Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/593

Cette page n’a pas encore été corrigée

117 1

    1. SATISFACTION##


SATISFACTION. LES TARIFS PÉNITENTIELS

1172

requis pour la pénitence publique ? Il serait vain de se le demander. Le fait est que les moines irlandais, quand ils abordaient dans les régions où leurs usages péni tentiels liaient encore inconnus et où sans doute l’on ne songeait guère à « demander la pénitence » qu’au moment de la mort, éprouvaient l’impression que la pratique de la pénitence y était à peu près inconnue : Pseniteniias medicamenla et mortificationis amor vix vcl paucis in illis reperiebantur loris, écrit à ce propos le biographe de saint Colomban. Vita, n. 11, P. L., t. lxxxvii, col. 1018 A. Par contre, le concile de Chalon-sur-Saône, en 639, can. 8, se réjouit de voir se répandre le mode de pénitence recommandé par eux : De peeniteniia peccatorum, quæ est medela animée, ulilem omnibus hominibus esse censemus ; et ut psenitentibus a sæerdolibus, data confessione, indicatur psenitentia, universitas sacerdolum noscitur consentire. Mon. Germ. hist., Concilia eevi merou., p. 210. La pénitence recommandée ainsi à tout le monde ne saurait être la pénitence publique traditionnelle et c’est bien la pratique régulière de la confession telle que l 'ont propagée en Gaule saint Colomban et ses disciples que cautionne le concile. Watkins, À history oj penance, t. ii, p. 626 ; Ducbesne, L'Église au i/ c siècle, p. 550 ; voir ci-dessus, t.xii, col. 848. Les évoques en constatent les heureux effets. Beaucoup d’entre eux, par exemple saint Oucn et saint Eloi, ont subi l’influence des monastères d’où rayonne cette discipline. Les nouveaux modes de satisfaction leur paraissent les plus propres à. inculquer aux rudes populations dont ils ont la charge les notions fondamentales de la morale chrétienne et ce que nous savons de la vie religieuse à cet âge de fer ne permet pas de douter que ce résultat ait été obtenu. Si c’est bien au vii c et au viiie siècle que les campagnes du centre, de l’est et du nord de la Gaule ont été définitivement acquises au christianisme, la transformation ainsi opérée se doit attribuer en grande partie au régime pénitenticl propagé par les nouveaux missionnaires.

b) Inconvénients et réaction. — Cependant la généralisation de ce régime n’allait pas sans danger. A « tarifer » la pénitence dans le détail comme le faisaient les livres pénitentiels, on risquait de fausser la notion même de la satisfaction à olïrir à Dieu pour le péché. On paraissait la matérialiser. Le confesseur appelé à l’imposer semblait y faire l’office d’un taxateur d’impôts. Sans doute, ces « livres des prêtres » mentionnaient-ils ici ou là la nécessité d’avoir égard à la mensura doloris dont saint Augustin, Enchiridion. c. i.xv, P. L., t. xl, col. 262, avait si heureusement rappelé qu’elle était le facteur dominant de toute vraie pénitence ; mais ils semblaient plutôt faits pour les dispenser de cette sollicitude pastorale qui, de tout temps, dans l'Église, avait été considérée comme devant présider à l’exercice du minisL re pénitenticl. Grâce à eux, sans avoir à se préoccuper de l'état d'âme des pécheurs afin d’y adapter les remèdes appropriés, on n’avait qu'à leur intimer le montant des peines encourues. Considéré ainsi en lui-même, ce système de taxation paraissait arbitraire. Appliqué par des prêtres ignorants ou intéressés, il se prêtait à la fois à une sévérité intolérable ou à une indulgence scandaleuse. Voir ci-dessus, t.xii, col. 872-871. On s’explique donc qu’au moment de la renaissance carolingienne il ait provoqué une réaction très forte. Les œuvres satisfactoires prescrites par les livres pénitentiels ne sont pas mentionnées dans les extraits des l'ères ni dans les décrets des conciles sur la pénitence qu’on trouve dans les collections canoniques : quelle en est donc la valeur et l’origine ? On se choque également du mécanisme que ces livres semblent introduire dans l’administration de la pénitence : ils laissent dans l’ombre la latitude que

la tradition ecclésiastique avait toujours réservée a

ceux qui en avaient la charge. Évêques et savants dénoncent donc le manque d’autorité de ces sacerdotum libelii et ils entreprennent d’y opposer les prescriptions pénitentielles qu’ils découvrent dans les canons de jadis. Malheureusement l’aspect même sous lequel cette législation se présentait à eux la rendait inutilisable.

