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1195 SATISFACTION. LA QUESTION OU « RELACHEMENT PÉNITENTIEL » 1196

l’absolution que, même aux époques où l’on insistait le plus sur la nécessité de la pénitence publique, on n’hésitait pas, en divers cas, à réconcilier ou à absoudre sans qu’elle eût été ou pût être accomplie. Ces faits, que nous avons vu se produire à toutes les époques, ne prouvent pas seulement que l’absolution était considérée comme réconciliant par elle-même avec Dieu ; ils impliquent aussi nécessairement, ce que nous avons d’ailleurs entendu expliquer en propres termes, que la satisfaction, normalement exigée mais susceptible d'être omise, n'était point indispensable pour l’essentiel de cette réconciliation. Elle était surtout ordonnée à l’acquittement d’une peine temporelle susceptible de persister après le pardon du péché lui-même et tel est, par suite, le rôle propre à lui reconnaître dans l’administration de la pénitence par l'Église.

3. L’enseignement des théologiens. Ce rôle est celui-là même que lui ont assigné les théologiens, lorsqu’ils ont fait la synthèse du sacrement de la réconciliation postbaptismale : quoique partie intégrante du sacrement, à raison même de sa nature et de son but spécial, elle peut non seulement être renvoyée après l’absolution ; elle peut même être totalement omise. Si, de par ailleurs, la conversion à Dieu par la contrition et la confession est suffisante pour permettre au pouvoir d’absoudre de produire son effet, la réconciliation avec lui aura été réelle elle aussi et il restera seulement au pécheur ainsi justifié à subir la peine temporelle dont une satisfaction plus ou inoins parfaite aurait pu lui obtenir aussi la rémission.

2° Solution théorique. Théoriquement et du point de vue de l’efficacité sacramentelle, il est donc indifférent que la satisfaction soit faite avant ou après l’absolution ; indifférent même, peut-on dire, que la satisfaction imposée soit plus ou moins rigoureuse : le pis qui puisse arriver au cas d’une trop grande indulgence à l’endroit du pénitent préalablement absous, est que la peine à remettre en vertu de cette satisfaction persiste partiellement ou même totalement.

Nous avons entendu les docteurs du Moyen Age en prévenir les fidèles et saint Thomas en prend son parti : Si contingat quod sacerdos minorem satisfactionem importât quam sit illa ad quam obligatur ex quanlitate sui peccati, subtraclo eo quod remittitur virtute clavium et contrilionis præcedenlis, pœnilens nihilominus ad aliquid ullcrius obligatur ; quod, si in hu> : vita non perficial, in purgatorio exsolvet. Quodlib., iii, a. 28. Ainsi font aujourd’hui encore les moralistes qui se montrent le plus indulgents en cette matière. Plus s’est précisée dans l'Église la notion de l’efficacité proprement sacramentelle, plus aussi la rémission du péché lui-même s’est distinguée de la rémission de la peine temporelle.

La théorie, par conséquent, justifie à la fois la pratique courante de renvoyer la satisfaction après l’absolution et celle de l’alléger jusqu'à la rendre parfois à peine perceptible. C’est appuyé sur elle que saint Thomas suggérait aux confesseurs de savoir, en certains cas, se contenter de la pénitence qu’il plairait au pénilent d’accepter. Sacerdos potest psenitenti satisfactionem injungere vel ex proprio arbitrio vel etiam ex alieno consilio. /-.'.s/ ergo dicendum quod, sicut potest [eam] injungere ex arbitrio alieno. ila et ex arbitrio ipsius psenitentis, sicut si dicat : « Facias hoc, si potes, et, si non pôles, facias hoc < ; et simile videtur cuin sacerdos dicit « quidquid boni feceris, sit tibi in remissionem peccatorum ». Videtur autan salis conveniens quod sacerdos non oneret pœnitenlem gravi pondère salisfactionis, guia. sicut parvus ignis a mollis Ugnis superposais de jailli extinguitw, ila [tosseï contingere quod parvus afjectus contritionis in psenitente superexcitatus, propter grave omis satisfactionis extingueretur, peccalore lotalitcr desperante. Unde induis est quo<l sacerdos pœnitenti indice ! quanta ptenitentia effet sibi pro pecca

lis injungenda, et injungal sibi nihilominus aliquid quod psenitens tolerabililer ferat, ex cujus implelione assuefial ut majora impleal, quæ etiam sacerdos sibi injungere non allenlassct. Quodlib., iii, a. 28. Pour apprécier le texte, il ne faut pas néanmoins perdre de vue la rigueur des satisfactions communément imposées à cette époque.

