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SANG DU CHRIST


était composée de trois membres, dont nous connaissons Guillaume de Vaurouillon, de réputation brillante et tapageuse, et François de La Rovère, le futur Sixte IV, dont le traité fut imprimé ultérieurement, sous son pontificat, dans l’une des premières typographies de Rome. L'évêque de Ferrare, Laurent Roverella, soutint en séance l’opinion franciscaine.

Hormis les extraits donnés par Échard, loc. cit., ces textes sont inédits : des débats nous avons le récit circonstancié par un témoin oculaire, Jean Gobellini, secrétaire du pape, dans ses PU II conunentarii rerum mirabilium, Francfort, 1 « 14, p. 278-292. Tout en étant favorable à l’opinion des dominicains, ainsi que la majorité des prélats. Pie II jugea inopportun de la proposer officiellement et interdit aux deux parties d’en disputer ultérieurement : c’est l’objet de la bulle Ineffabilis summi providentia du 1° août 1464. Denz.Bannw., n. 718. Quelques années plus tard, le dominicain Léonard Mattei, d’L’dine, devait composer un assez long traité, qu’on éditera à Venise, Kit 7 : Tractatus mirabilis de sanguine Christi in triduo mortis efjuso.

La doctrine en litige avait provoqué jadis une première controverse, à Barcelone, en 1351, où le gardien des frères mineurs avait enseigné en chaire que le sang du Christ, répandu et séparé de son corps, était également séparé de sa divinité, et n'était donc plus adorable. L’inquisiteur d’Aragon, le dominicain Nicolas Rosell, fit porter l’affaire devant Clément VI, à Avignon, par le cardinal Jean des.Moulins. Réponse fut notifiée, par le même intermédiaire, le 20 juillet 1352, condamnant la proposition comme hérétique. Bullarium ord. pried., t. ii, Rome, 1730, p. 235. Le récit de l’incident est donné par Wadding, Annales fratrum ininorum, ad ann. 1351, n. 13 et 16. Évocation en fut faite naturellement au cours des discussions de 1 1621464.

Les positions prises dans ces polémiques démesurées se rattachent aux controverses d'école sur l’union de l'âme et du corps, dont application était faite par les deux parties au cas du Christ. Tous tenaient que le corps du Christ au tombeau restait uni à la personne du Verbe ; mais, pour rendre raison théoriquement de cette union, les thomistes, en conséquence de leur théorie de l’unité de la forme substantielle dans le composé humain, pensaient que ce corps n’avait plus sa forme humaine, et ne conservait son identité personnelle que par sa relation directe au Verbe, tandis que les franciscains, en conséquence de leur thèse de la pluralité des formes, estimaient que le corps était totalement identique, de par la même forme corporelle, forma corporeitatis. On sait que ce fui là, au xiii* sièc !. l’un des débals annexes au grand conflit aristotélicien de l’unité des formes substantielles. Cf. I'. Glorieux, Les premières polémiques thomistes. Paris, 1937, p. 1271 12, 107-409, où sont publiés les textes primitifs de la polémique. Si l’on considère alors le cas du sang versé, il apparail que, pour les thomistes, ce sang, tout comme le corps, garde a relation directe à la personne du Verbe, et donc est digne d’adoration ; tandis que, pour les franciscains, ce saut ; n'étant plus sub forma corporeitatis, n’a plus de rapport avec le Verbe.

