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SALMERON (ALPHONSE)


II. Œuvres (voir pour les éditions, Sommervogel, t. vii, col. 478 sq.). — En dehors des interventions au concile, publiées dans le Concilium Tridentinum de la Gôrresgesellschaft, t. ix etxii, les œuvres éditées comprennent : deux volumes do Lettres, dans les iV/o/?umenta historien Soeielalis Jesu (Madrid, 1006 et 1907). L’une de ces lettres (t. ii, p. 709), sur la liberté d’opinion dans la Compagnie de Jésus en matière philosophique et théologique avait été déjà traduite et publiée par le P. Matignon dans les Études, III sér., t. v (1864), p. 577-581. (Voir ici article Jésuites, t. viii a, col. 1021.) Un Discours prononcé au concile de Trente (1546), pour la fête de saint Jean l'Évangélistc, publié à Rome, mars 1547, et réédité plusieurs fois depuis. Un Mémoire présenté le 16 octobre 1546 à la congrégstion d< s théologiens du concile, sur la double justice (inhérente et imputée). Ce mémoire, non publié dans le Concilium Tridentinum, a été édité par Mgr Ehscs dans la Romische Quartalschrift, t. xxvii, 1913, p. 129*, avec une introduction, p. 20*. Seize volumes de Commentaires. Les douze premiers tomes portent le titre : C.ommentarii in Evangelicam historiam et in Aeta apostolurum ; mais contiennent en réalité un volume d’introduction, Prolegomena, t. i et un demi-volume (2e moitié du t. xii) de dissertations théologiques sur divers sujets. L’une de ces dissertations a fourni à J.-B. Andries la matière d’un volume : Alphonsi Sulmeronis dectrina de jurisdietionis episcopalis origine ac ratione, xxxii-208 p., Mayence, 1871. A tort, croyons-nous, Sommervogel après le P. Grisar en conteste la paternité à Salmeron pour l’attribuer à Lainez. Voir la réfutation des arguments du P. Grisar dans les Monumenla historica S. J., t. i, préf., p. xxix sq. Les quatre derniers tomes traitent des épîtres : Commentarii in omnes epistolas b. Pauli et canonicas in quatuor tomis distribuli.

Ces commentaires, fruit des nombreuses prédications de Salmeron et de ses travaux au concile, ont été rédigés par lui durant ses dernières années. Les quatre premiers tomes ont été soigneusement revus d’après les indications de saint Robert Bellarmin, qui passa cinq mois à Naples uniquement occupé à ce travail. Le reste du commentaire évangélique a eu pour réviseur le P. Fæz ; les actes et les épîtres, le P. Fogliani. Le P. Pérez de Nueroz n’a eu qu'à éditer après la mort de Salmeron les manuscrits laissés tout prêts pour l’impression (cf. Monumenla, p. xxx, contre l’opinion du P. Grisar qui croyait à pas mal de remaniements).

Œuvre de théologien autant que d’exégète, les commentaires constituent souvent, en une série de petits traités successifs, à l’occasion et à la suite du texte du Nouveau Testament, toute une théologie script uraire à laquelle il ne manque qu’une mise en ordre didactique. C'était là une heureuse réaction contre les abus de la théologie trop abstraite, trop dialectique, et d’attache scripturaire trop lointaine. Bellarmin s’inspire de la méthode en ses Controverses, et, par l’abondance de la science positive, la voie est ouverte à Petau. On ne peut donc séparer en Salmeron l’exégète du théologien. Si les traités du t. xii apparaissent plus proprement théologiques, c’est qu’ils ont reçu un plus ample développement ; mais la méthode demeure identique à travers l'œuvre entière. C’est donc plutôt un double aspect de cette œuvre que nous examinerons en étudiant l’exégète et le théologien, à quoi nous joindrons un développement sur le rôle de Salmeron au concile de Trente.

L’exégète.

Nous ne pouvons que fixer des traits

généraux qui aident à situer Salmeron dans la lignée des exégètes. Cela même n’est pas rendu très facile par sa manière peu didactique.

