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SCAPULAIRE


oblats et des oblates, qui reeurent de leurs ordres respectifs le scapulaire correspondant au vêtement de l’ordre. Aujourd’hui que l’usage des scapulaires existe même dans les simples confréries, on dislingue le grand scapulaire dont la largeur est à peu près celle de la poitrine humaine et le petit scapulaire qui, sous la forme réduite de deux petits rectangles d'étoffe de laine reliés par deux cordons, peuvent être portés facilement jour et nuit comme un insigne. Mais du petit comme du grand scapulaire, l’origine est la même. Cf. Décréta authentica S. Cong. Indulgent., Ratisbonne, 1883, n. 123. Après les bénédictins, les dominicains et les franciscains eurent le grand scapulaire pour leurs tiers-ordres. On trouvera la liste des grands et des petits scapulaires avec les ordres et confréries dont ils sont l’insigne, ainsi que toutes les indications canoniques et liturgiques utiles, dans Béringer-Steincn, Les indulgences, Paris, 1925, p. -180-488.

Bien fondé de la pratique du port du scapulaire.


Deux principes théologiques incontestables sont à la base de la pratique du scapulaire. lui premier lieu, le scapulaire est, avons-nous dit, un insigne marquant l’appartenance d’un fidèle à un ordre religieux (tiersordre) ou à une confrérie. Cette appartenance n’est pas constituée simplement par un acte d’adhésion extérieur, mais par un désir intérieur et sincère de rechercher effectivement dans la pratique des vertus la perfection religieuse et chrétienne, but de l’ordre ou de la confrérie. L’esprit du scapulaire n’est donc, en réalité, que l’esprit même des conseils évangéliques, tel que Jésus-Christ l’a formulé dans l'Évangile. Cet esprit revêt mille aspects différents selon les attitudes multiples qu’il impose à l'âme d’après ses aspirations ou ses besoins ou encore selon les multiples attraits que peuvent exercer sur le chrétien la pensée des mystères de la vie et de la mort du Christ, ainsi que de la vie et de la mort des saints privilégiés ayant le plus approché du Christ soit dans leur vie historique, soit dans leur vie affective. Aussi rien ne doit nous étonner ni nous scandaliser de la grande multiplicité de nos scapulaires chrétiens : toutes ces dévotions ne sont que des moyens pour permettre aux aspirations variées à l’infini qu’on trouve dans les âmes de s’orienter toutes et chacune vers l’unique dévotion nécessaire : le service de Dieu.

En second lieu, le scapulaire, nous faisant entrer dans une sorte de communauté de vie religieuse avec les membres des premiers et seconds ordres ou avec les autres membres des confréries, nous permet de mieux réaliser la communion des saints sur la terre et de recevoir plus abondamment les fruits de cette communion des saints. Ordinairement, le scapulaire, bénit et reçu dans les conditions et avec les formules prescrites par la S. C. des Indulgences, permet à celui qui le porte pieusement de participer aux trésors spirituels des congrégations ou ordres religieux dont il est Yinsigne et notamment aux indulgences spécialement concédées à l’ordre ou à la confrérie.

Conseils évangéliques et communion des saints : tels sont les deux fondements théologiques de la pratique du scapulaire.

II. 1ÏXAMEN DE CERTAINS PRIVILÈGES EN REGARD DU DOGME CATHOLIQUE ET DE L’HISTOIRE. — Si la

théologie justifie facilement, en regard des conseils de perfection et de la communion des saints, le port du scapu’aire, il n’en est plus de même, scmble-t-il, au premier abord, de certains privilèges attachés, de manière plus ou moins assurée, au scapulaire du MontCarmel. Il importe donc de rappeler : 1° quels sont ces privilèges ; 2° leur valeur historique ; 3° leur interprétation théologique.

