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SAINTS (CULTE DES). LES DÉFENSEURS


exemples, un lecteur non prévenu doit croire qu’il est bien plus raisonnable d’admettre dans les martyrs une connaissance des prières que nous leur adressons, que non pas de la leur refuser. » Grotius, Votum pro pace. Cependant, après le concile de Trente, Chemnitz maintint les anathèmes contre toute prière aux bienheureux. « On sait assez, écrit Mœhler, l’incohérence et la contradiction de l’enseignement protestant. Les saints anges prient, mais les saints ne prient pas selon Zwingle ; ils prient pour l'Église, mais non pour les particuliers (Luther). S’ils prient pour nous, Dieu voit cette prière d’un œil de complaisance ; elle ne porte aucun préjudice à l'œuvre de la rédemption. Et cependant, chose étrange 1 nous ne pouvons réclamer leurs suffrages sans provoquer la colère céleste, sans injurier notre divin Sauveur… Puis l’idée de leur intercession (générale et constante) n'éveille-t-elle point en nous la piété, l’espérance, la gratitude, sentiments qui, si nous les analysons, renferment déjà le vœu de ces suffrages ? Enfin toute société repose sur un commerce réciproque de pensée et d’action. » Mœhler, Symbolique, t. I, c. vi, n. 53.

Leibnitz admettait l’intercession des saints et leur invocation : « Gomme les esprits bienheureux sont présents à nos affaires maintenant bien plus que quand ils vivaient sur la terre…, et que leur charité et désir de nous secourir est bien plus vif, comme enfin leurs prières sont bien plus efficaces désormais ; comme nous voyons d’un autre côté tout ce que Dieu accordait aux intercessions des saints vivants et donc l’utilité d’adjoindre les prières de nos frères aux nôtres, je ne vois pas pourquoi on pourrait faire un crime d’invoquer une âme bienheureuse ou un ange saint. » Syslema theolog. Il souhaite seulement que « les hommes pieux et prudents aient soin de distinguer de toutes façons, et même dans les signes extérieurs de culte, entre l’honneur infini de Dieu et la dulie due aux saints ».

II. la défense.

Les conciles.

La première

réaction de l'Église fut la condamnation des erreurs. Mais, comme les protagonistes avaient souvent varié dans leurs opinions, les conciles ne condamnent presque jamais des hérétiques ou un système bien défini. -Sauf pour le pauvre Amaury de Chartres, le IVe concile du Latran (1215) n’a procédé que par des généralités contre les vaudois. Pareillement le concile de Constance (1414-1418) n’osa rien formuler sur les erreurs probables de Wiclelï et de Jean Hus relatives à l’intercession des saints, l’interrogation rappelée plus haut, col. 963, se rapporte à la vénération des reliques et des images.

