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    1. SALAMANQUE (THÉOLOGIENS DE)##


SALAMANQUE (THÉOLOGIENS DE). I. A DOCTRINE

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4. En revanche, en matière de réprobation (dans un traité antérieur), ils tiennent, aveu-Jean de Saint-Thomas cette t’ois et Gonet, comme aussi Contenson, pour une réprobation comme refus positif du royaume, sans que cette exclusion ait raison de peine, mais seulement de dénégation d’un bienfait non dû ; auquel cas elle n’a point de cause du côté des réprouvés, mais Dieu entend les exclure du royaume avant toute prévision de leurs péchés ou, si l’on veut, indépendamment de leur prévision et sans que les péchés soient la cause d’une telle volonté. Tr. IV, disp. VIII, n. 24. Cette position, qui semble avoir été commune, fut plus tard délaissée en faveur d’une idée jugée moins rigoureuse de la réprobation : cf. l’art. Prédestination, t. xii, col. 2986.

Il ne manque pas, dans les exposés des Salmanticenses relatifs à, la grâce ou aux matières connexes, d’informations précieuses à l’historien de la théologie. Nos auteurs méritent à. ce titre d’être consultés, compte tenu, bien entendu, de leurs préférences doctrinales. Ainsi, dans la disp. X, du tr. III, l’une des trois disputes qu’ils consacrent à démontrer l’impossibilité de la science moyenne, ils s’étendent longuement sur les débats menés dans les congrégations De auxiliis sur la question de savoir si la science moyenne est dans saint Augustin ; ils rapportent à ce sujet un témoignage très net, qui peut être versé au dossier de l’affaire (n. 69 ; dans l’éd. Palmé, corriger vers la fin julsum en fassum). Voir aussi ibid., les n. 92 et 130, au tr. XIV, disp. I, n. 251. Ils revendiquent très énergiquement comme n’étant pas nouvelle mais traditionnelle dans l’école Ihomiste, la doctrine de Ranez des prédéfinitions divines absolues et de soi efficaces. Tr. III, n. 122124. On trouvera dans leur tr. XIV, dis]). VI, c. vi, une liste des ouvrages parus sur la grâce, nonobstant les décrets pontificaux de 1611, 1625, 1611 : avec une longue et prudente discussion sur la valeur actuelle de ces décrets et le droit que conservent les théologiens catholiques de traiter les matières de auxiliis : intéressant témoignage de la situation où se sentaient les théologiens et des précautions qu’ils estimaient devoir prendre.

6° Sur le mérite (tr. XVI, disp. IV, t. x, p. 717-778).

— Les Salmanticenses ont une doctrine originale sur les rapports du mérite avec la charité. D’une part, ils tiennent que, dans les actes impérés par la charité, il y a un mérite distinct de celui qu’on trouve dans les actes mêmes de charité : avec Suarez et contre Raiicz. N. 22. De même, s’ils déclarent, n. 27, que la raison formelle et principale de l’accroissement du mérite consiste dans la charité, en sorte qu’un acte ne peut devenir plus méritoire s’il ne croit de quelque façon dans la charité, cependant ils estiment, n..’il’., que toute bonté morale advenant à nos actes d’ailleurs que de la charité augmente le mérite par rapport même à la récompense essentielle, quoique non au titre de cause formelle, comme fait la charité, mais plutôt au titre de cause matérielle : en sorte que, dans tout acte méritoire, il y a autant de degrés de mérite par rapport à la récompense essentielle que cet acte a de degrés de bonté morale, d’où que vienne celle-ci. Ils entendent donc que, la charité restant égale, le mérite peut grandir : car la bonté morale multipliée fait que, par cette même charité, l’acte sera davantage informé. Ici encore ils sont avec Suarez contre lianeL. A juste raison, on a de nos jours combattu celle opinion : .1. E. Van Roey, De virtute caritatis quæstiones sélect se, Matines, 1929, p. 201-204 ; on doit néanmoins remarquer qu’elle n’est point solidaire de la doctrine, défendue par nos théologiens, mais cette fois à juste raison, d’une participation intrinsèque de la charité dans les vertus Infuses. Cf. Bulletin thomiste, t. m. 1930-1933, p. 82.

