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    1. SATISFACTION##


SATISFACTION. EXPLICATION DES ADOUCISSEMENTS

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constatent chez eux à des époques de moindre sévérité.

Ce n’est pas que l’on conteste les heureux fruits de pénitence que ces régimes sévères ont produits chez ceux qui acceptaient loyalement de s’y soumettre. On ne prétend donc pas que la rigueur des expiations exigées soit sans influence sur l’efficacité morale d’un régime pénitentiel. Seulement elle n’en est pas le facteur unique ni le plus important. D’autres y interviennent qui peuvent aller jusqu’à la suppléer. Ceux-ci mêmes y sont indispensables : à elles seules, les pénalités les plus rigoureuses resteraient sans valeur morale. Qu’importe, faisait remarquer en 813 le concile de Chalon-sur-Saône, qu’importe que les pénitents observent l’interdiction qui leur est faite du vin et de la viande, s’ils se gorgent d’autres boissons et d’autres mets ? Multi, quodnon sine doloredicendum est, in psenitentia non tarn peccati remissionem quarn temporis constitua expeclant explelionem, et, si carnium et vini usus eis interdictus est, mutatu non voluntate sed ejusdern cibi aut potus perceptione, in tantum deliciis suis indulgent ut deliciosius, lus inlerdiclis, aliorumeiborumvcl potionum appetilu vivere cognoscantur. Can. 35, dans Concilia sévi karol., t. i, p. 280. Qu’importe, pourrait-on dire également, qu’on reste exclu de longues années de la communion et que l’on soit congédié comme les catéchumènes après les lectures et les prédications de la messe, si c’est là à quoi se réduit la vie de pénitence ?

C’est donc à l’ensemble d’un régime pénitentiel qu’il s’impose de regarder pour en apprécier le dynamisme moral et religieux, et le régime moderne ne doit pas se juger uniquement d’après les satisfactions minimes dont on s’y contente couramment. Pas plus que jadis, l’Église ne laisse aujourd’hui sans sanctions, même publiques, certaines fautes plus odieuses et à répercussions plus considérables. Surtout, et pour tous les péchés mortels, elle exige qu’il en soit demandé pardon en confession au moins tous les ans ; à quiconque pèche mortellement et veut néanmoins communier, elle impose de se confesser d’abord, serait-ce tous les jours. Ni l’un ni l’autre de ces assujettissements n’existait aux premiers siècles. Que, pour plusieurs, pour la masse, si l’on veut, le résultat en soit médiocre et peu durable, c’est possible ; mais, comme on fait pour les pénitences plus sévères de jadis, c’est chez ceux qui s’y soumettent consciencieusement que s’en doivent observer les effets : peut-être, à y regarder de près, constaterait-on qu’ils ne sont nullement inférieurs.

4° L’explication historique des adoucissements de la satisfaction. L’nc fois écartée cette mauvaise querelle, il reste à résoudre le problème historique sur lequel on l’a greffée : dans le matériel de la satisfaction à imposer pour le sacrement de pénitence, pourquoi et comment, au cours des âges, se sont produits tant de changements et d’adoucissements ?

1. La prédominance du point de vue sacramentel. — Pour le comprendre, il n’est que de regarder à la solution doctrinale déjà indiquée. La pratique, ici, s’est vraiment inspirée de la théorie, laquelle, à son tour, s’est plus ou moins inspirée de la pratique. Plus s’est précisée la conception du sacrement de pénitence et de son efficacité propre ou essentielle, plus aussi s’est précisée la distinction vaguement entrevue dès l’origine entre la rémission de la coulpe et celle de la peine temporelle. Par là même aussi est apparue plus distinct le rôle propre de la satisfaction ou de la peine imposée par l’Église ; entant que distincte de la pénitence intérieure ou contrition, la satisfaction s’est révélée moins indispensable pour la rémission du péché lui-même. L’effet auquel elle était proprement et directement ordonnée pouvant être réservé à plus tard ou suppléé en diverses manières, l’attention, pourrait-on dire, s’est toute concentrée sur le fruit à retirer du sacrement en tant que tel et, dès là qu’elle a été jugée suffisante pour le

