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    1. SCHISME##


SCHISME. NOTION, SYNTHÈSE SCOLASTIQUE

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Quodtibetum IX, q. xviii (de 1292), éd. Hoffmans, L92 I, p. 269, forme nouvelle et actuelle de la question concernant la gravité comparée du schisme et de l’hérésie. Neuf ans plus tôt, et dix ans après le concile d’union de Lyon, Roger Marston se demandait : Utrum fllii schismaticorum sinl in statu salutis, maxime illi qui schismati non consenti uni ? Inédit ; ms. Florence, bibl. Laurentienne, 123, fol. 138-139'. Il faut distinguer, dit-il : ceux qui n’ont pas l’usage de la raison sont sauvés par l’effet du véritable baptême dont ils reçoivent et le signe et la res ; ceux qui ont l’usage de la raison, non credo quod saluari possinl ; mais des braves gens, populares, qui, tout en ayant l’usage de la raison, ne savent pas qu’ils sont séparés de l'Église, on peut croire, pie credi potest, qu’ils se sauveront par une foi implicite quant à son objet, mais droite en son intention : mais cette catégorie, pense notre auteur, ne doit pas être considérable.

Désormais, les théologiens scolastiques, sauf ceux qui continuent à suivre les Sentences, ainsi Capréolus, traiteront plus ou moins longuement du schisme. Signalons comme plus remarquable le traité intéressant et détaillé, mais, comme tout l’ouvrage, assez peu spéculativement construit et proche de la compilation, qui forme la 7° pars (les quinze premiers chapitres) du I. IV de la Summa de Ecclesia de Turrecremata ; puis, parmi les commentateurs de saint Thomas, Cajétan, In Sum. theol., IIa-IIæ, q. xxxix et Summula, à ce mot ; François de Vitoria, Comment, in 7/ lm -// IP, q. xxxix, éd. Beltran de Heredia, Bibl. de thc’ol. espan., t. iii, 1932, p. 270 sq. ; Grégoire de Valence, Comm. tlieol., // » -//*, disp. III, q. xv, éd. Venise, t. iii, 1C08, col. 749-762, qui suit Cajétan, et Suarez, De caritate, disp. XII, dans Opéra, éd. Vives, t.xii, p. 733 sq. Le plus original, et de beaucoup, est Cajétan, que Vitoria ne fait que résumer et dont nous retrouverons les considérations dans la partie systématique de cet article. Cf. aussi la Summa silvestrina de Silvestre de Prierias, pars II », à ce mot, éd. Venise, 1598, p. 303 v°, 305 r° et beaucoup d’autres.

Le traité de Turrecremata reflète les préoccupations d’un théologien aux prises avec les questions posées par le Grand Schisme d’Occident ; aussi son intérêt porte-t-il principalement sur les schismes personnels créés par l'élection d’antipapes ; il en fait l’historique, cix.il étudie de très près et en apportant des exemples, les différentes manières d'éteindre ces schismes, c. x. il consacre au cas du pape schismatique dont il admet, comme on le fait communément au Moyen Age, la possibilité, une étude attentive qu’il pousse jusqu’aux conséquences pratiques, c. xi-xiii, examine enfin la question de savoir si les partisans d’un antipape sont en bloc et indistinctement à qualifier de schisma tiques, c. xiv. En dehors de ce traité de Turrecremata, d’une valeur réelle et durable, beaucoup d'écrits de circonstance doivent leur composition au Schisme d’Occident et relèvent du publiciste ou du controversiste autant que du théologien : voir, pour l’ensemble, Huiler, Nomenctator lit., t. H, p. 705, 708 sq. et, plus spécialement pour les écrits de théologiens domini cains, A. Baôic, O. P., opéra ecclesiologica /'/'. Ord. l’r.rtlic, dans Angelicum, I. VI, 1929, p. 279 'i'2 1 : cf. p. 287 sq., 291. Quant au Grand Schisme lui-même, comme on l’a déjà remarqué, il mérite à peine le nom de « schisme ». ou du moins présenterait il le cas d’un schisme sans schismatiques : car la dispute ne portait pas soi- 1 'autorité du souverain pontife, laquelle n'était nullement mise en question, mai, sur la personne du pape ; comme le dit Bouix, Tract, de papa, I. i. p. 161 : « On ne se retirait pas du vrai poul Ife romain considéré comme tel, mais on obéis, ail à relui que l’on tenait pour un véritable pape. On lui était soumis, non pas d’une façon absolue, mais a condition qu’il [Ûf

