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SAINTS (CULTE DES. LES DÉFENSEURS


La théologie et la controverse.

Contre les réformés, l'Église procéda sagement d’abord par une

explication des positions dogmatiques en la matière, ce fut l'œuvre de saint Canisius, puis par des éludes de détail. Le premier controversiste un peu marquant, ce fut l’autre docteur de l'Église du xvi c siècle, Bcllarmin ; il fut aussi de tous le plus bref et le plus complet, menant de front l’enquête positive et les recherches spéculatives, niais sans apparat scol asti que. Par contre, Suarcz, moins préoccupé d’histoire, élucida à l’aide des anciens sententiaires les notions de culte et d’invocation des saints, tandis que Noël Alexandre se chargeait, dans un des nombreux appendices de son Historia ecclesiaslica, d’assembler les témoignages des cinq premiers siècles chrétiens. L'œuvre de critique historique fut entreprise par Rosweyd et Bolland. Et puis ces premiers champions des martyrs eurent leurs continuateurs en de Lugo, Billuart, les mauristes, etc., qui avaient bien leurs vues personnelles. Cependant, pour éviter trop de redites, nous étudierons dans un même paragraphe les auteurs anciens et nouveaux. On remarquera que les thèses concernant notre sujet se trouvent trop longtemps encore disloquées entre les traités de l’incarnation, de la religion, de la prière. De Lugo réunit tout ce qu’il avait à dire de cultu sanctorum en ses disputes sur la prière ; mais c’est parce qu’il laissait aux controversistes ce qui concerne l’invocation. Billuart traita le sujet entier en appendice à l’article unique de la Somme où saint Thomas étudie la prière à Dieu et aux saints : Utrum solus Deus sil orandus, IP-II®, q. lxxxiii, a. 4 ; on ne pouvait se décider à sortir de la routine. Il faudra attendre le xixe siècle pour voir le traité rattaché à celui de l’incarnation et de la communion des saints.

1. Saint Canisius.

Il connaissait mieux que personne les tergiversations et les plaisanteries de Luther sur l’invocation des saints. De corruplelis verbi Dei, t. III, c. x, Paris, 1584, p. 399, et aussi les ravages qu’elles faisaient dans les Églises d’Allemagne. Aussi donnait-il, en 1564, une consigne fort judicieuse, qu’il faut citer dans son texte mêlé de latin et d’allemand : Quando credebant hornincs sine contradictione quicquid crédit Ecclesia, non eranl… iconomachi, Mariæ mûssgùner, und der heiligen jcindl, etc. Igitur nunc opus est catechismos scribere, discere, docere et légère. Opus est diligenlius scribere et » rwdicare de verbo Dei et ejtis inlclleclu. Opus est quærere lestimonia conciliorum et l’alrum antiquorum. P. Canisii epistulæ, éàit. (). Braunsberger, t. iv, p. 853. Lui-même n’eut pas le temps de fouiller, comme il l’aurait voulu, la tradition sur le sujet ; mais il corrigea et approuva le livre du P. Coster, De invocationc sanctorum, toc. cit., p. 241 ; et il définit, dans son petit catéchisme, la doctrine de la communion des saints, avec une ampleur qu’on n'était plus habitué à trouver dans de tels manuels : « La communion des saints existe, non seulement entre les fidèles qui vivent exilés sur la terre, mais encore entre les vivants et ceux qui régnent dans les cieux… Tous, comme membres d’un même corps, se communiquent mutuellement le fruit de leurs mérites et de leurs prières, et participent à la vertu du saint sacrifice de la messe et des sacrements de l'Église. « 

