Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/617

Cette page n’a pas encore été corrigée
1219
1220
SAVONAHOLK. VIE


contemporains très mauvaise réputation. On l’accusait en particulier d'être simoniaque. II était inévitable que l'éclat (les prédications de Savonarole ne finît un jour par l’atteindre. Promptement, Savonarolc se heurta au pape pour des questions relatives à l’administration de diverses maisons de l’ordre dominicain. Le 15 juillet 1495, Alexandre VI demanda en termes très bienveillants au prédicateur de venir à Rome pour y rendre compte de ses prophéties qui devenaient de plus en plus sensationnelles. Le souverain pontife ne semble pas avoir eu dès ce moment l’intention de sévir. Il se serait volontiers contenté de demander au réformateur de ne point faire d’allusion à sa conduite privée.

Savonarole refusa de se rendre à Rome (31 juillet). Il déclarait reconnaître pleinement l’obligation de l’obéissance en sa qualité de religieux. Mais il se déclarait malade. En outre les routes n'étaient point sûres pour lui et enfin sa présence était indispensable à Florence. Le 8 septembre, Alexandre VI interdit à Savonarolc ses prédications apocalyptiques. Le 29 septembre Savonarole faisait une réponse équivoque et qui ne pouvait suffire au Saint-Siège. Ce dernier ne pouvait admettre qu’on déclarât p.éférer la voix de Dieu à la voix du pape. Bientôt, malgré la défense faite, Savonarole reparaît en chaire. Il s’y emporte jusqu'à demander la peine de mort pour ses ennemis. Victime de l'état d’exaltation où le mettent son rôle de réformateur et son surmenage prolongé, Savonarole s’enfonce dans la révolte, sans mesurer probablement toutes les conséquences qui peuvent survenir. En février 1496. il explique en chaire que si le pape commande contre le bien, on doit lui désobéir. Pendant tout son carême il reprend ce thème et insiste sur les vices qui régnent à Rome. Néanmoins pendant tout le reste de l’année, Alexandre VI s’employa bien plutôt à se concilier son adversaire qu'à l’attaquer. La force de Savonarole restait considérable à Florence et Alexandre VI avait des qualités de patience. Mais le carême de 1497 proclamait une véritable révolution religieuse : « Arrive ici, Église infâme, s'écriait Savonarolc, écoute ce que dit le Seigneur : Je t’ai donné ces beaux vêtements et tu t’en es fait des idoles… Autrefois si les prêtres avaient des fils, on les appelait leurs neveux ; maintenant on n’a plus de neveux, on a des fils tout court. Tu as élevé une maison de débauche… Fille publique assise sur le trône de Salomon, l'Église fait signe à tous les passants ; quiconque a de l’argent entre et fait tout ce qui lui plaît ; mais qui veut le bien est jeté dehors. Eglise prostituée… tu as étalé partout ton impudicité. » Le 19 mai 1497, le pape excommuniait Savonarole. Celui-ci saisissait toutes les occasions de manquer de déférence à l'égard du Saint-Siège. On avait frappé une médaille où l’on voyait sur la face les traits du frate tendus par une volonté inflexible et au revers on distinguait une épée suspendue au-dessus de la ville de Rome avec cette devise : « Le glaive de Dieu sur la terre immédiatement et vite. » Savonarole se moquait publiquement de l’excommunication lancée par le souverain pontife : « Les excommunications, disait-il, sont aujourd’hui à bon marché et chacun pour quatre livres peut faire excommunier qui il lui plait. On en donne à qui en veut de ces excommunications. » Il célébrait toujours la messe, montait en chaire, considérant comme nul le pouvoir du pape, du moins en comparaison de l’ordre de Dieu. De plus en plus exalte Savo narole se faisait contre les hommes d'Église de plus en plus injuste, transformant en loi générale des défaillances Individuelles, i Les p …criait-il en chaire, vont publiquement a Saint-Pierre. Chaque prêtre a sa cou cubine ; on ne se gène pas pour étaler sa honte. Le poison est tellement répandu à Rome que la France,

l’Allemagne et le monde entier en sont infectés… Méchants… écrivez à Rome que ce moine luttera contre vous avec les siens avec la même énergie que contre les Turcs et les infidèles. Il est venu un bref de Rome : on m’y traite de fils de perdition, cela est vrai : voici ce que je leur écris : celui que vous traitez ainsi n’entretient ni concubine, ni jeune garçon ; il prêche l'Évangile du Christ. »

