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SALAMANQUE (THÉOLOGIENS DE). LA MORALE


col. 555-556. On retrouve en cette double infidélité, et sur des points vifs de la théologie de saint Thomas, le même souci de réaction contre l’augustinisme contemporain que découvrent aussi certaines parties du traité de la grâce.

9° Sur les vertus et l’accroissement des vertus (tr. XII, disp. IV, t. vi, p. 37 1 -391 ; tr. XIX, disp. V, t.xii, p. 152-274). — En vue spécialement de définir la vertu acquise dans ses rapports avec la charité, à l’imitation d’ailleurs d’autres thomistes, les Salmanticenses en soumettent la notion à des distinctions multiples qui ne semblent pas sauvegarder, qui du moins rendraient sujet à méprise, le jugement simple et ferme de saint Thomas sur la valeur de la vertu acquise comme sur la compétence exclusive de la vertu infuse à chaque fois qu’il s’agit de vie et de mérite surnaturels. Sur l’accroissement des vertus, l’opinion de Iiaîiez relative à la récompense des actes rémittents, la plus fidèle, croyons-nous, à l’inspiration de saint Thomas, a paru rigide à nos théologiens, qui n’ont garde cependant d’en déprécier la probabilité. Ils préfèrent penser, pour leur compte, que l’accroissement de la récompense essentielle tient non seulement à la ferveur plus grande de la charité mais à la multiplication et continuation des actes méritoires. L’accroissement de la charité dû au mérite des actes rémittents est conféré au premier instant de la glorification, à moins qu’il ne l’ait été au purgatoire. Cf. Th. Deman, Accroissement des vertus, dans le Dict. de spiritualité, t. i, col. 151.

10° Sur l’altrilion et la contrition (tr. XXIV, disp. VII, t. xx, p. 15-171). — Leur position en cette matière controversée ressort des énoncés suivants, qui se ressentent des opinions du temps plus que de la docilité au Docteur angélique. Comme douleur requise au titre de partie du sacrement de pénitence, la contrition n’est pas exigée, mais l’attrition suffit : ainsi l’enseignent communément les théologiens, surtout après le concile de Trente. N. 9. Pour que l’attrition fasse partie du sacrement, il est requis qu’elle soit surnaturelle, mais non qu’elle soit de tout point efficace et absolue : ce qu’ils appellent une attrition surnaturelle inefficace. N. 19. Mais au fruit ou à l’effet du sacrement, c’est-à-dire pour que soit reçue la grâce et remis le péché, l’attrition efficace est requise. X. 2(i. L’opinion est aussi réfutée de certains théologiens catholiques demandant, pour que soit obtenu l’effet du sacrement de pénitence, un amour de la justice. X. 39 sq.

11° Sur les vœux solennels (tr. XX, disp. I, dub. vii, t.xii, p. 387-409). — On voit au contraire nos théologiens énergiquement attachés à la pensée de saint Thomas s’il s’agit de soustraire à toute possibilité de dispense les vœux solennels : même le souverain pontife ne peut permettre le mariage à qui les a prononcés. N. 91. Sur quoi ils prennent vivement à partie Cajétan, de qui un certain libéralisme en celle matière, où la théologie doit compter avec les usages romains, leur semble être une infidélité à saint Thomas.

12°.Sur le motif de l’incarnation (tr. XXI, dis ;). ii, dub. i, t. xiii, p. 263-309). — Nos Salmanticenses se situent au terme du patient effort des thomistes du xvii c siècle (notamment Godoy, III a, tr. I, disp. VIII ; Gonet, Clypeus, De. incarn., disp. V, § G, n. lii-lvii), qui ont tenté d’assumer dans la doctrine de saint Thomas (le Verbe s’est incarné à cause du péché) le meilleur des vues scotistes (le Christ est pourtant le premier dans les intentions de Dieu). La doctrine qu’ils professent sur ce point est déjà élans Gonct, mais elle trouve chez eux son plus heureux équilibre et son plus ample développement.