rendre possible, on a passé outre à ce que la satisfaction elle-même pouvait avoir d’insuffisant pour atteindre son objet particulier. Du point de vue proprement sacramentel la simplification a paru pouvoir en être poussée jusqu’à l’extrême limite. Il est vrai que l’efficacité expiatoire n’est pas la seule qu’il faille considérer dans la satisfaction. Celle-ci a aussi d’autres buts, qui auraient pu lui faire conserver une plus large place. Nous les avons vus énumérés par le concile de Trente ; de tout temps, dans l’Église, on y fut attentif. Destinée à réparer le scandale, la satisfaction a aussi un but pénal et social ; elle doit faire ressortir la gravité du péché et contribuer ainsi à en détourner. Elle est également un remède, c’est-à-dire qu’elle pourvoit à guérir le mal que, même pardonné, le péché laisse nécessairement après lui : elle doit armer contre les rechutes et faire prendre des forces contre les nouvelles tentations à prévoir.

Aucun de ces effets n’est donc à perdre de vue dans l’administration de la pénitence ; mais ni les uns ni les autres n’ont rien de proprement sacramentel. Pour autant qu’il est ordonné à la production de la grâce, le rite institué par le Christ ne les produit pas ex opère operato ; il est le gage de grâces actuelles qui les assureront, si l’on y correspond ; il en est aussi l’occasion ; mais on peut les obtenir et on les obtient, de fait, par d’autres voies que par celle du sacrement. L’enseignement, par exemple, l’enseignement catéchétique, en particulier, tel qu’il se donne dans l’Église depuis des siècles, remplace très heureusement les levons qu’on tirait jadis de la condamnation à la pénitence publique. Pour n’en avoir plus sous les yeux des exemples comme ceux auxquels saint Augustin se plaisait à rendre attentifs les catéchumènes, De sgmbolo ad catechum., vii, 15, P. L., t. xl, col. C36 ; Serm., cclxxviii, 12 et ccclii, 8, P. L., t. xxxviii, col. 1273 et t. xxxix, col. 1558, les fidèles et les enfants n’en apprennent pas moins la distinction à faire entre les diverses sortes de péchés et la nécessité de s’en purifier par la pénitence, si l’on veut participer à la sainte communion.

I^tre assujetti ou s’assujettir à recourir au prêtre chaque fois que l’on a péché ne va pas sans de grandes victoires à remporter sur soi et n’est donc pas d’une petite efficacité pour aider ou entraîner les âmes à se dégager elles-mêmes des emprises du péché.

La vertu médicinale des privations et austérités auxquelles se peuvent astreindre les particuliers est indépendante de la prescription qu’aurait pu en faire un confesseur : celle-ci n’aurait pu y ajouter que très indirectement.

2. La régression du point de vue pénal et social. — Seul, sans être lui non plus proprement sacramentel, le but répressif, pénal ou social, que poursuit la satisfaction, la met en plus étroite dépendance du pouvoir des clefs. Aussi, plus qu’aucune autre, cette considération a-t-elle longtemps contribué à lui conserver sa rigueur. C’est ici le domaine propre du for externe et ce n’est que lentement, nous l’avons vu. que s’en est distingué le for interne. L’administration de la pénitence releva donc d’abord des deux : la pénitence publique, en particulier, répondait à une préoccupation d’ordre nettement social. L’Église pourvoyait ainsi, comme société, à réprimer et à écarter le mal résultant du péché de chacun pour l’ensemble de ses membres. De là venait, avons-nous entendu dire à saint Augustin, la durée et la rigidité des peines destinées à lui donner satisfaction à elle. Enchiridion. c. lxv, P. L., t. xl, col. 262-263. Par la même raison s’expliquait que seuls pussent être absolument contraints à les subir les pécheurs reconnus coupables au for externe.

Plus tard, alors même qu’elle eut laissé tomber totalement ou en partie ces prescriptions et ces rites, l’administration de la pénitence conserva longtemps encore