Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/662

Cette page n’a pas encore été corrigée
1309
1310
SCHISME. POUVOIRS DES SC HISM AT IQU ES


dans les Églises dissidentes. Les arguments qu’ils invoquent sont de deux ordres.

a. Si l’on raisonne le cas, on devra dire que la juridiction vient de l’Église conformément aux déterminations positives de son droit et qu’on ne la peut dénier avec raison aux dissidents que si l’Église la leur dénie. Or, on ne peut apporter aucun texte positif, aucune donnée indiscutable qui retire au clergé dissident la juridiction tant de for interne que de for externe. Seul le texte du canon 2314 semblerait donner un appui à la réponse négative. Mais ce canon, que nous retrouverons, ne concerne que le schisme en tant que délit, lequel suppose un péché grave de schisme, et donc l’absence d’ignorance moralement invincible, c’est-à-dire de bonne foi. Or, c’est ce qui est en question et, sans porter de jugement sur la bonne foi de tel ou tel dissident, il est impossible de les traiter tous en schismatiques formels : aucun auteur moderne n’oserait même reprendre à son compte sur ce point l’appréciation de Roger Marston. Reste, il est vrai, que, de bonne foi ou non, les schismatiques orientaux sont, du point de vue du droit, excommuniés. Soit, mais de quelle excommunication ? Très certainement, ce sont des excommuniés tolérés, dont les actes de juridiction à l’un et l’autre for demeurent valides. Can. 2264. Là est le nerf du raisonnement en faveur de la réalité île leur juridiction, étant considéré d’autre part qu’ils font partie d’une Église hiérarchisée, qui a gardé sa foi et sa pratique sacramentelle et à qui sa situation de dissidente n’enlève pas sa qualité d’Église locale.

b. La jurisprudence de l’Église témoigne aussi en faveur d’une juridiction effective. On peut remarquer, en effet, que, dans les documents précis, explicites et relativement nombreux des Congrégations romaines interdisant aux catholiques de recevoir des piètres dissidents les sacrements impliquant juridiction, le motif uniformément donné est que cela n’est pas permis, non licel, et que jamais on n’y laisse entendre que ces sacrements sont invalides ou même douteux. D’autre part, lors de la réception dans l’Église des orthodoxes convertis, aucune confession générale n’est demandée, mais seulement une profession de foi, ce qui laisse entendre que les confessions faites dans le schisme sont considérées comme valables ; et, de fait, une confessio intégra peccatorum pneteritæ vitse est demandée non seulement pour les protestants, mais pour les anglicans. Form jor the réception of a couvert, Gatholic Truth Soc, p. 8-9. Enfin dans les unions de groupes orthodoxes à l’Église catholique, jamais il n’a été question de revalider des actes juridictionnels et l’on ne voit pas que des dispenses de mariage obtenues dans le schisme auprès des Ordinaires dissidents aient été considérées comme non avenues. Et certes, ces dispositions n’impliquent pas nécessairement que les Eglises dissidentes aient gardé une véritable juridiction ; faute d’une déclaration de l’Église leur attribuant ce sens, déclaration dont nous ne connaissons pas l’existence, on pourra toujours les expliquer, en leur portée pratique, par l’erreur commune, le lilulus coloratus et la suppléance de l’Église. Mais s’il est permis de raisonner par analogie avec le cas de la confirmation conférée dans les Églises orthodoxes par les simples prêtres, cas qui semble bien supposer une délégation tacite mais positive non retirée, on sera porté à penser que, par un accord ou une permission tacites du Siège apostolique, les Églises schismatiques d’Orient conservent une réelle et vraie juridiction de for interne et de for externe.

Sur ce point particulier, on consultera pour un bref historique des opinions : L.-F. Brugère, De Ecclesia Christi, app. xvi, p. 425 sq. ; pour la thèse négative, A. Straub, Zu meinem Werke De Ecclesia, dans Zeitschr. j. kath. TheoL, 1913, p. 21-22 ; pour la thèse favorable.

