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SATISFACTION. ÉPOQUE MODERNE


autant immédiatement guéris, non tamen statim sanala. C. xviii, P. L„ t. xl, col. 1128.

La satisfaction, en d’autres termes, reste a accomplir pour que soit achevée cette guérison ou pour que soit évitée cette peine. Et telle est exactement la doctrine à l’appui de laquelle Pierre Lombard, sans le dire, cite le passage du De vera et jalsa pœnitentia que nous venons de résumer ; qui meurt sans avoir accompli la pénitence qui lui a été imposée ou sans une contrition assez ardente pour lui obtenir le pardon de toutes les peines dues au péché, sera condamné au purgatoire et le châtiment de son péché lui sera donc plus onéreux que s’il l’eût expié en ce monde en s’acquittant jusqu’au bout de sa pénitence : Ignem purgatorii senliet, et grauius punietur quam si hic implesset psenitentiam. L. IV, dist. XX, c. 2 : de his qui psenitentiam non comptent, édit. de Quaracchi, t. ii, p. 875.

Il en serait de même, poursuit le Maître des Sentences, pour celui qui aurait accompli toute la pénitence imposée, dans le cas où celle-ci aurait été trop légère : Si de illo quæritur, qui satisfaciionem injunclam impleverit, quæ ignorantia vel negligentia sacerdotis peccato condigna non fuit, ulrum de vita migrans ab omni poena liber sit, idem respondeo quod supra de illo qui psenitentiam non impleverit… addet Deus pœnam. Ibid., c. 3 : de illo, cui sacerdos injungit parvam psenitentiam, p. 876.

On ne saurait signifier plus clairement l’effet propre qu’on attend de la satisfaction : obtenir la rémission de la peine temporelle qui se devrait, autrement, purger en purgatoire.

3. La théologie de la satisfaction.

La doctrine de la satisfaction exposée par le Maître des Sentences est devenue et reste celle de tous les théologiens. On peut en juger par saint Bonaventure et par saint Thomas.

Tous les deux traitent d’abord, In I Vum, dist. XV, de la satisfaction en général et des œuvres le plus communément imposées comme satisfactoires. Ils les rattachent toutes au groupement traditionnel : l’aumône, le jeûne et la prière. S. Bonaventure, dist. XV, p. ii, a. 1, q. iv ; S. Thomas, dist. XV, q. i, a. 4, sol. 3. Ils examinent ensuite, dist. XX, si la satisfaction imposée au pécheur doit être nécessairement accomplie par lui ou s’il peut y être suppléé par autrui : ce qui les amène à traiter des indulgences. L’un et l’autre, à propos de ces diverses questions, distinguent soigneusement les divers aspects de la satisfaction imposée par l’Église. S. Bonaventure, dist. XV, p. ii, a. 1, q. n et m ; dist. XX, p. ii, a. un., q. i et ni ; S. Thomas, dist. XV, q. i, a. 1, sol. 3 ; a. 4, sol. 1 ; q. ii, a. 1, sol. 2 ; dist. XX, q. i, a. 2, sol. 1 et 3. Destinée à réparer le scandale, elle est aussi médicinale et vindicative et ce dernier point de vue est le plus constant ; c’est par lui et uniquement par lui que s’explique à la fois la nécessité d’imposer toujours une pénitence et la possibilité néanmoins de la laisser omise ou d’en admettre des suppléances. Mais cette explication se fonde toute elle-même sur la persistance, même après le pardon, d’une peine temporelle due au péché. S. Bonaventure, dist. XV, p. ii, a. 1, q. n ; S. Thomas, dist. XIV, q. ii, a. 1, sol. 2 ; dist. XX, q. i, a. 1, sol. 3 et a. 2 ; Sum. theol., III », q. lxxxvi, a. 4.

Cette dette, ajoutent les docteurs, est si réelle qu’au cas où, faute d’avoir été imposée assez rigoureuse par le prêtre ou intégralement accomplie par le pénitent, la satisfaction ne suffit pas à l’éteindre, elle doit être acquittée au purgatoire. S. Bonaventure, dist. XX, p. i, a. un., q. i ; S. Thomas, dist. XX, q. i, a. 2, sol. 2. Mais, précisément, poursuivent-ils, parce qu’il s’agit d’une dette, elle peut être acquittée par d’autres que le débiteur lui-même. S. Bonaventure, dist. XX, p. ii, a. un., q. i ; S. Thomas, dist. XX, q. i, a. 2, sol. 3, et de là vient, que les indulgences puissent valoir au for divin : elles suppléent aux satisfactions qui ont fait

défaut. S. Bonaventure, dist. XX, p. ii, a. un., q. n ; S. Thomas dist. XX, q. i, a. 3.