Dans ses Prolégomènes, trois chapitres (ix-xi), sont intitulés : Règles pour déterminer le sens littéral de

l'Écriture. C’est là, semble-t-il, qu’il faut chercher surtout sa pensée. Chacun des chapitres comprend 50 règles distribuées suivant un ordre assez lâche. Le c. ix, plus général, traite des textes et des versions de l'Écriture, de l’aide que peuvent fournir les disciplines annexes, de l’abus du sens symbolique, des différents sens littéraux, des manières de parler de l'Écriture. Le c. x se réfère plus spécialement à l’Ancien Testament et constitue de façon assez large une introduction à ses différents livres : Genèse, livre de Job, Psaumes, Livres sapientiaux, ("antique, Prophètes. Dans ce cadre trouvent place de courtes dissertations sur les anges, la nature de la prescience divine, les promesses et les châtiments divins, la prophétie. Les règles du c. xi se rapportent à l'Évangile et traitent du but des évangélistes, des noms du Messie et à ce sujet de la communication des idiomes et de l’union hypostatique, de la Loi ancienne, des paraboles, des miracles, des différentes manières de parler de l'Évangile, des termes Deus et Spirilus ; suit ne longue digression sur le. Iriclinium et la manière de prendre les repas chez les Romains de l’empire. Résumons en quelques traits plus caractéristiques l’herméneutique de Salmeron.

1. Il se montre héritier des Pères dans la très haute idée qu’il se fait de l’Ecriture, parole de Dieu, d’une inerrance absolue, se rapportant toute à Jésus-Christ, n’ayant son sens vrai qu’en lui, mais ayant par rapport à lui une plénitude et une richesse de sens qu’une première vue ne saurait épuiser.

Cette idée l’entraîne à quelques conclusions moins heureuses sur la pluralité du sens littéral, qu’il croit pouvoir établir par l’exemple de 9 textes qui ont reçu des auteurs inspirés eux-mêmes des interprétations multiples. Tout sens qui édifie la charité, pense-t-il (c. ix, règle 34), est rccevable comme sens authentique voulu par l' Esprit-Saint, dès lors qu’on peut le confirmer par un autre passage de l'Écriture.

Mais son interprétation du sens général de l’Ecclésiaste et de sa valeur dans la préparation messianique, du sens spirituel du Cantique, enfin ses vues élevées et larges sur la valeur de la Loi mosaïque et sur les préparations évangéliques qui se trouvent dans toutes les économies sont une excellente application de ce sens chrétien traditionnel.

2. Salmeron se montre ouvert à toutes les disciplines annexes qui peuvent servir à établir le texte et le sens de l'Écriture. Certains de ses jugements sont sujets à révision, touchant la valeur sans conteste ; eie la version des I.XX ou la manière d’entendre l’authenticité de la Vulgate. À l’inverse', sa méfiance du texte massorétique paraîtra exagérée. Du me>ins ne refusc-t-il aucun secours. Les dissertations sur la chronologie, les institutions, la grammaire supposent une science étendue et bien au courant pour son temps. L’antiquité profane lui sert à éclairer les textes sacrés.

3. Mais, s’il est ouvert aux connaissances les plus variées, Salmeron n’est nullement un initiateur. Il s’en tient aux positions traditionnelles, avec un penchant pour les plus sûres. Qu’il s’agisse ele l’attribution ek’s Livres ou du genre littéraire, eh’s doublets, des contradictions apparentes ou de-s autres problèmes bibliemes, ses solutions paraîtront souvent retardataires et ses exégèses d’un littéralisme quelque peu étroit. Il faut néanmoins, pour le juger équitablement, le replacer à son époque.

Citons quelques exemples : tous les psaumes, sans distinction, sont attribués à David et l’on maintient l’authenticité salomonienne de tous les Livres sapientiaux. Job est sans controverse possible livre historique. Les jours de la Genèse sont à prendre au sens propre, ainsi que le récit de la formation du corps de la femme. Les divergences des évangiles touchant le bâton, autorisé ou non, au ministère, témoignent d’une