R. Souarn, Mémento de théologie pastorale à l’usage des missionnaires, n. 129 sq. ; Mgr A. Boudinhon, Primauté, schisme et juridiction, dans Revue anglo-romaine, 1895, p. 348-357, qui admet une juridiction illégitime. mais réelle ; Ami du clergé, 1890, p. 1093 ; 1899, p. 376 ; 1912, p. 1077 ; 1914, p. 317 ; 1923, p. 760 ; 1927, p. 568 ; la rédaction des Slavorum litleræ theologicæ, 1907, p. 286 ; J. Destandes, Les prêtres orthodoxes ont-ils la juridiction ?, dans Échos d’Orient, 1927, p. 385-395 ; E.-H. Metz, Le clergé orthodoxe a-t-il la juridiction ?. dans Irénikon, 1928, p. 142-116 ; enfin F. Cimetier, dans le Dict. prat. des conn. relig., t. vi, col. 231.

b) Conduite à tenir dans les rapports avec les schismatiques en matière religieuse. — Les principes qui ont été exposés avec une grande clarté à l’article Hérésie s’appliquent ici : nous y renvoyons donc, t. vi, col. 2230 sq. ; nous voulons seulement ajouter ou rappeler quelques précisions qui intéressent plus spécialement les rapports avec les schismatiques, tels que ces rapports sont aujourd’hui fixés par le droit ou la jurisprudence ; nous disons : aujourd’hui, car, jusqu’au début du xixe siècle, des rapports fréquents ont existé de fait entre catholiques et dissidents dans le Proche-Orient surtout, rapports en matière religieuse qui seraient aujourd’hui réprouvés comme communicatio in sacris. Congar, op. cit., p. 44. Il peut être question de ce qu’il nous est permis de recevoir des dissidents, ou de ce qu’il nous est permis de leur donner.

a. Ce qu’on peut recevoir des schismatiques. — On ne peut leur faire baptiser des enfants de catholiques que dans le cas de nécessité et en l’absence de toute personne catholique, Saint-Office, 20 août 1671 ; on ne peut recevoir aucun sacrement d’un ministre schismatique en dehors du danger de mort, même pour l’accomplissement du devoir pascal : la contrition et le désir de recevoir l’eucharistie y suppléeraient alors ; quant aux catholiques de rite oriental, en l’absence du prêtre uni de leur rite, ils devraient s’adresser non au prêtre orthodoxe de rite correspondant, mais au piètre catholique de rite latin, Saint-Office, 10 mai 1753, dans Gasparri, Fontes, t. iv, n. 804 ; enfin, le Code prévoit des sanctions pour ceux qui recevraient des ordres d’un schismatique. Can. 2372. Il n’y a qu’un cas formellement prévu par le droit et la jurisprudence, où il serait permis à un catholique de recevoir les sacrements d’un ministre schismatique, c’est le cas du danger de mort, étant bien entendu par ailleurs que le recours à un prêtre catholique est impossible et qu’il n’y a danger ni de scandale ni d’apostasie. Saint-Office, 30 juin, 7 juillet 1861, dans Gasparri, Fontes, t. iv. n. 97 ;  ;.

b. Ce que les schismatiques peuvent recevoir chez nous.

— Les principes qui règlent la communicatio in divinis et la distinction entre la communication active et la communication passive ont été exposés à l’art. Hérésie où les différences dans l’application au cas des schismatiques sont marquées, col. 2239. Ces principes trouvent leur application ici, car les textes du Code à ce sujet parlent sans distinction des « acatholiques ». I.e baptême des enfants de parents schismatiques est réglé par les canons 750 et 751. On ne peut administrer aucun sacrement aux schismatiques même de bonne foi et les demandant. Can. 731, § 2, se référant à divers documents et entre autres a une réponse du Saint-Office du 20 juillet 1898, Gasparri, Fontes, t. iv, n. 1203. Cette interdiction ne s’étend pas aux bénédictions, en faveur desquelles le Code fait une réserve expresse, can. Il 19 ; quant à l’application de la nie-, se, elle ne peut être laite sur la demande des schismatiques que dans l’intention de prier Dieu qu’il leur donne sa pleine lumière. Saint-Office, 19 avril 1837, dans Gasparri, Fontes, t. iv, n. 876. Par contre le document du Saint-Office de 1<S98 et d’autres encore autorisent, en cas de danger de mort, l’administration aux schisma-