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    1. SALAIRE##


SALAIRE. CONTRAT DE LOUAGE DE SERVICES

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Lorsque, vers le dernier siècle de la République, le contrat consensuel de locatio engendra entre le travailkur libre et l’employeur d"s obligations réciproques, personnelles, juridiquement reconnues et munies d’actions, il ne fut plus question d’un droit réil de l’employeur sur l’ouvrier, pas plus que le locataire n’obtenait un droit réel sur la maison ou la chose louée. Mais ce progrès dans l’expression jurid’quc ne modifia pas la condition du travailleur qui se louait ; il continua d<’servir, loco servi ; par contrat, il se mettait à la disposition, il s’engageait au service du preneur qui l’emmenait (conductor). Juridiquement libre et citoyen, tout de même que le nrxus et que le mancipatus, en fait le locatnr ne s’appartenait plus et se trouvait assujetti à un maître moyennant le versement d’une mcrc.es, un loyer, son salaire.

Sous les distinctions juridiques, l’assimilation effective du salarié à l’esclave se maintenait si bien que le contrat de louage, en ce qui concerne le travail, prit deux formes particulières, manifestement liées à deux situations concrètes dans lesquelles, et pour des raisons identiques, esclaves et ouvriers libres pouvaient se rencontrer.

L’esclave en droit n’est pas une personne, mais une chose. Toutefois les conditions psychologiques et économiques de la vie sociale firent que les esclaves, privés d-- personnalité juridique, se virent reconnaître une certaine personnalité de fait. Or, cette personnalité de fait entraîna, dès le début du droit romain, des conséquences significatives, en droit privé : l’esclave fut admis à représenter son maître, à acquérir, à agir pour lui et dans son intérêt. Avant même la fin de la République, le préteur (dicta que l’esclave, agissant de l’avtu de son maître, engagerait celui-ci. C’était reconnaître et aménager juridiquement des combinaisons aussi utiles au maître que favorables à l’esclave. Désormais, l’esclave étant capable d’engager le maître, celui-ci peut le charger de négocier une affaire, de diriger une entreprise commerciale, industrielle, agricole ; il peut le mettre à la tête d’un navire ou d’une banque. Et si le maître veut limiter ses risques propres ou s’épargner les soucis de la direction et du contrôle, il laisse à la disposition de l’esclave le pécule, c’est-à-dire une masse de biens, comprenant des valeurs de toute nature, argent, bétail, champs, maisons, esclaves, marchandises, navires, fonds de commerce, etc., que l’esclave pourra faire fructifier à son gré et dans les limites duquel il engagera son maître. Ce pécule, théoriquement, appartient toujours au maître ; en fait, l’esclave en dispose librement et souvent le pécule, bien géré et arrondi, fournit à l’esclave intelligent le prix de son affranchissement.

Il y a donc lieu de distinguer sous la rubrique commune et abstraite eh’l’esclavage, d-ux conditions très différentes, commandées par les nécessités de la viesociale et économique : un esclavage rigoureux, lié au service domestique, au travail subalterne élans les entreprises industrielles et commerciales et surtout au travail d’équipe sur les domaines ruraux ou dans les exploitations de mines et de carrières ; et un esclavage-mitigé par la loi même de la situation, lorsque l’esclave, se trouvant revêtu d’une certaine responsabilité économique, dispose d’une partie el<son temps, organise son travail d’artisan ou ele directeur et jouit d’une réelle autonomie, moyennanl quelques charges et prestations epii prennent peu à peu an caractère coutumier et échappent ainsi à l’arbitraire du maître-, tue évolution analogue-, sous l’influence d-s mêmes causes économiques, reparaîtra dans le haut Moyen Age-, lorsque le serf se transformera en tenancier.

On n’e-st pas surpris ele voir cette elualité eh-conditions, issue élu régime (le-travail et non de l’étal servile,

s’imposer aux travailleurs libres eux-mêmes et s’exprimer techniquement sous les d"UX espèces de contrat de travail : la lecatio < péris faciendi et la locatio operarum. Il y a cette différence entre l’opus (ouvrage) et les aperce (services), que le premier consiste dans une réalité extérie ure résultant du travail, tandis que les secondes consistent dans l’action de travailler sous quelqu’un, abstraction faite du résultat. Le maître peut d mander l’opus, et laisse alors l’ouvrier plus ou moins libre et responsable du processus de production ; ou demander les opérée, et, dans ce cas, la domination du maître est constante et pèse sur toutes les phases du travail, au lieu que, dms le premier cas, l’activité laborieuse échappe à la direction et parfois au contrôle immédiat du maître. Généralement, les travaux les plus relevés, ceux qui d mandent du soin, d" l’habileté, une certaine p rsonnalité artistique, sont l’objet de la stipulatio ou de la locatio operis faciendi ; les ouvriers qui s’y ad mnent jouissent d’une relative indépendance et possèdent souvent leur outillage, à la façon d’artisans. Au contraire, les travaux les plus grossiers et les plus rudes, exécutés le plus souvent par des manœuvres et ouvriers non qualifiés, sans autre ressource technique que leur force physique, sont l’objet ordinaire de la locatio opéra rum.

b) Application actuelle. — Ces deux conditions ouvrières parfaitement distinctes se retrouvent encore aujourd’hui et l’on constate que leur différenciation, du point de vue de la liberté et de la dépendance, n’a fait que s’accentuer. En gros, il est permis d’assimiler le contrat de travail actuel à une locatio operarum et de l’opposer à l’ancienne locatio operis faciendi, qu’on appellerait maintenant « contrat de travail à façon » ou « contrat d’entreprise ». Mais il faut observer que le domaine de la locatio operarum s’est progressivement étendu, englobant certaines situations qui se rattacheraient apparemment à la locatio operis faciendi, lorsqu’en fait ces situations comportent, entre l’ouvrier et le patron, le rapport de dépendance caractéristique de la locatio operarum.

Il semble en effet, de prime abord, que le mode de rémunération au temps ou à la tâche permette de distinguer suffisamment les deux types de contrat. Le temps mesure l’effort laborieux en lui-même, sans considération du résultat ; un salaire déterminé par le temps de travail signalerait donc toujours un contrat de locatio operarum. Au contraire, si le salaire se prope>rlionne à l’importance de la tâche accomplie, à la quantité de valeur produite, quelle que soit la durée ou la difficulté de l’effort, il semblerait que l’on eût nécessairement affaire à un contrat de locatio operis faciendi.

Ce critérium n’a pas été retenu pratiquement. Il est vrai qu’en e>pposant les travailleurs salariés au temps et les travailleurs salariés aux pièces, pour refuser à ceux-ci, pour reconnaître à ceux-là le bénéfice d’une législatiem protectrice du travail, l’application de ce crit-rium eût abouti à des cemelusions inadmissibles. La différence entre les deux modes de rémunération, que lque importante qu’elle soit, ne va pas jusqu’à créer deux conditions de vie ouvrière, comme si le travailleur payé aux pièces jouissait réellement d’une liberté et d’une indépendance particulière dans la conduite de l’ouvrage. En fait, que l’on calcule le montant du salaire-sur l’une mi l’autre base, il ne peut être question el’un contrai d’entreprise lorsque, pour l’exécution élu travail, les salariés senit et ms un rapport personnel de subordination à l’égard de l’employeur qui. non seulement les paie-, mais les fait travailler. Donc l’institution élu salaire aux pièces n’est pas incompatibleavec la locatio operarum.

Il semble bien plus difficile d’apercevoir cet e-ssen-