Derrière ces spéculations était en jeu plus réellement un certain sens chrétien qui, sans souci « les difficultés philosophiques, voit et adore dans le sang du Christ répandu, le « précieux sang ». le signe le plus sensible et l’instrument effectif de la rédemption. C’est d’ailleurs à cette conviction de la ferveur chrétienne que se référèrent d’abord, comme à. un lieu théologique qualifié, les théologiens dominicains dans les congrégations de Pie IL La théologie de l’union hyposta tique vient rendre raison de cette croyance, comme elle rend raison de la persistance de l’union du corps au

Verbe. Sanguis Me in passione effusus humanum gênas sanctificavit, secundum illud Hebr., xiii, 12 : « Jésus, ul sanctiflearet per sanguinem suum populum, extra portam passus est. » Humanitas autem Christi salutiferam virtutem Imbuit ex virtute Verbi sibi unili ; unde manifestum est quod sanguis in passione effusus, qui maxime fuit salubris, fait divinitati unitus. Et saint Thomas ajoute : Et ideo oportuit quod in resurrectione jungeretur (diis humanitatis nartibus. Quodl. v, a. 5. Ce qui nous conduit à l’objet de la seconde controverse.

II. La controverse des reliques.

Quelques années en effet avant la querelle italienne, s'était élevée une dispute à La Rochelle, où était présentée traditionnellement à l’adoration des fidèles, dans l'église des franciscains, une parcelle du « précieux sang. Certains déclarèrent irrecevable une pareille vénération, parce que, disaient-ils, le Christ dans sa résurrection a repris tout son sang versé. L’affaire, portée devant la faculté de théologie de Paris, fut conclue en faveur du culte, par décision du 28 mai 1448 : Non répugnât pietati fuletium credere, quod aliquid de sanguine Christi efjuso temporc pissionis remanseril in terris. À cette unanime approbation participèrent non seulement le dominicain.Michel de Epila, mais aussi le franciscain Guillaume de Vaurouillon, celui qui devait batailler plus tard dans la controverse italienne.

L'évêque Guy de La Roche ayant maintenu son opposition au culte, la cause fut déférée au pape Nicolas V, qui confirma ce culte par la bulle du 19 août 1449. Mais les considérants donnés déplacent entièrement le problème : le pape fonde son approbation non pas sur la persistance terrestre de quelques parcelles du sang de la passion, objet de la controverse, mais sur l’origine miraculeuse de ce sang vénéré, qui n’aurait dès lors aucun lien historique avec la mort du Christ. Dans un sermon cité au VIIe concile oecuménique de Nicée, 787, et que Nicolas V attribue à saint Athanase, est raconté, en faveur du culte des images, un miracle accompli à Beyrouth, où d’une image lacérée par les juifs coula du sang en abondance, lequel, ajoute le pape, a été distribué à travers toute la chrétienté. Les disputeurs de La Rochelle ni les maîtres parisiens n’avaient soupçonné cette origine. L’histoire était cependant connue depuis longtemps ; S. Thomas, loc. cit., et Sum. theol., III", q. liv, a. 2, ad 3um, se fonde expressément sur ce miracle pour expliquer la présence d’un sang vénérable : car il maintient, comme noir, l’avons vii, que le Christ, à la résurrection, a repris l’intégrité de son sang versé, ce que niaient les maître parisiens.

Quant au récit lu au concile de 787, il n’est pas de saint Athanase, mais se rapporte à un événement de peu antérieur au dit concile. Dans sa Chronica, en effet, Sigebert de Gembloux, xre siècle, raconte à l’année 765 le miracle de Beyrouth et la distribution par l'évêque du sang merveilleux. Mon. Germ. hist., Script., t. vi, p. 333. L'événement avait fait sensation et mémoire en fut célébrée dans les leclionnaires ou les chroniques des églises ; le martyrologe romain en lit mention le 9 novembre. Sans doute avons-nous là' l’origine des nombreuses reliques du précieux sang » et du culte qui lui fut rendu ainsi en Orient et en Occident, non sans que souvent manquassent, comme à La Rochelle, le discernement histo rique et la qualification théologique des deux cas difïé renls. celui du sang de la passion et celui de l’image miraculeuse.

I. Benoit IY. De servorum Dei bealificatiom et beatorum canonizatione, I. ii, Prati, 1839, c. xxx, à l’occasion du cas posé par la canonisation de Jacques de La Marche, le franciscain qui avait provoqué la controverse de 1 hi’J, présente un récil détaillé des événements et en analyse le contenu