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SATISFACTION (DENTIFIÉE A PÉNITENCE


faisait partie, au contraire, de ses conceptions les plus primitives.

II. LA SATISFACTION AV SENS DE PÉNITENCE EN Général. — 1° Aux origines. — Le mot « satisfaction », en effet, a été appliqué d’abord à l’ensemble de la pénitence, à l’ensemble des œuvres et des assujettissements ou des rites pénitentiels destinés à obtenir de Dieu le pardon des péchés. C’est en ce sens que Tertullien l’emploie : De pristinis satisfacimus conflictatione carnis et spiritus, écrit-il à propos de la pénitence antérieure au baptême. De baptismo, c. xx. Qui s’y dispose, institua Domino salisfacere. De psenitentia, v, 9. Habes cui satisfacias, est-il dit au pécheur qu’on y engage, lbid., vii, 14. Avoir honte de se soumettre à la pénitence postbaptismale, c’est avoir honte de satisfaire à Dieu : Domina offensa salisfacere. Ibid., x, 2. L’enfant prodigue est reçu par son père après lui avoir fait satisfaction : satisfacto redit, De pud., ix, 16, et ainsi le seront par Dieu les pécheurs, si, la pénitence faite, ils sont admis au pardon : Patri satisfacient. lbid., ix, 9. Car, « exterminer la chair parles jeûnes, la malpropreté, la négligence de§ soins corporels et la recherche de toutes les autres mortifications », voilà ce qui s’appelle salis Deo fæere. Ibid., xiii, 14. Et voilà la » satisfaction » à laquelle on s’offre en s’avouant pécheur pour recevoir la pénitence : Confessio satisfælionis eonsilium est… Satisfactio eon/essione disponitur. De psenit., ix, 9 et x, 2.

Même signification et même doctrine chez saint Cyprien. La « satisfaction » synthétise pour lui l’efficacité reconnue aux actes et aux œuvres de pénitence. Ils sont indispensables pour le pardon du péché, car c’est ainsi que Dieu demande à être supplié et apaisé : Dominus orandus est, Dominus noslru sutisjætione placandus est, dit-il aux lapsi en les exhortant à faire pénitence. De lapsis, 17. Les « satisfactions rachètent le péché » : Satisfælionibus et lamentalionibus justis delicta redimuntur, vulnera lacrimis abluuntur. Epist., lix, 13 (Hartel). Ainsi sont effacés, entre autres, les péchés de regard : Oculi… quæ inlicile commiserunt, satisfacientibus Deo fletibus deleant. Epist.. xxxi. 7. Acceptée des prêtres qui l’imposent, la pénitence est une satisfaction agréante à Dieu : Satisfactio et remissio per sacerdoles apud Deum grala est. De lapsis, 29 ; en ce sens, per episcopos et sæerdotes. Domino satisfit. Epist., xliii, 3. Dès avant le baptême, il est indispensable de satisfaire à Dieu par la pénitence ; mais, il ne faut pas attendre la mort pour cela : après, il ne saurait plus y avoir lieu à pénitence ni donc à satisfaction : Hortamur Dca salisfacere… Quando istinc recessum fuerit, nullus jam panitentiu-locus, nullus satisfactionis effectus. Ad Demetrianum, 25.

Le but et l’efficacité attribués à la satisfaction sont donc, à l’origine, de l’ordre le plus général. Ils résument, pourrait-on dire, la contribution du pénitent à la rémission du péché. Cette contribution est celle d’une réparation, d’une compensation. Tertullien écrit le mot ; il parle même d’un « prix » ainsi établi pour le pardon : Hoc prelio Dominus veniam addicere insliluit ; hac pœnitentiæ compensatione redimendam proposuil impunitatem. De pœnit., vi, 4. Saint Cyprien, lui, au même sens, dit « mériter la miséricorde de Dieu ». Le moyen de se l’assurer a été enseigné par Dieu luimême : c’est la satisfaction que lui sont les œuvres accomplies pour l’apaiser : Remédia propitiando Deo ipsius Dei verbis data sunt ; quid deberent fæere peccatores, magisleria divina d< cucrunt, operationibus justis Deo satisfîeri, misericordise merilis peccata purgari… mereri Dei misericordiam. De op. et eleem., 5.

Plus tard.

