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    1. SCHISME BYZ##


SCHISME BYZ. CAUSES, LES ANTIPATHIES DE RACE

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tantinople. Comme l'écrit fort justement le P. Vailhé, en Orient on ne vit dans l’emploi du titre en question qu’une vaine formule, ou bien la précision des pouvoirs qu’avaient accordés successivement à celui-ci le 3e canon de Constantinople, le 28e et aussi les 9e et 17e canons de Chalcédoine. Le patriarche de Constantinople était déclaré œcuménique dans l’empire romain d’Orient, celui auquel toutes les causes pouvaient être portées en appel, sans préjudice du siège de Rome, qui restait toujours l’autorité suprême. Saint Grégoire le Grand et le titre de patriarche œcuménique, dans les Échos d’Orient, t. xi, 1908, p. 170-171. Voir aussi Pargoire, op. cit., p. 49-51. L'étonncment de Rome et de l’Occident devant la manifestation de Jean le Jeûneur vient sans doute de ce qu’on tenait pour inexistante la législation du concile de Chalcédoine et qu’on oubliait en particulier les canons 9 et 17.

Les prétentions du concile Quini-Sexte.

Faut-il

voir dans la condamnation portée par le VIe concile (681) contre la mémoire du pape Honorais un secret désir de l'épiscopat byzantin et de son chef d’humilier la vieille Rome ? On l’a pensé, encore que d’autres raisons plus avouables aient été mises en avant. En dernière analyse ces raisons ne devaient pas manquer de force, puisqu’elles ont déterminé le pape saint Léon II à accepter, en l’expliquant, la damnatio mémorise de son prédécesseur. Voir l’article Honorius I er, t. vii, col. 93-132. Mais il demeure incontestable qu’un véritable antagonisme à l’endroit de l'Église romaine se révèle aussi bien dans l’esprit général que dans la rédaction de plusieurs des canons du concile dit QuiniSexte (G92). Voir son article, t. xiii, col. 1581-1597.

Sous la présidence du patriarche de Constantinople, les prélats byzantins se posent en législateurs de l'Église universelle et font la loi à l'Église romaine elle-même. C’est le point culminant des ambitions byzantines. Il semblerait qu’on voulût tirer la conséquence du principe énoncé dans le 28e canon de Chalcédoine. Le siège de la vieille Rome a eu le premier rang, parce que cette ville était la capitale de l’empire et le séjour de l’empereur. Maintenant que Rome n’est plus capitale, son évêque n’a qu'à obéir et à s’effacer devant l'évêque de la nouvelle capitale. Cependant, cette première tentative de maîtriser l'Église romaine et de prendre le pas sur elle est encore timide, car elle se couvre de l’autorité d’un concile œcuménique dont le pape est censé faire partie. Les Pères in Trullo, en effet, présentent leur assemblée comme une simple continuation du VIe concile œcuménique, et ils comptent sur l’empereur Justinien II, tout gagné à leur projet, pour obtenir de force la signature du pape. C’est pour cela qu'à la fin des actes, ils laissent en blanc la place de cette signature immédiatement après celle du basileus, qu’on a prié de signer le premier et avant la signature de l'évêque de Constantinople et des autres patriarches orientaux, représentés par de simples vicaires. Le fait qu’on met le pape avant le patriarche de Constantinople prouve qu’on reconnaît encore sa primauté. Or, malgré toutes les démarches et toutes les menaces de Justinien II. l’approbation romaine désirée ne vint jamais. Le dernier pape qui se soit occupé de cette affaire, Jean VIII, se contenta de recevoir ceux des canons du concile « qui n'étaient pas en opposition avec la foi orthodoxe, les bonnes mœurs et les décrets de Rome ». Cf. Mansi. Concil., t.xii, col. 982 ; Hcfele-Leclercq. op. cit., t. iii, 2e part., p.576-581 ; Duchesnc, /// : >III. < ; <' <n ; iv siècle. Paris, 1925, p. 476-485. Cela n’empêcha pas l'Église byzantine de passer outre à la ratification romaine et d’accorder Pœcuménicité au fameux synode, qui de nos jours encore est considéré par l'Église gréco-russe comme une partie intégrante du VIe concile œcuménique. Cette « canonisation » irrecevable du synode in Trullo

pesa lourdement sur les relations entre les deux Églises, et nous verrons les fauteurs du schisme aller puiser dans la législation de ce concile leurs premières armes pour attaquer les rites et les usages de l'Église latine et commencer une polémique puérile et sans issue.