c) Impossible de s’en passer : les collections canoniques inutilisables. — Dans les collections canoniques, où l’on aimait à se faire une âme antique, les prescriptions pénitentielles s’accumulaient en dehors de toute perspective historique. Elles s'énonçaient parfois en des termes qui les rendaient actuellement inintelligibles : plusieurs étaient contradictoires. L’organisation de la pénitence propre aux Églises d’Orient y était donnée comme universelle. Elle induisait à interpréter les textes romains, africains, espagnols ou galloromains en fonction d’un système avec lequel ils n’avaient aucun rapport. Aucun compte, en un mot, n’y était tenu des diversités locales qui caractérisaient la pratique ancienne, ni des adaptations ou des changements tpue les siècles y avaient fait introduire. Aussi fallait-il renoncer à y trouver des indications précises sur la conduite à tenir dans les ci constances si nouvelles où s’exerçait le ministère pastoral depuis l’accession au christianisme des masses rurales et des peuples barbares. Telle est, en tout cas, la conclusion a laquelle arrivait l’auteur d’une œuvre entreprise, au début du ix siècle, dans le dessein de vivifier l’administration de la pénitence par la reprise de contact avec la pensée antique.

Nous voulons parler de la collection canonique que, du nom de son premier éditeur, d’Achery, Spicilegium, t. xi, p. 1-100, on appelle Dacheriana. Conçue sur un plan méthodique, elle groupe dans un premier livre les extraits des lettres des papes et les canons des conciles relatifs à la pénitence. La préface que l’auteur a mise en tête peut être considérée comme « un réquisitoire discret et ferme contre l’arbitraire des pénitentiels ». G. Le Bras, supra, t.xii, col. 1173. Elle-même cependant n’est qu’un centon fait d’extraits de saint Augustin, de Gennade ou de saint Grégoire et elle aboutit à la constatation que les canons anciens ne contiennent rien de précis sur la durée de la pénitence à imposer ou sur la nature des mortifications à prescrire. Or, la raison très exactement vue de cette lacune est la latitude laissée à l'évêque dans l’appréciation des dispositions des pécheurs et de l’expiation à leur demander. Tout au plus les indications données pour quelques cas particuliers peuvent-elles aider à se régler soimême dans l’appréciation de la gravité des fautes et de la satisfaction qu’elles comportent. Mensuram temporis in agenda pmnitentia non satis attente præfigunl canones pro unoquoque crimine, sed magis in arbitrio antistitis relinquendum statuunt, quia, apud Deum, non taon valet mensura temporis quant doloris, nec abstinentia tanium ciborum sed mortificatio potius vitiorum. Profiter quod tempora peenitentise fide et conversalione pseniientium adbrevianda præcipiunt et negligentia protelanda. Exstani lumen pro quibusdam culpis modi peenitentise imposai, juxta (/nos cetera perpendendm sunt culpte, cum sil facile per eosdem modos vindictam et censwam canonum sestimare. I'. 9.

(.es remarques très judicieuses et très fondées délimitaient très exactement le profit à tirer de la tradition. Supposant l’administration de la pénitence presque exclusivement aux mains des évêques, elles rappelaient fort à propos le principe de l’adaptation qui y avait toujours présidé. Mais le difficile, dans l’organisation nouvelle du mini', (ère pénitenticl. était précisément d’appliquer ce principe. Pour le plus grand nombre des prêtres qui en étaient chargés, les collections canoniques, même s’ils les avaient connues, n’auraient été