1° Les privilèges attachés nu port du scapulaire du Mont-Carmel. 1- Le privilège île la bonne mort. —

Vers le milieu du xiii c siècle, la sainte Vierge serait apparue à saint Simon Stock, sixième général des carmes (1165-1265), à Cambridge. Tenant en main l’habit de l’ordre des carmes, Marie aurait dit : « Voici le privilège que je te donne à toi et à tous les enfants du Carmel. Quiconque meurt revêtu de cet habit sera sauvé. » Zimmermann, Monumenta hisforica carmelitana, 1. 1, Lérins, 1907, p. 339. Ce privilège fut regardé, dès le début, comme appartenant non seulement aux religieux carmes strictement dits, mais encore aux confrères qui leur seraient légitimement affiliés par l’imposition du scapulaire. La dévotion du scapulaire du Mont-Carmel est donc donnée ici comme un signe de prédestination. Comment accorder cette affirmation avec le dogme de l’incertitude, en ce qui nous concerne, de notre salut éternel et avec les conditions de vie morale et vertueuse posées par l'évangile à l’obtention de la « couronne de justice » (II Tim., iv, 8)?

2. Le privilège d’une prompte libération du purgatoire. — C’est le privilège dit sabbatin, d’après lequel la sainte Vierge délivrerait du purgatoire les confrères du Carmel le samedi qui suit leur mort. Cette « indulgence sabbatine » aurait été révélée par la Mère de Dieu ellemême au pape Jean XXII, probablement la veille de son élection. Et la bulle par laquelle le pape aurait promulgué cette faveur avec plusieurs autres accordées à l’ordre du Mont-Carmel, serait du 3 mars 1317. Bulle Sacratissimo uti culmine.

Valeur historique de ces privilèges.

1. L’apparition à saint Simon Stock est-elle authentique ? — Sous la

forme précise que nous avons rappelée, « la tradition apparaît pour la première fois en 1642, dans une lettre circulaire de saint Simon Stock à ses religieux, lettre que le saint avait dictée au Père Swanyngton, son compagnon, son secrétaire et son confesseur et qui fut publiée à cette date. La critique historique a suffisamment établi qu’on ne peut accorder à ce témoignage une valeur indiscutable ». Beringer-Steinen, op. cit., t. ii, p. 188 ; cf. Zimmermann, Monumenla hislorica carmelilana, t. i, Lérins, 1907, p. 323 sq. ; L. Saltet, Le prétendu Pierre Swanyngton, dans Bulletin de littérature ecclésiastique de Toulouse, 1911, p. 24 sq. ; 85, 120. Cette date de 1642 est inexacte. Dans une étude récente (1938), le P. Elisée de la Nativité fait remonter le « premier récit inattaquable » de la vision de saint Simon Stock au prieur général Jean Grossi (vers 1400). L’article Skapulier de Bihlmeyer dans le Lexikon fur Théologie und Kirche de Mgr Buchberger, t. ix, col. 616-617, donne comme date 1430 au Viridarium de Jean Grossi. Bihlmeyer ajoute que, jusqu’au xve siècle, les carmes n’attachaient pas grande importance au port du scapulaire. En effet « les témoignages historiques font défaut pour affirmer que, dès la seconde moitié du xiiie siècle, les membres de la confrérie portaient un petit scapulaire comme signe distinctif…, le petit scapulaire, tel que nous le connaissons aujourd’hui et tel qu’il fut en usage, du moins après la seconde moitié du xvie siècle, est d’origine postérieure et ne remonte point au-delà du xvi c siècle où l’on en fit, peu à jieu, comme une réduction du grand habit de l’ordre du Carmel ». Beringer-Steinen, ibid., p. 188, 189. Cf. Zimmermann et Saltet, loc. cit.

2. Le privilège sabbatin.

C’est le carme Balduinus Leersius (Baudoin de Leers) (?) († 1483) qui, le premier, a fait connaître la bulle de Jean XXII. Cf. Bibliotheca carmelit., t. i, Orléans, 1752, p. 210. Dès le xvii'e siècle, on a contesté l’authenticité de la bulle. Aujourd’hui les critiques s’accordent à la déclarer apocryphe et dans ses Monumenta historica carmelilana, le P. Zimmermann renonce à la défendre. T. i, p. 356363.

i En 1379, a cause des attaques auxquelles l’ordre du Carmel et, surtout, le nom même de l’ordre était en butte,