Le nouveau bref du pape auquel Savonarole venait de faire allusion menaçait Florence d’interdit (25 février 1498), si l’on continuait à y être favorable à Savonarole. Que des considérations de simple politique aient pu intervenir dans cette décision pontificale, c’est fort possible. Mais il est certain que la dignité du pontificat romain ne pouvait s’accommoder plus longtemps d’une complicité entre un moine en rupture d’obéissance et la république florentine. Alexandre VI préférait encore amener Sav marole à résipiscence. A l’ambassadeur de Florence il précisait jusqu’où allait sa modération : « Je ne condamne pas ce moine à cause des doctrines qu’il prêche, mais parce qu’il refuse de demander la levée de l’excommunication, la déclare sans valeur et continue sa prédication au mépris de notre volonté expresse. Tout cela constitue un mépris formel de Notre autorité et de celle du Saint-Siège et un exemple dangereux au suprême degré. » Il ajoutait : « De la part de Savonarole, nous ne demandons que la reconnaissance de Notre autorité suprême. »

Savonarole en voulait moins à l’autorité proprement dite du pape et de sa Curie considérés in se qu'à l’indignité personnelle de ceuv qui se trouvaient être à la tête de la chrétienté. Les humanistes de la Curie lui semblaient sans toi ni loi, le pape perdu de réputation, les cardinaux plus ou moins simoniaques. Contre des individualités qui lui paraissaient aussi blâmables il parlait de réunir un concile général lequel, autorité souveraine, saurait et pourrait sévir.

En fait, si Savonarole avait été solidement épaulé par ses concitoyens de Florence, il eût pu obtenir la réunion d’un concile général, du moins de quelque conciliabule plus ou moins national. De la sorte il aurait peut-être pu imposer par la crainte, sinon la déposition du pape Alexandre VI, tout au moins une réforme partielle de la Curie romaine. Mais dès l’année 1497 sa situation dans la république florentine était compromise. Les franciscains prirent la tête de l’opposition qui se dessinait contre lui. Lors du carême si exalté de 1498, l’un de ces franciscains, François de Fouille, le jour de l’Annonciation, proposa de subir l'épreuve du feu contradictoirement avec Savonarole. Le gouvernement de Florence fut enchanté de profiter de cette occasion pour se séparer du compromettant Savonarole. Il se déclara favorable à l'épreuve du feu et d’une manière telle que l’honneur du dominicain y était mis en question sans que l’honneur des franciscains ait à souffrir du résultat de l'épreuve. Frère Dominique, le confident du réformateur devait le représenter dans ce jugement de Dieu. Le 6 avril, la Seigneurie de Florence déclarait : « Si le dominicain frère Domeni : oest brûlé, Savonarole devra sortir de la ville dans les trois heures qui suivront l'épreuve. » Quant aux points contestés dont il démontrerait la vérité en traversant indemne les flammes, Fastor les résume assez bien ainsi : L'Église de Dieu a besoin d’une rénovation : après de dures épreuves elle sera renouvelée. Florence, elle aussi, passera par des souffrances après lesquelles elle sera renouvelée et deviendra florissante. Les infidèles seront convertis au Christ. Toutes ces choses arriveront de notre vivant. L’excommunication récemment décrétée contre notre vénéré Père.1. Savonarole est nulle. Il n’y a point péché à ne pas s’y soumettre. »