire emprunter à l’Encyclique aux patriarches orientaux le début de son Edit synodal contre le cardinal Humbert et ses compagnons. Au demeurant, le procès de Photius demande à être revisé avec équité, car on a surtout dépeint jusqu’ici le personnage d’après les écrits passionnés de ses adversaires, dont plusieurs furent aussi schismatiques à leur manière, en refusant d’obéir à Jean VIII.

II. LES RELATIONS ENTRE LES DEUX ÉGLISES, DE LA FIN DU SCBISME I’IIOTIEN A L’AVÈNEMENT LE MICHEL CÉRULAIRE (900-1043). — 1° L' Église byzantine chez elle. — Ébranlée un instant par le schisme photien, l’union avait été assez facilement rétablie entre Rome et Constantinople. Des griefs soulevés par Photius contre la foi et les usages de l'Église latine tout vestige parut bientôt effacé. Mis à pari un opuscule de Nicétas de Byzance, dit le Philosophe, et une homélie de Léon le Sage, qui sont comme un dernier écho de la polémique photienne sur la procession du Saint-Esprit venant de deux disciples immédiats du maître, on ne trouve, sur cette question, aucune trace de dispute jusqu'à Michel Cérulaire. Certains historiens ont prétendu que les patriarches Sisinnius II (996-998) et Sergius II (1001-1019) auraient publié de nouveau, chacun pour sa pari et en son propre nom, la fameuse encyclique de Photius aux sièges orientaux en y opérant quelques suppressions. Le I'. Grumel a récemment démontré que pareille affirmation était dénuée de tout fondement. Échos d’Orient, t. xwiv, 1935, p. 129 138 ; Regestes, fasc. 2. n. si 1 et 820, p. 238 239. Il y a eu, pourtant, durant cette période, de nouvelles ruptures, mais, chose étonnante, on laissa dormir, dans ces occasions, les anciens griefs de Photius contre l’Occident,

même celui qui regarde le Filioque. Écrivant au tsar de Bulgarie, Pierre (927-969), vers le milieu du x c siècle, le patriarche Théophylacte (933-956) témoigne de l’unité de foi qui existait alors entre Rome et les patriarcats d’Orient : « Anathème, dit-il, à qui ne partage pas la foi de la sainte Église catholique de Dieu, qui est à Rome, à Constantinople, à Alexandrie, à Antioche et dans la Ville sainte et jusqu’aux extrémités du monde. » Cf. V. Grumel, Regestes, fasc. 2, n. 789, p. 223-224.

A y regarder de près cependant, on s’aperçoit que l’esprit de schisme a fait, durant ces cent cinquante ans, des progrès décisifs. Plus cju’au siècle précédent, l'Église byzantine vit de sa vie propre et autonome, sans aucun lien apparent de subordination vis-à-vis de l'Église romaine. Sauf en deux ou trois circonstances plutôt malheureuses, les papes n’interviennent pas dans les affaires intérieures de cette Église. Et comment interviendraient-ils, alors qu’ils ne font que passer sur le Siège apostolique, faits et défaits ou massacrés par les factions ? Plusieurs, sans nul doute, n’ont même pas eu le temps d’annoncer leur élection aux patriarches d’Orient selon la coutume reçue. Alors que de 901 à 1059 on ne compte que quinze patriarches de Constantinople, durant la même période, une quarantaine de papes se succèdent sur le siège de saint Pierre. Et si l’on regarde non plus le nombre mais la qualité des titulaires, on doit reconnaître que la balance penche aussi du côté de Byzance, où l’on ne rencontre qu’un seul patriarche vraiment scandaleux, le fameux Théophylacte, fils du basileus Romain Lécapène, intronisé à l'âge de seize ans. Cf. article Constantinople (Église de), t. iii, col. 1358. Ici et là, c’est sans doute le césaropapisme qui domine ; mais, sous ce rapport encore, le sort de Constantinople est plus enviable que celui de Rome. Le patriarche de Constantinople, qui se qualifie toujours d'œcuménique, gouverne, sous la haute surveillance du basileus, toutes les Églises de l’empire et fait sentir son influence souveraine sur les autres patriarcats orientaux, qui ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes et spécialement sur celui d’Antioche, à partir du jour où cette ville est reconquise sur les Arabes en 969. Tout comme le pape de Rome, et sans doute plus souvent que lui durant cette période, il se prononce sur les questions intéressant la foi, la liturgie et la discipline. Voir pour cette période les nombreux décrets patriarcaux sur le droit matrimonial, Grumel. Regeste s, fasc. 2, n.804, 805, 807, 812, 822, 824, 834, 844-849. Il fait même parfois plier le basileus à ses volontés.

Au ix c siècle, la papauté conservait encore en Orient des défenseurs zélés, prompts à en appeler à son autorité souveraine pour réprimer les abus : nous voulons parler des moines, dont l’influence a toujours été grande dans l'Église byzantine. Aux xe et XIe siècles, leur voix se tait devant la décadence lamentable du Siège apostolique, en attendant qu’elle se fasse hostile. A cette hostilité la question des rites dans l’Italie méridionale, reconquise par Basile I er sur les Sarrasins cl les Lombards et peuplée de moines grecs, commence déjà à fournir un aliment.

Ajoutons que les tendances schismatiques se fortifient aussi par. suite des luttes politiques, qui ne chôment guère entre Occidentaux et Byzantins, tandis que les antipathies de race s’avivent à mesure que les rapports deviennent plus fréquents. De ces antipathies nous trouvons l’expression aiguë dans la Legatio ait Nicephorum Phocam (968) de Luitprand, évêque de Crémone. Envoyé à la cour byzantine par Olton I er, empereur d’Allemagne, pour négocier une alliance et un mariage, Luitprand raconte, avec force exagéra lion, la manière dont on le reçut à Constantinople et ses entretiens avec le basileus. On y entend Nicéphore