La tactique du concile de Trente fut la même : on n’y trouve aucun exposé des doctrines adverses, ni même par conséquent les détails de la doctrine catholique, mais seulement les chefs de preuves et le simple énoncé des dogmes à croire. C’est dans sa xxv session, tenue le 3 et le 4 décembre 1563, que le concile, prêt à se séparer, put enfin se prononcer sur la matière. Encore ses décisions ne prirent-elles pas le caractère solennel des autres définitions dogmatiques ! Le concile se contente de recommander aux évêques de rappeler aux fidèles l’enseignement courant de l'Église. Denz.Bannw., n. 984 sq. « Le saint concile leur mande que, selon l’usage de l'Église catholique et apostolique, reçu depuis les premiers temps de la religion chrétienne, selon le consentement des saints Pères et les décrets des sacrés conciles » — voilà les trois chefs de preuves, où l'Écriture ne figure pas comme argument positif — « au sujet surtout de l’intercession et de l’invocation des saints, de l’honneur des reliques et du légitime usage des images, ils instruisent les fidèles » — ce sont les quatre points de doctrine, dont les deux premiers seuls nous intéressent dans cet article. 1. Sur l’interces sion : « Qu’ils leur enseignent que les saints qui régnent avec le Christ offrent à Dieu leurs prières pour les hommes » ; et pour préciser quelque peu, mais par mode de condamnation, l’objet de cette intercession, le même décret dit un peu plus loin : « Ceux qui nient que les saints qui jouissent dans le ciel de l'éternelle félicité ne prient pas pour les hommes, ou que leur invocation, pour qu’ils prient même pour chacun de nous, est une idolâtrie, sont dans des sentiments impies. » 2. Sur l’invocation par nous : « Qu’ils enseignent qu’il est bon et utile de les invoquer avec supplication, suppliciter », ceci marque le mode général, le ton des invocations aux saints : cette invocation est donnée comme « bonne et utile, bonum atque utile », donc comme irréprochable, permise et conseillée, non pas comme nécessaire à tous. Voici l’explication dogmatique de cette prière des saints et de ce recours aux saints : « Qu’ils enseignent aux fidèles de recourir à leurs prières, leur soutien et leur secours, pour obtenir des bienfaits de Dieu par son Fils Jésus-Christ NotreSeigneur, qui est seul notre rédempteur et sauveur. » L’objection générale, commune à tous les réformés, (Luther, Zwingle et Calvin) était ainsi réfutée par un déclaration aussi générale, puis par une condamnation et une protestation de fidélité au bon sens, à la vraie religion et à la sainte Écriture : « Ceux qui disent que l’invocation des saints est une idolâtrie ou qu’elle est contraire à la parole de Dieu, ou qu’elle s’oppose à l’honneur du seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ (I Tim., ii, 5), ou enfin qu’il est insensé de prier vocalement ou mentalement des saints qui régnent dans le ciel, ceux-là sont impies dans leurs sentiments. » Après cette déclaration de principe, vient dans le même décret la déclaration purement disciplinaire correspondante, sur laquelle, comme d’ordinaire, on passe un peu rapidement. « En ces saintes et salutaires observances, si quelques abus se sont glissés, le saint concile désire vivement les voir disparaître, de façon que l’on n'établisse pas des images d’une portée dogmatique fausse et capables de tromper dangereusement les simples. » Denz., n. 988. La prohibition des images de saints trompeuses, n'était qu’un exemple entre mille.

Il faut juger de la portée de cette double déclaration d’après l’intention du concile, qui était de mettre en sûreté une pratique traditionnelle : l’invocation des saints, et une doctrine traditionnelle aussi : que les saints prient pour nous, même pour chacun de nous. Mais le premier point étant le plus urgent à défendre et supposant le second, les Pères ont été assez formels sur l’usage même de l’invocation, qu’ils ont déclaré bon et utile, condamnant comme impie l’opinion contraire. Était-il aussi dans leur intention de déclarer impie l’opinion des protestants interdisant l’invocation comme contraire à l'Écriture ? Oui, sans doute, mais sans en faire une définition solennelle ; le concile ne dit pas d’ailleurs que cette dévotion soit recommandée par la sainte Écriture, mais par la pratique de l'Église apostolique, des Pères et des conciles. Sur la pratique de cette invocation, il s’en rapporte « à la diligence » et au sens catholique des évêques. Il est encore beaucoup moins formel sur le thème plus théologique de l’action des saints au ciel : « Ils prient, ils offrent leurs prières » ; ces mots de sens commun, pour marquer l’intercession des saints, montrent bien que le concile de Trente ne voulait rien définir en ces matières spéculatives. Tous ces décrets, d’ailleurs, se ressentent de la hâte que l’on avait d’en finir.

Signalons, en 1687 et 1690, deux condamnations contre les mystiques ou les moralistes disant que « la dévotion à Marie ou aux saints est trop sensible pour les âmes parfaites » et que la dévotion à Marie, ut Mariée, est vaine. Denz., n. 1255 et 1316.