2. Saint Bellarmin. Plusieurs controversistes de second ordre continuèrent l'œuvre de défense d’Eck et de Canisius : Cajétan, dans ses Opuscula, Catharin, dans son Apologia, Cochlée dans ses Pnilippicæ, Jean Faber dans ses Opuscula, etc. L’heure était venue de faire, parmi les matériaux accumulés depuis soixante ans, un choix et une mise eu ordre. Ce fut l'œuvre de Bellarmin, qui publia en 1588 le t. n des Controverses où se trouve abordé le sujet De Ecclesia triumphanti ; il faut encore consulter le De sacramento eucharistite, pour la messe des saints, et un opuscule

de 1596, sur le culte des saints, publié au t. vin de ses Opéra omnia, Paris, 1869. Bellarmin cherche avant tout à bien établir la doctrine catholique : s’il isole les assertions de Luther et de Calvin, sans essayer de les intégrer dans leurs systèmes, il construit clairement son traité des saints, en deux parties : le culte et l’invocation, qui suppose l’intercession. Après la thèse catholique, viennent les preuves d'Écriture et de tradition, l’argument de raison ne venant que comme confirmation. Les deux thèses actuelles, il les explique par des distinctions plus claires encore que celles des scolastiques. Pour le culte, il distingue le culte de latrie, par lequel on honore la seule excellence divine, le culte civil (la dulie de saint Thomas), par lequel on honore l’excellence naturelle, le culte de dulie (que saint Thomas appelait hyperdulie) « par lequel on honore une excellence qui tient le milieu entre la divine et l’humaine, à raison de dons surnaturels tels que la grâce et la gloire des saints. Un culte spécial d’hyperdulie est dû aux créatures qui ont eu une union plus intime avec le Verbe de Dieu, c’est-à-dire l’humanité du Christ, si on la considère en elle-même et la Vierge, Mère de Dieu. » Loc. cit., c.xii, p. 168. On voit déjà combien notre théologie actuelle doit de clarté à Bellarmin. Pareillement pour l’invocation : « Les saints, dit-il, ne sont pas nos intercesseurs immédiats ; mais tout ce qu’ils nous obtiennent de Dieu, c’est par le Christ qu’ils l’obtiennent. » C. xvii. p. 179. Les saints entendent-ils nos prières ? Il fallait bien répondre à cette difficulté de Calvin et de Mélanchthon. Mais les divers moyens enseignés par les métaphysiciens du Moyen Age laissent Bellarmin assez indifférent : vel quoeumque alio modo, dirait-il volontiers avec Thomas d’Aquin. Avec plus d’insistance, il développe les conséquences de la communion des saints, et l’enseignement de saint Paul sur le corps mystique du Christ. C. xviii, p. 180. Ce sont les Pères surtout qui ont montré que les saints s’intéressent à nos besoins particuliers. Ibid., p. 181. Il y a bien là quelques faits d’apparitions, p. 182, qui devraient être surveillés de plus près, des commentaires de l'Écriture qui ne portent pas preuve, c. xiii, p. 171, et des textes de Pères qui devraient être revus sur le grec ou remis dans leur contexte. Mais l’ensemble est solide et clair.

3. Suarez.

a) Nature de ce culte. — Suarcz se trouvait devant deux axiomes de l’ancienne scolastique : ce culte est relatif et pourtant religieux au premier chef. « Il n’est pas vrai que le culte des saints soit proprement et formellement relatif, comme est le culte des images et des choses saintes ; il ne peut être dit respectivus que virtuellement et d’une façon large, parce qu’en effet celui qui vénère les saints honore virtuellement Dieu, qui se réjouit de l’honneur de ses saints, et qui nous recommande ce culte. La grâce créée (qui motive ce culte de dulie) n’est pas telle qu’on ne puisse l’honorer qu’en relation avec l’excellence infinie de Dieu ; mais, en elle-même, c’est une excellence absolue, qui rend formellement digne d’honneur et de cul le la personne qui la possède, tout comme la nature intelligente, bien quc créée, rend la personne honorable. » Suarez, De religione, I. I, c. v. n. 6, éd. Vives, I. xiii, p. 55. 'L’honneur dû à la raison ne peut pas clic appelle relatif du fait que cette nature est à l’image de Dieu, qu’elle est une participation de l’intelligence divine… Et de même pour la vénération plus haute qui se fonde sur l’excellence de la grâce créée : « Bien que celle-ci soit une participation de la nature divine, cl uni' ressemblance à la divinité plus parfaite que la simple raison, cependant elle a son être absolu et son excellence intrinsèque, qui est le fondement de l’honneur qui lui est dû. d

Or, » tout culte qui est fondé sur une excellence finie, n’appartient pas à la religion, mais réclame un nou-