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SCHISME BYZ. PHOTIUS


environ, occupèrent le siège de saint Pierre aux vii° et vin 1’siècles. Leur connaissance de l’Orient les mettait à même d’éviter toute démarche capable de compromettre la bonne entente. On a un exemple curieux de leur prudence dans la manière dont le pape saint Zacharie rendit en grec un passage des Dialogues de saint Grégoire le Grand sur la procession du Saint-Esprit. Voir Échos d’Orient, t. xi, 1908, p. 321-331.

Gardienne des tombeaux des apôtres Pierre et Paul, Rome inspirait alors aux Orientaux une grande vénération et nombreux étaient les pèlerins qui venaient la visiter. En dehors des moines, toute une colonie grecque se forma autour du Palatin, à partir du milieu du vi° siècle. Elle avait ses églises, où tous les offices se célébraient selon le rite byzantin. Ces Grecs de Rome, ces pèlerins orientaux formaient comme un trait d’union entre le monde byzantin et l’Italie, et ces relations ne pouvaient qu’exercer une influence favorable à la paix religieuse.

Nous pouvons conclure de là qu’au milieu du ix° siècle, malgré les éléments trop nombreux de discorde et de division, l’union entre Rome et Ryzance n’était pas encore définitivement compromise et pouvait être maintenue, pourvu que de nouveaux heurts ne vinssent la mettre à trop rude épreuve et que la papauté conservât son antique prestige.

II. Le schisme définitif. Photius et Michel Cérulaire. — (les deux conditions ne furent malheureusement pas réalisées. Pendant les deux siècles qui s’écoulèrent entre la fête de l’Orthodoxie (1 1 mars 843), qui marqua la fin des persécutions iconoclastes, et l’avènement de Michel Cérulaire (25 mars 1043), auteur du schisme définitif, de nouveaux schismes vinrent périodiquement compromettre l’entente entre les deux Églises et, à partir du xe siècle jusqu’au milieu du XIe, la papauté connut les jours les plus sombres de son histoire. Les schismes de cette période ne sont point occasionnés par des questions de doctrine mais par des questions d’ordre disciplinaire. Ils sont d’autant plus dangereux pour l’unité de l’Église, parce qu’ils mettent aux prises deux juridictions, deux droits canoniques et quelquefois deux politiques. Aussi n’est-il pas étonnant que, sur la fin de cette période, avant même qu’apparaisse Michel Cérulaire, nous constations un état de séparation de fait, une rupture des relations, prélude de l’état de guerre qu’inaugurera Michel Cérulaire, au moment où il sera question de renouer les liens rompus.

Après les longs articles Photius et Michel Cérulaire, qui ont dit tout le nécessaire sur le début et la fin de cette période ; après l’aperçu sur l’intervalle séparant la fin du schisme photien des événements de 1054 qui a été donné à l’article Constantinople f Église de), t. iii, col. 1356-1360, il nous reste peu de chose à ajouter. Nous nous contenterons de considérations générales sur le caractère respectif des schismes de cette période et nous marquerons la progression de l’esprit de division sous l’influence des événements politiques et religieux, ajoutant quelques compléments rendus nécessaires par des publications et des travaux récents.

I. LE SCHISME PHOTIEN. SON CARACTÈRE. SON DÉNOUEMENT. - Le schisme photien a été l’un des plus courts parmi ceux qui ont divisé les deux Églises avant la séparation définitive. Il n’a été vraiment effectif qu’à partir de la déposil ion de Photius au concile romain d’avril 8(13 et il s’est terminé à l’automne de 867 par la première expulsion de son auteur et le retour du patriarche Ignace, niais il a été d’une virulence inouïe. Toutes les forces séparatistes, tous les éléments de discorde que nous avons signalés au paragraphe précédent sont alors entrés en action.