Mais les indulgences ne sont pas seules à suppléer aux satisfactions. Saint Bonaventure rattache à la satisfaction par l’aumône tout ce qui met à contribution notre patience, dist. XV, p. ii, a. 1, q. iv : ce qui est reconnaître aux maux et aux peines de la vie en général une valeur de compensation pour la peine due au péché. Saint Thomas l’enseigne plus nettement encore : l’acceptation des alllictions de toute sorte, qui sont le châtiment infligé par Dieu au péché, suffît aies rendre satisfactoires. Dist. XV, q. î, a. 4, sol. 2. Elles peuvent même devenir sacramentelles, si le prêtre, comme il lui est loisible de le faire, en ajoutant à l’absolution la formule Passio Domini nostri J. C, a l’intention de les proposer comme telles à l’acceptation du pénitent. Celui-ci, dès lors, peut satisfaire à Dieu par toutes ses œuvres et le confesseur peut tenir compte de cette considération pour réduire les œuvres spéciales à lui imposer comme pénitence. Quoc’lib., iv, a. 28.

III. La satisfaction a l’époque moderne. I. LA SATISFACTION PARTIE DU SACHEMEXT DE J’É.Y/-TEA’CE. — 1° La théologie moderne de la satisfaction. -Nous venons de voir la netteté et la fermeté de l’enseignement des grands docteurs scolastiques sur la notion et sur le but de la satisfaction sacramentelle. Elle tend à parfaire la rémission du péché. En ce sens, et abstraction faite de son utilité sociale ou de son efficacité médicinale, elle est requise pour que cette rémission soit totale. Ainsi la détinira le concile de Trente, qui, de ce point de vue, la mettra sur le même pied que la contrition et la confession : Ad integram et perfectam peccatorum remissionem requiruntur. Sess. xiv, can. 4. Elle aussi fait partie de la pénitence, très pœnitentiæ partes, ibid., et le concile la présentera comme appartenant à ce titre, à la quasi materia du sacrement. Sess. xiv, c. m. Mais la doctrine ainsi proposée ou imposée au xvi° siècle est exactement celle qui a cours dans toute l’Église depuis que s’y est constituée la théologie du sacrement de pénitence.

C’est en fonction de cette théologie cpie la satisfac tion a été universellement comprise et expliquée dans l’Église depuis le xiiie siècle et les théologiens qui ont suivi le concile de Trente n’ont eu qu’à le paraphraser pour en tirer les principes dont il est nécessaire de s’inspirer dans le traitement des pécheurs. Les règles à suivre pour adapter la satisfaction à leurs besoins et à leurs dispositions sont devenues w chapitre de la théologie pastorale. À litre d’exemple et de modèle, il convient de citer en ce sens la Theologia moralis de saint Alphonse de Liguori, De pœnitentia, c. i, dub. iv, et sa Praxis confessarii, c. i, § 2 : Circa medici ofjicium. Mais la théologie spéculative n’a rien ajouté de notable à la théorie qui en avait déjà été faite. Tout au plus, à mesure que se précisait davantage la notion du sacrement et de son efficacité propre, la place qu’y occupe la satisfaction a-t-elle été plus exactement et plus fermement déterminée. On s’est rendu compte que, partie intégrante de sa quasi materia, elle y était toutefois moins indispensable que les deux autres parties pour en assurer l’existence : le péché pouvant être remis sans que le soit toute la peine temporelle qu’il entraîne, on comprend que le sacrement puisse exister ou produire son effet primaire malgré l’absence de celui des actes du pénitent qui est spécialement ordonné à son effet secondaire.

De même s’est-on appliqué à montrer comment, à quelle condition et dans quelle mesure la satisfaction, qu’elle fût accomplie avant ou après l’absolution, pouvait agir sacramentellement ou même concourir à produire la rémission du péché comme tel. Ces diverses questions n’avaient pas échappé aux docteurs sco-