Cette conception générale de la

satisfaction se retrouve par la suite à toutes les époques. Elle peut se reconnaître dans l’affirmation d’Origène que les épreuves de la pénitence ecclésias l ique constituent un « sacrifice pour le péché » autrement réel et parfait que ceux de la loi ancienne. In Levit., hom. xi, 4, P. G., t.xii, col. 417 B, 418 B, 419 C ; mais elle s’affirme explicitement dans saint Ambroise : Sicut qui pecunias solvunt, …sic compensatione charitatis aetuumque reliquorum vel satisfactione quacumque peccati pœna dissolvitur. Expos, in Luc, vii, 156, P. L., t. xv, col. 1740 D. De même dans saint Augustin, par exemple Serm., xix, 3 et 2 : Placari Deo vis ? Nosce quid agas teeum, ut Deus placetur tibi… Sacrificium Deo spiritus contribulatus. …Qui peenitet, irascitur sibi… Quando ergo tundis pectus, irasceris c.ordi tuo ut satisfacias Domino tuo. P. L., t. xxxviii, col. 133.

Le concile de Vaison, en 442, à propos de la pénitence publique, parle lui aussi de satisfæloria compunctio. Can. 2, Mansi, Concil., t. vi, col. 453. Gennade, Ecclesiastica dogmata, c. xxii, dans l'édition de Turner ; c. i ni dans l'édition de Migne, ramène à la satisfaction les diverses manières dont s’obtient la rémission du péché. S’agit-ildes péchés moindres, qui troublent jusqu’aux âmes résolues à ne pas offenser Dieu, la satisfaction par les larmes et la prière peut suffire à rassurer : Satisfaciat lacrimis et orationibus. Pour les peccata capitalia et mortalia, il y a la satisfaction par la pénitence publique : Quem mortalia crimina post baptismum commissa premunt, hortar… publica psenitentia salisfacere. Ces derniers peuvent d’ailleurs être remis aussi par une satisfaction secrète, sed et sécréta satisfactione solvi possunt, sur laquelle nous aurons à revenir. Éd. Turner, dans Journal nf theol. studies, t. vii, p. 91 ; P. L.. t. i.vm, col. 991. Le même Gennade, au chapitre suivant (xxiii ou liv), donne la définition de la satisfaction que commenteront les scolastiques : Satisfactio psenitentia est causas peccalorum excidere me etmim suggestionibus aditum indulgere. Lac. cit. et cf. S. Thomas. In IV" iii, dist. XV, q. i, a. 1, qu. 3. Elle envisage plutôt le péché à éviter, mais les passages cités du chapitre qui précède montrent qu’elle tendait aussi à en obtenir le pardon, et tel est le sens où la comprend saint Grégoire le Grand : Qui se illicita meminit commisisse, a quibusdam licitis studeat abstinere, quatenus per hac conditori sua satisfaciat. In evang., hom. xxxiv. l(i, /'. L., t. lxxvi, col. 1256. Nec enim qui contumelù s irrogat, si salummodo tacuerit, salisfacit, cum profecto necesse sil ut verba prssmissa superbise verbis subjectse humilitatis impugnet. lia et cum Dca deliquimus, nequaquam satisfacimus si ah iniquitate cessamus, nisi voluptates quoque quas dileximus c contrario appositis lamentis insequamur. Reg. past, iii, 30, P. /… t. lxxvii, col. 111.

La même notion se retrouve dans saint Patrice ; Psenitentiamagente, satisfaciat Dca. Epist, iv, Haddan et Stubs, Councils and ecclesiast. documents relating to Créât Britain and Ireland, t. n b. p. 315, 1. in ; dans le Pénitentiel de saint Colomban : post satisfactionem, judicio sacerdotis fungatur altario, Epist., iv, dans Schmitz, Die Bussbùcher, t. i, p. 598 ; d" même cm ore dans l’Historia Francorum de Grégoire de Tours : psenitentise satisfactio, 1. IX. c xli, P. L.. t. lxxi, col. 521 H.

Aujourd’hui encore d’ailleurs, c’est à cette idée générale de satisfaction que se ramène la définition de ce que, en théologie, l’on appelle la vertu propre de pénitence. La caractéristique de cette vertu, note saint Thomas, ce qui fait sa valeur morale, c’est d" tendre à la destruction du péché en tant cpi’il es ! offense de Dieu : operari ad destructionem peccati prseteriti, in quantum est Dei offensa. III- 1, q. i.xxxv, a. 2. Elle se définit par la douleur ou le déplaisir du péché, s’accompagnant de l’intention de supprimer la conséquence qu’en es ! eette offense de Dieu : Displicenfia seu reprebatio facli pneteriti, cum intentione removendi