1° La part drs basileis. Il est évident, tout d’abord

que l’agent principal dans toute cette affaire, c’est le césaropapisme impérial. C’est lui qui fournit l’occasion de la rupture en déposant le patriarche Ignace ; lui qui la maintient, lui qui la fait cesser au gré de ses intérêts ou de ses caprices. Photius en appelle au pape parce que l’empereur le veut. Il se révolte ouvertement et va jusqu’à prononcer en concile la déposition de Nicolas I er parce qu’il sait que l’empereur est avec lui. Du jour où Basile le Macédonien prend le pouvoir et voit que les agissements de Photius ont séparé l’Église byzantine en deux factions ennemies, il brise le schismatique et se tourne vers Rome, poussé non par un amour spécial de l’unité chrétienne mais pour ramener la paix religieuse dans son empire. Dans ce but, au concile œcuménique de 809-870, il cherche à faire prévaloir les mesures conciliatrices, alors que le pape Adrien II et ses légats veulent avant tout combattre le principe du schisme par l’affirmation éclatante de la primauté romaine et la punition des coupables. L’opposition des deux points de vue se poursuit jusqu’à la mort d’Ignace et au rappel de Photius sur le siège patriarcal. Ce rappel se fait par l’autorité du basileus sans consultation préalable du Saint-Siège, sans considération des multiples condamnations qui pèsent sur le personnage. On met le pape devant le fait accompli, comptant bien qu’il finira par tout ratifier moyennant quelque concession sur la question bulgare et un secours contre les Sarrasins. De 870 à 878, Adrien II et Jean VIII insistent auprès d’Ignace pour le faire renoncer à la juridiction sur la Bulgarie, le menaçant des sanctions extrêmes en cas de refus. En 886, Basile mort, nouveau coup de théâtre. Photius est de nouveau expulsé du trône patriarcal. Léon VI le remplace par son propre frère Etienne, un enfant de seize ans, qui a reçu le diaconat des mains de Photius. C’est bien le basileus qui gouverne en maître l’Église byzantine et le pape n’exerce sur elle son autorité et son influence que dans la mesure où le lui permet le souverain. Faut-il rappeler qu’Ignace lui-même, lors de son premier patriarcat, a été élevé au siège patriarcal par l’autorité séculière, contrairement au 30e canon des apôtres.

Cette omnipotence du basileus explique aussi la complaisance, pour ne pas dire la servilité de l’épiscopat byzantin. Sauf quelques partisans résolus de chacun des deux groupes rivaux, le gros des prélats passe d’Ignace à Photius et de Photius à Ignace, de l’union au schisme et du schisme à l’union, au gré du souverain.

2° La part (1rs patriarches. — Nous avons donné comme seconde cause du schisme l’ambition des patriarches de Constantinople, qui les a poussés à s’égaler, dans la mesure du possible, à l’évêque de Rome. Chez Photius, il n’y a eu de prétention à la primauté que durant la période de sa révolte contre Nicolas I". Avant comme après ce coup d’éclat, il n’a pas fait difficulté de reconnaître les privilèges de l’Église romaine. Il est remarquable que dans ses lettres adressées à Borne il omet de prendre le titre de patriarche œcuménique. Ce litre apparaît, au contraire, dans les suscriplions de ses lettres et écrits polémiques, par exemple dans sa Lettre encyclique de 867 aux patriarches orientaux, dans la Lettre à Valperl d’Aquilée sur la procession du Saint-Esprit, écrite vers 883 884. Cf. Y. Grumel, Les Regestes des artrs du patriarcal de Constantinople, fasc. 2. 1936, n. 481 et 529, p. 88 et t 1 1. Mais, au moment de la crise, il a attaqué la primauté romaine par la plume et surtout par les actes, lai dehors de ses écrits antiromains signalés à l’article Photius, t. xii, col. 1544-1545, il n’est sans doute pas téméraire de lui attribuer la théorie de la translation de la primauté de l’ancienne Borne à la nouvelle, dont parlait l’empereur Michel III dans ses