Du point de vue théorique, par conséquent, le problème que pose l’histoire de la satisfaction se ramène à celui de l'évolution de la doctrine des sacrements en général et de la théologie du sacrement de pénitence en particulier. La clef s’en trouve où l’a défini le concile de Trente et où l’avaient établi dès longtemps les docteurs catholiques, dans la distinction entre la rémission de la coulpe et celle de la peine temporelle. I-In principe, rien n’empêche que l’une soit obtenue, à peu de chose près, sans l’autre, et il n’en faut pas davantage pour que puisse être poussée à la limite la dissociation soit de la justification et de la condamnation aux feux du purgatoire soit de l’absolution et de la satisfaction sacramentelle.

/II. LE PROBLÈME HISTORIQUE DES ADOUCISSEMENTS DE LA SATISFACTION. — Le problème théorique ainsi résolu, reste le problème historique : comment s’est produit, dans l'Église, le passage de ce qu’on pourrait appeler l’extrême sévérité à l’extrême indulgence dans l’administration du sacrement de pénitence ? Le contraste est tel entre ce qui fut et ce qui est qu’il fait crier au scandale. Qu’elle précède ou qu’elle suive l’absolution, la satisfaction sacramentelle actuellement estimée suffisante dénote un véritable abandon des préoccupations morales de jadis. En accepter une telle atténuation, c’est, de la part de l'Église, prendre son parti d’un réel et universel relâchement de la vie chrétienne et d’un véritable abus de ses sacrements les plus saints.

Comment il a été pose par les jansénistes.

On

reconnaît le thème fondamental des accusations d’Arnauld dans le livre De la fréquente communion. Les jansénistes n’ont jamais cessé de les reprendre. Elles culminent, peut-on dire, dans la 38e des propositions de Pisloie, où le synode proclame son admiration pour la discipline ancienne. Elle allait, y est-ildit, jusqu'à refuser ou à n’accorder que difficilement une nouvelle absolution à ceux qui retombaient dans une faute déjà pardonnée. Dans la crainte de se voir ainsi exclu de la communion et de la paix, même à l’article de la mort, les auteurs de la proposition voyaient un frein très puissant à appliquer à ceux qui attachent trop peu d’importance au péché. Denz.-Bannw., n. 1538.

Comment il résulte de l’histoire de la satisfaction.


Cette impression de relâchement n’est cependant pas propre aux jansénistes ; elle se communique à tous ceux qui comparent les usages d’aujourd’hui avec les prescriptions ou les pratiques pénitentielles de jadis : même résumée comme elle a dû l'être dans le présent article, l’histoire de la satisfaction la doit imposer à tout le monde.

Et matériellement, en effet, la disproportion des peines infligées est énorme. Vainement, d’ailleurs, essaierait-on de l’expliquer par la différence des mœurs et des mentalités. Cette différence est incontestable : elle a toujours existé et, même aux premiers siècles, elle a engendré des divergences profondes dans la manière d’apprécier et de traiter les mêmes fautes : l'évêque Antonianus auquel saint Cyprien adresse sa Ici Ire i.v, se scandalisait de la « paix » qu'à Rome et à Carthage l’on avait accordée d’emblée aux « libellatiques -et aux malades en danger de mort. Nous savons par saint Augustin que, dans certaines Églises, on ne considérai ! et on ne Imitait comme fautes « capitales » quc les pèches de la chair, d’apostasie et d’homicide. Certains canons du concile d’Elvire parurent toujours