lime. Quoiqu’il existât plusieurs obédiences, cependant, il n’y eut jamais schisme proprement dit. » Cf. aussi Mazzella, De religione et Ecclesia, n. 671672 ; L. Salembicr, Le Grand Schisme d’Occident au point de vue apologétique, dans Revue prat. d’apolog. t. iv, 1 907, p. 167-472 et surtout p. 579-594 ; H. Ed. I Iall. The unity oj the Church and lh>> jurlg years oj the rival papes, dans The Irish theological quarlerly, t. XVII, 1921, p. 331-311 ; voir également G. J. Jordan (anglican l, The inner history of the Grcat Schism oj the West. A Problem in Church unity, Londres, 1930.

4. Recueils d’inquisiteurs et écrits de controverse. — Les manuels d’inquisiteurs se devaient évidemment de définir le schisme. Nicolas Eymcric le fait avec une grande brièveté, qui contraste avec l’abondance des pages consacrées à l’hérésie, Direclorium inquisilorum, pars II », de hærelica pravilatc, q. xlviii, Rome, 1678, p. 253-254. Le schisme y est moins considéré en luimême que dans son rapport à l’hérésie, compétence propre de l’Inquisition ; il y a pur schisme, et non hérésie, quand le dissident non habet errorem in mente, nec pertinaciam in voluntate ; mais selon une tradition déjà ancienne qui peut se réclamer de saint Jérôme et de saint Augustin, et que l’on retrouve aussi chez Raymond de Penafort, Summa, t. I, tit. vi, § 1, Lyon, 1718, p. 14, un tel schisme est marqué comme constituant une disposition à l’hérésie, c’est-à-dire à la désobéissance in credendis. Comparer François de Pegna, In //"" partem Directorii Nicolai Eijmerici scholia, schol. 54 in q. xlviii de schismaticis, Rome, 1578, p. 97.

D’autres auteurs de recueils développent davantage l’aspect théologique de leur définition du schisme, en dépendance de S. Thomas et plus tard de Cajétan ; ainsi font, par exemple, Antoine de Sousa, O. P., Aphorismi inquisitorum, t. I, c.xii, Tournon, 1633, p. 90 sq., et Thomas del René, De ofjîcio S. Inquisilionis circa hæresim, pars posterior, pars II a, dubit. ccxxxv, Lyon, 1666, p. 375 sq. Mais ce qu’il y a de plus notable chez ces deux auteurs, et qui nous paraît avoir un réel intérêt au point de vue de l’histoire des idées, c’est qu’ils éliminent la notion du schisme local en faveur d’une considération exclusive de l'Église universelle et du pape : de Sousa, p. 92, n. 8 et 9 ; del Bene, sect. vi, coroll. 5, p. 379-380 : Schismaticus vere et proprie non es ! qui non se séparât a romano pontifice, nec ab universis Ecclesise membris ; sed lantum ab aliquo episcopo, renuens subesse auctorilati illius, vel solum se séparât a fidelibus membris diœcesis ejusdem episcopi, quia verum schisma dicil divisionem jormaliler ab Ecclesia universali… Les deux auteurs citent des autorités ; il serait bien intéressant de pousser l’enquête plus loin et de voir à quelle époque, sous l’influence de quels faits, de quelles idées, s’est opéré cet étrange renversement des positions anciennes, du schisme jadis considéré surtout dans le cadre de l'Église locale au schisme considéré exclusivement dans le cadre de l'Église universelle et par référence au pape. Nos auteurs connaissent bien les lexles de Cyprien, mais ils s’en débarrassent, comme les canonistes et les théologiens eux-mêmes sont exercés à le l’aire, par une distinction pratique, en disant quc Cyprien n’a parlé que des schismatiques au sens large, large et impropric ; par ailleurs, il semble quc les autorités alléguées par nos inquisiteurs en faveur de leur thèse soient uniquement des canonistes. non des théologiens, en loul cas des auteurs assez récents.

Manifestement, un déplacement des valeurs s’est opéré petit à petit dans la conception de l’unité de l'Église et par conséquent dans celle (lu schisme On a pris, dans l’Eglise d’Occident, une conscience aiguë de l’unité sociologique de l'Église universelle, de ses exies, de l’importance du Siège romain comme garantie et critère de cette unité. Ce fut surtout une consé-