Ils se refusent à multiplier les « instants » dans le Décret divin, à la façon de Contenson (recopié par Billuart), qui s’inspire de Capréolus (copié par le Ferrarais ) et l’enrichit des vues de Jean de Saint-Thomas ;

mais, comme Gonet, ils accueillent franchement l’idée de Scot : le Christ est le premier voulu, et ils l’appuient des preuves scripturaires et traditionnelles en usage chez les scotistes. Thèse qu’il serait assez difficile de retrouver chez saint Thomas et même chez saint Paul ; sur laquelle aussi des thomistes comme Capréolus, Cajétan, Jean de Saint-Thomas sont plus discrets, encore que l’on puisse observer des uns aux autres, à partir de l’intervention décisive de Scot en cette théologie, comme un accueil progressif à ce qu’avait d’émouvant pour le chrétien l’inspiration scotiste. Gonet et les Salmanticenses en viennent à poser en fin première l’incarnation tout court, liée (d’une façon qui paraît arbitraire) à cette condition : qu’elle sera rédemptrice. [Un théologien comme le R. P. Galtier a cru retrouver dans la solution des Salmanticenses, d’ailleurs commune chez les thomistes modernes, ce qu’il estime être la position de Molina : Le vrai motif de l’incarnation, dans la Nouvelle revue théologique, t. xliii, 1911, p. 44-57, 104-124 ; cf. spécialement p. 45 et 110.]

A ce propos de l’incarnation, consignons aussi (cf. art. Jésus-Christ, t. viii, col. 1278-1279) que nos théologiens, sur le problème récent (postérieur à Cajétan ) et bien subtil de la sainteté substantielle de l’humanité du Christ, adoptent une position moyenne à l’intérieur de l’école thomiste. Disp. XII, dub. iv, n. 50, 58-60.

Le vrai sens et la juste mesure du thomisme des Salmanticenses ne pourra ressortir que d’observations comme celles que nous venons de proposer. Du moins se trouvent dès maintenant confirmées les remarques que nous suggérait ci-dessus la méthode de nos théologiens. Tout en partageant donc la sympathie et l’admiration qui les inspirent, nous ne souscririons pas sans réserve à ces lignes qn’écrivait à leur éloge un thomiste de leurs contemporains, Jérôme Vives (De scientia média, lib. I, disp. III, n. 32, Valence, 1645) : Quod dixerim, ut quoties legeris Cursum Carmelitanum allégation, adeo egregium quid concipias in schola D. Thomas, ut hoc solo sententia cui patrocinatur j<rn vere thomistica sit habenda.

V. Le CURSUS THEOLOQI& UORALIS. — Outre le Cours scolastique dont nous avons parlé jusqu’ici. est sorti du même collège des carmes déchaussés de Salamanque, conformément à la distribution alors régnante de l’enseignement théologique, un Cours de théologie morale, auquel le précédent l’ait plusieurs lois allusion. L’objet en est la préparation prochaine et pour ainsi dire technique des jeunes religieux, au terme de leurs études scolasliqucs, à leur ministère de confesseurs. Celui-ci est à son tour une œuvre collective mais non plus anonynre.

François de Jésus-Marie († 1677) composa et fit paraître en 1665 à Salamanque le t. i de l’ouvrage, comprenant en sept traités l’étude des sacrements (excepté le mariage et l’ordre). Le t. ii, avec les traités de l’ordre, du mariage, des censures, parut à Salamanque en 1666, écrit par André de la Mère de Dieu († 107 1). Au même auteur sont dus le t. iii, avec quatre traités : des lois, de la justice et « lu droit, de la restitution, des contrats, et le t. iv, avec cinq traités : de l’état religieux, des heures canoniales, du vœu et du serment, des privilèges, de la simonie, tous les deux publiés à Salamanque en 1668. Sébastien de Saint-Joachim (ï 1714) est l’auteur du t. v, qui comprend les quatre traités du principe de la moralité, du premier précepte du décalogue où il est aussi parlé de la foi, de l’espérance, de la charité, de la religion et des vices opposés, du second précepte élu décalogue où est étudiée l’abjuration, du troisième précepte du décalogue où l’on traite des préceptes de l’Église. Le t. vi et dernier (Madrid, 1724), commencé par le précédent, fut