La dernière victoire de Constantinople sur Rome fut l’incorporation au patriarcat byzantin de FIllyricum oriental, dont nous avons déjà parlé. La responsabilité de cette injustice retombe avant tout sur Léon l’Isaurien ; en fait, elle comblait les vœux des patriarches byzantins, qui avaient essayé plusieurs fois d'étendre leur juridiction sur cette région, et elle inaugurait un nouveau schisme préliminaire, le plus long de tous avant le schisme définitif.

De tout ce que nous venons de dire, il résulte que la conduite de plusieurs évêques de Constantinople depuis la fin du ive siècle jusqu’au début du ixe n’a pas peu contribué à desserrer les liens de l’unité ecclésiastique. Ces prétentions à vouloir égaler leur siège à celui de Rome et le recours, dans ce but, à une réticence déloyale sur le véritable fondement de la primauté romaine, ces usurpations successives sur les droits d’autrui. tes résistances et ces désobéissances au pape, même en dehors des périodes de schisme déclaré, tout cela a été grandement préjudiciable à l’unité et n’a pu que préparer les voies à la séparation définitive. Ici encore, du reste, le eésaropapisme des empereurs a favorisé l’ambition des prélats, quand il ne l’a pas excitée.

/II. LES ANTIPATHIES DE RACE, L’ORGUEIL NATIONAL ET les rivalités POLITIQUES. — Tandis que les empereurs et les patriarches battent plus ou moins ouvertement en brèche le principe de l’unité, d’autres causes moins apparentes minent sourdement celle-ci. Ce sont les impondérables qui viennent des antipathies ethniques, de l’orgueil national et des rivalités politiques. Pendant la période que nous étudions, ces trois éléments n’en font pour ainsi dire qu’un, en ce sens qu’ils se renforcent mutuellement, favorisés qu’ils sont par les événements.

L’antipathie entre Orientaux et Occidentaux.


Elle se manifeste bien avant le christianisme. D’une manière générale, les Latins affichèrent leur supériorité morale sur les Grecs et les autres Orientaux et insistèrent sur leur perfidie et leur servilité. Ceux-ci, à leur tour, se targuèrent de leur supériorité intellectuelle et artistique, tournant en ridicule la rusticité des Latins et se plaignant de leur arrogance. Qu’on relise le Pro Ftacco de Cicéron : on y trouvera l’idée que les Romains se faisaient des Grecs et cette idée n’est pas flatteuse, surtout quand il s’agit des Grecs d’Asie Mineure. On se souvient aussi du Grœculus esuriens in cœlum, jusseris, ibit de Juvénal. La charité chrétienne atténua sans doute cette antipathie réciproque, mais elle ne la supprima pas. Elle se réveilla surtout du côté oriental, lors de la controverse arienne. L'épiscopat de cour qui se forma alors autour des empereurs à partir de Constantin ne manqua pas une occasion de manifester son animosité à l'égard des Occidentaux. Qu’on se rappelle la lettre arrogante que les Pères du concije d’Antioche de 311 écrivent au pape Jules pour lui signifier que les jugements rendus par les conciles orientaux n’ont pas à être revisés en Occident ; la sécession des Orientaux au concile de Sardique (343) et l’excommunication qu’ils osent lancer contre le pape Jules lui-même ; l’attitude des 150 Pères du concile de Constantinople de 381. C’est à cette assemblée qu’on entendit formuler pour la première fois le célèbre argument des climats : au témoignage de l'évêque de Nazianze, les anciens de l’assemblée ne voulaient rien céder à l’Occident, considéré comme un étranger. « Il faut, disaient-ils, que les alïaires s’accordent avec le soleil et qu’elles commencent là où