D’autre part, ils admettent l’influence de la charité sur l’acte méritoire par le seul effet de l’habilus de. charité, et sans qu’aucun acte de cette vertu ait été encore émis ; ils avouent cependant que l’opinion contraire est assez probable, même selon saint Thomas. X. 117. Il faut cette fois nier l’hypothèse même d’une charité infusée sans un acte inspiré d’elle, hypothèse liée, chez nos théologiens, à leur attritionnisme (cf. infra). Ils sont conduits à dire, n. 122, que parla vertu du sacrement Dieu supplée à la nécessité commune de l’acte de charité : où, décidément, il est difficile de reconnaître saint Thomas.

Par ailleurs, et conformément cette fois à ce dernier, les Salmanticenses enseignent que la première grâce sanctifiante n’est point méritée d’un mérite de congruo proprement dit, qui serait comme un droit sur l’amitié. Disp. VI, n. 5-6 ; t. x, p. 793-794. On remarquera aussi, à titre de curiosité, la question (qui ne leur est point propre) : Ulrum sanctissimus paler noster Elias et Enoch sint in statu merendi et de facto mereantur, avec sa réponse affirmative. Disp. I, dub. v, t. x, p. 687-692.

7° Sur la surnaturalilé de l’acte de foi (tr. XVII, disp. I, t. xi, p. 4-95 ; tr. XIV, disp. III, dub. iii, t. ix, p. 3 1 1-378). — Leur doctrine sur ce point a donné lieu à un débat. Selon les uns (voir S. Harent, art. For, t. v, col. 492), ils tiendraient qu’une connaissance purement naturelle du motif formel de la foi, savoir la divine autorité et la divine révélation, ne cause point préjudice au caractère surn, ?turel de la foi, lequel dès lors aurait un sens relativement affaibli. Est invoqué en ce sens le tr. XVII, disp. I, n. 180. Cette opinion a suscité une protestation et une mise au point (P. Dulau, La pensée de Suarez et celle des Salmanticenses dans la question De ultima fidei resolutione. L’opinion de M. Harent, dans Revue thomiste, t. xxxi, 1926, p. 517522). Utilisant les tr. XVII et XIV, disp. III, dub. iii, spécialement n. 28, 37, 40-61, on montre que nos théologiens distinguent une résolution de la foi ex parte subjecti et une résolution ex parte objecti. Et, s’il est vrai que, selon le premier membre, ls foi se résout dans l’évidence naturelle de crédibilité, elle ne laisse pas d’être entièrement surnaturelle du côté de son objet qui, surnaturel en lui-même, motive la foi à ce titre (même interprétation par R. Garrigou-Lagrange, De reoelatione, 3e éd., p. 2 19 sq.). Il semble bien en effet que les Salmanticenses sont ici demeurés substantiellement fidèles à saint Thomas, encore que leur terminologie et leur argumentation ne traduisent point la position authentique du problème.

8° Sur le péché (tr. XIII, t. vu et viii). — En ce traité particulièrement, l’on prendra l’idée du degré d’affinement et d’élaboration où peut atteindre une théologie. Les auteurs sont très généralement fidèles à saint Thomas. On peut signaler cependant qu’avec d’autres thomistes, ils voient le constitutif formel du péché dans la malice positive ou de contrariété plutôt tpie dans la privation : en quoi ils adoptent une formule synthétique du péché de préférence à la formule disjonctive qui était celle de saint Thomas ; voir ici art. Péché, l. xiii, col. 149-153. Sur le péché de la sensualité, ils oui restreint la doctrine de. saint’Thomas, non sans solliciter les textes. Cf. ibid., col. 181-182. En revanche, sur le point délicat du premier péché de l’enfant, ils ont maintenu la conclusion du maître, dont ils proposent même une. intéressante justification. Cf. ibid., col. 251-254.

En leur doctrine du péché originel, ils s’avèrent dépendants de la théorie de Catharin, qui altère profondément la doctrine thomiste de la transmission de ce péché. Voir ici art. PÉCHÉ ORIGINEL, t. XIII, ni. 555, El quant à l’essence du péché originel, ils la font consister dans la privation de la grâce. Ibid.,